Alors que le nombre total de fumeurs tend à diminuer, l’Allemagne enregistre une hausse significative de la consommation de tabac chez les fumeurs. D’après les données de la caisse d’assurance maladie KKH, le nombre de personnes fumant plus de 20 cigarettes par jour a augmenté de 50 % en dix ans. Cette tendance s’accompagne d’une progression marquée des maladies respiratoires chroniques comme la BPCO, dont les cas ont augmenté de 30 % entre 2013 et 2023[1].
L’enquête allemande sur le tabagisme (étude Debra) indique que le nombre de fumeurs en Allemagne s’élève à environ 32 % en 2023 en population générale.
Une augmentation de la consommation des fumeurs et des pathologies associées
Selon une analyse de la caisse d’assurance maladie – Kaufmännische Krankenkasse KKH, le nombre de personnes consommant plus de 20 cigarettes par jour a augmenté de 50 % en dix ans en Allemagne. Cette tendance concerne principalement les hommes âgés de 40 à 59 ans, mais touche également des tranches plus jeunes. Si le tabagisme global recule légèrement dans certaines catégories de la population, cette hausse de la consommation soulève une inquiétude chez les professionnels de santé en raison de l’aggravation encore des pathologies associées.
Les données de KKH révèlent une augmentation notable des pathologies chroniques liées au tabac, en particulier la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). Entre 2013 et 2023, le nombre de personnes atteintes de BPCO suivies par la caisse d’assurance a progressé de 30 % et près d’un quart (22,8 %) des fumeurs ayant une consommation quotidienne de plus de 20 cigarettes étaient atteints de BPCO, contre 19,5 % dix ans plus tôt. Cette maladie respiratoire grave, qui provoque une obstruction progressive des voies aériennes, est fortement liée à une consommation prolongée et importante de tabac. Les femmes représentent désormais 40 % des patients atteints, un chiffre en augmentation, traduisant l’évolution des comportements tabagiques dans la population féminine.
La BPCO reste souvent sous-diagnostiquée en raison de symptômes discrets au début de la maladie (essoufflement, toux chronique, fatigue). Or, une fois installée, elle est irréversible et pourrait constituer la troisième cause de décès dans le monde d’ici 2030 selon l’OMS. En Allemagne, les pneumologues alertent également sur la hausse des cas chez des personnes encore actives professionnellement, mettant en lumière l’impact croissant du tabac sur la qualité de vie et la productivité des adultes d’âge moyen.
L’étude de la KKH met également en évidence d’importantes disparités régionales. Dans le Land de Thuringe, la nombre de fumeur a doublé en dix ans, passant de 3,5 % en 2013 à 7 % en 2023. Berlin affiche les taux les plus élevés à l’échelle nationale, avec 9 % des assurés concernés en 2023 contre 6,4 % dix ans plus tôt. À l’inverse, les Länder du Bade-Wurtemberg (4,3 %) et de Hesse (4,7 %) présentent les taux les plus faibles de dépendance tabagique en 2023. Ces écarts traduisent l’inégale exposition au tabac selon les territoires, et appellent à des politiques de prévention plus ciblées.
Outre la BPCO, les experts soulignent également une augmentation des infections respiratoires chroniques, des crises d’asthme sévères, et un risque accru de maladies cardiovasculaires en particulier dans cette catégorie de fumeurs.
Une politique de lutte antitabac à la traine en Allemagne
Malgré la ratification de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Allemagne figure parmi les pays les moins avancés en matière de réglementation et de prévention du tabagisme en Europe. Contrairement à de nombreux pays voisins qui ont adopté des politiques globales de lutte contre le tabac – taxation dissuasive, interdictions strictes de publicité, emballage neutre, accompagnement renforcé à l’arrêt – l’Allemagne reste en retrait sur la plupart de ces leviers.
En 2023, l’OMS a d’ailleurs pointé du doigt cette situation dans son neuvième rapport annuel sur la consommation mondiale de tabac, en condamnant explicitement l’inaction de l’Allemagne sur les quinze dernières années. Rüdiger Krech, directeur de la promotion de la santé à l’OMS, a déclaré que la politique allemande actuelle en matière de tabac était « très préoccupante », soulignant l’absence de mesures efficaces pour prévenir l’initiation ou accompagner le sevrage.
Parmi les principales failles du système allemand figure la relative accessibilité financière des produits du tabac. Selon les données de l’association allemande des fabricants de cigarettes (Deutscher Zigarettenverband, DZV), le prix moyen d’un paquet de 20 cigarettes était de 8,70 euros en 2024 – un tarif bien inférieur à celui pratiqué dans d’autres pays d’Europe de l’Ouest ayant adopté une politique fiscale plus volontariste. Ce prix relativement bas ne permet pas de dissuader efficacement les jeunes ou les populations à faibles revenus de fumer.
La publicité pour le tabac reste par ailleurs encore largement autorisée dans l’espace public, notamment sur les panneaux d’affichage, dans les cinémas et sur les devantures de certains points de vente. Les dispositifs de réglementation du marketing pour les nouveaux produits nicotinés (comme les cigarettes électroniques, le tabac chauffé ou les sachets de nicotine) sont également jugés insuffisants.
Enfin, la forte présence des lobbys de l’industrie du tabac constitue un frein majeur à toute avancée structurelle. Plusieurs ONG et experts de santé publique dénoncent régulièrement le poids des fabricants dans les processus législatifs, qui contribue à maintenir un cadre réglementaire permissif, en décalage avec la gravité de la situation et les recommandations internationales.
AE
[1] Communiqué, Bald atemlos? Zahl der Tabaksüchtigen stark gestiegen, KKH, publié le 26 mai 2025, consulté le 16 juin 2025
Comité national contre le tabagisme |