Dans ce quartier, décrit auparavant comme tranquille par les habitants et commerçants, la vie devient de plus en plus difficile. Déchets, déjections humaines, seringues à terre, fortes odeurs, prostitution… Plusieurs riverains de l’avenue Villermont ont alerté les élus locaux à de nombreuses reprises. Selon eux, sans résultat.

Le dernier point de crispation: le local du restaurant Mon petit jardin, fermé depuis l’été 2023, désormais squatté. L’établissement a été déclaré en cessation de paiement le 31 août 2023 et n’a plus ouvert ses portes.

« Un point de deal et de prostitution »

« Au début, c’était paisible. Puis en hiver, un ou deux SDF ont trouvé le truc et sont venus squatter la terrasse. Ça allait, sauf qu’ensuite, c’est devenu un point de deal. Et depuis six mois, c’est carrément devenu un lieu de prostitution », regrette Jean-Pierre Pessina, président de plusieurs conseils syndicaux de l’avenue Villermont et résident du quartier depuis 62 ans. Face aux nombreux témoignages de riverains et commerçants, il s’est constitué porte-parole.

Impossible d’accéder à l’intérieur du restaurant. Mais la terrasse extérieure est bien occupée. Les vitres sont cassées, auparavant à demi couvertes par des bâches de fortune flottants aux quatre vents, avant que tout soit arraché par une riveraine excédée ce mardi 17 juin. À l’intérieur, un amas d’objets et de couvertures, une forte odeur, et surtout plusieurs personnes allongées dont l’agitation autour ne trouble pas le repos.

Désormais, plusieurs commerçants du quartier affirment avoir aperçu des seringues usagées et des filles entrer et ressortir une quinzaine de minutes plus tard. « C’est toute la nuit », fulmine une restauratrice des environs. « Avant, c’était un restaurant agréable et ça faisait une rue sympathique. Maintenant, les gens peuvent se dire qu’il ne faut pas rentrer trop tard pour rester en sécurité », poursuit-elle. Une autre commerçante, proche du restaurant abandonné, affirme qu’elle aperçoit parfois des rôdeurs autour de sa voiture. « Il y a une voisine qui se lève tous les jours entre trois et quatre heures du matin pour vérifier qu’il n’y a pas le feu à la terrasse », assure-t-elle. Car au numéro 23, le local est intégré à un immeuble, avec cinq étages de logements.

« C’est l’inertie la plus totale »

La Municipalité a été avertie par de nombreux mails et courriers depuis deux ans. Jean-Pierre Pessina sort un épais dossier, de plusieurs centimètres. Inscrit au marqueur sur la couverture: « Dossier SDF ». « Voilà tous nos échanges. Mais honnêtement, rien n’a bougé depuis. C’est l’inertie la plus totale », bougonne le représentant de l’avenue.


À l’intérieur du local, un amoncellement d’objets. Photo Jean-Pierre Pessina.

Dans une réponse en juin 2024, la Ville, affirme avoir saisi la cellule Squat de la police municipale (en place depuis 2009). Plus récemment, en janvier, Christian Estrosi a même pu accompagner Jean-Pierre Pessina pour constater la situation. « J’ai soulevé la bâche, je lui ai montré l’intérieur. Il m’a dit que ça ne pouvait pas durer. La police municipale m’a rappelé en me disant qu’ils allaient prendre le problème à bras-le-corps. Mais ça fait cinq mois », ironise le Niçois.

La police municipale intervient souvent, contrôle ce qui se passe. Mais uniquement de l’extérieur. Le restaurant étant un lieu privé, elle n’a pas le droit d’y pénétrer sans autorisation. C’est bien là le hic. « La police municipale n’a pas manqué de contacter le propriétaire des lieux pour l’inviter à engager une procédure de manière à mettre un terme à cette situation. Pour autant, celui-ci s’y refuse. Nous ne pouvons donc pas intervenir outre mesure », précise la Ville dans un courrier adressé à Jean-Pierre Pessina. Autrement dit: sans dépôt de plainte ou de saisie de la justice, aucune action n’est possible.

La préfecture agira « prochainement »

Depuis, selon la Ville de Nice, le propriétaire des lieux aurait engagé une procédure d’expulsion, « avec une décision favorable obtenue en septembre 2024 ». Un commissaire de justice serait intervenu, sans succès. La Ville de Nice a donc dû se tourner vers la préfecture des Alpes-Maritimes pour demander une expulsion de force.

Mais sur ce point, les deux institutions se renvoient la balle.

« La Ville ne peut prendre en compte la défaillance de l’État pour accepter qu’une telle situation perdure et engendre d’importantes nuisances pour le voisinage », précise-t-on en mairie. Réponse de la préfecture des Alpes-Maritimes: « La demande d’expulsion transmise en décembre 2024 n’a pas pu être accordée faute de complétude du dossier. Une nouvelle demande conforme a été depuis transmise et le concours de la force publique sera octroyé par le préfet prochainement ».