L’agence spatiale européenne a repris des couleurs. Après des années de retard et de reports, la nouvelle fusée européenne Ariane 6 a réussi son premier vol commercial en mars, en mettant en orbite le satellite militaire d’observation CSO-3. Elle doit réaliser quatre vols supplémentaires d’ici à la fin 2025 – dont l’envoi de la constellation Kuiper d’Amazon. De son côté, le lanceur léger italien Vega-C, cloué au sol durant plusieurs mois depuis l’échec de son premier vol commercial, a repris les vols fin 2024. La fusée doit effectuer son quatrième vol fin juillet puis au moins cinq lancements en 2026. Si la crise semble passée, l’Europe doit désormais accélérer la fréquence de ses lancements spatiaux.


Car les carnets de commandes se remplissent, mettant à l’épreuve la capacité européenne à honorer ses contrats dans les temps. Le lanceur Ariane 6 compte déjà 30 vols dans son carnet de commande. «Nous voulons faire le maximum pour atteindre une cadence de 10 vols par an. Nous serons très certainement à cette cadence en 2029, lorsque nous commencerons à déployer Iris², un programme phare», avance David Cavaillolès, PDG d’Arianespace. La constellation européenne, conçue par Thales Alenia Space, doit compter près de 300 satellites multi-orbitaux.


Le très attendu moteur de fusée P160


Pour mettre les bouchées doubles, les constructeurs misent notamment sur l’augmentation des capacités de transport de leurs fusées. Fin avril, le moteur P160C, conçu conjointement par ArianeGroup et l’italien Avio, a été testé avec succès au centre spatial de Kourou, en Guyane. Le propulseur doit équiper les lanceurs européens Ariane 6 et Vega-C dès 2026 pour leur offrir 14 tonnes de propergol solide supplémentaires. La nouvelle version d’Ariane 6, dite «Block 2», doit ainsi voir ses capacités de transport augmenter de 20%.


Le constructeur Avio prévoit, lui, de redessiner «très bientôt» la coiffe de Vega-C afin d’augmenter son volume d’emport. «Dans le cadre des missions dites multi-satellites, nous lançons souvent plusieurs satellites. Nous avons déjà lancé jusqu’à 53 satellites différents en un seul lancement», explique Giulio Ranzo, PDG de l’italien Avio, fabricant du lanceur léger.


Mise en concurrence


Mais côté Ariane 6, le tissu industriel pourrait tout juste suffire aux ambitions de lancement d’Arianespace. Selon ArianeGroup, le constructeur de la fusée géante, le système industriel actuel est en capacité de produire 9 à 10 lanceurs Ariane 6 par an au plus haut.


Alors pour décupler la puissance de frappe européenne dans les lancements spatiaux, l’ESA mise également sur l’émergence de nouveaux acteurs privés. «Jusqu’à présent, nous avons acheté des services de lancement en négociation directe. Dans au moins dix ans, nous souhaitons acheter des lanceurs en compétition entre acteurs privés. On est convaincu que c’est la clé pour améliorer la compétitivité de nos lanceurs en Europe», explique Toni Tolker-Nielsen, directeur du Transport spatial de l’ESA, à L’Usine Nouvelle.


Pour faire émerger de tels acteurs, l’agence compte inciter les pays membres à subventionner des projets de microlanceurs – une première marche industrielle avant le développement d’engins plus grands. L’agence a lancé fin 2023 une mise en compétition de projets de microlanceurs européens, baptisée European launcher challenge. À la clé, l’ESA prévoit d’allouer jusqu’à 169 millions d’euros par compétiteur ainsi qu’un contrat-cadre portant sur plusieurs lancements de satellites pour le compte de clients institutionnels européens sur la période 2026-2030.


Douze dossiers ont été déposés. «Compte tenu des capacités financières des États membres, il faudra certainement procéder à une sélection afin de retenir un nombre raisonnable de propositions», précise Josef Aschbacher. Les dossiers sont à l’étude. Verdict en novembre lors du Conseil ministériel de l’ESA à Brême, en Allemagne.