Par
Clémence Pays
Publié le
19 juin 2025 à 7h36
Depuis quelques jours, le marché de Talensac fait parler de lui à Nantes. Et ce n’est pas pour ses produits réputés, mais plutôt pour son état général jugé dégradé par des commerçants.
Tout est parti d’une vidéo diffusée par NTV Media, début juin 2025. Durant une vingtaine de minutes, la caméra suit Ludovic Condroyer, responsable de la Fromagerie Beillevaire à Talensac, accompagné de Foulques Chombart de Lauwe, candidat aux élections municipales 2026, déterminé à faire tomber la maire de Nantes, Johanna Rolland. Du sol au plafond, le commerçant dresse le bilan : « la halle est vieillissante avec un problème de propreté ».
« Un ras-le-bol général »
Dans les allées du marché, vendredi 13 juin au matin, l’ambiance est paisible. Les habitués trainent leur chariot à roulettes ou leur panier d’osier pour faire leurs courses. Pendant ce temps, quelques touristes s’arrêtent pour prendre en photos les automates de Gavin Pryke, installés au-dessus des entrées de la halle, lors du Voyage à Nantes 2022.
Et parmi les visiteurs, Ludovic Coudroyer fait le tour des étals, feuilles A4 sous le bras. « Tu l’as eu ? C’est pour la pétition, il faut l’afficher », interpelle-t-il les commerçants de cette halle couverte.
Si le fromager fait autant la promotion de cette fameuse pétition, « c’est parce qu’il y a un ras-le-bol général ».
Depuis 2018 on fait part, à la mairie, des soucis de sécurité du bâtiment et d’hygiène.
Ludovic Coudroyer
Fromagerie Bellevaire Talensac
Selon le commerçant, plusieurs réunions ont eu lieu entre l’association des commerçants du marché de Talensac et les élus. « Ils sont au courant. Depuis un an, nous sollicitions un rendez-vous avec Johanna Rolland. On a l’impression de ne pas être entendus. »
Alors pour faire entendre sa voix et celle de ses confrères, Ludovic Coudroyer a décidé de faire appel à Éric Fauguet, fondateur de NTV Média. « Nous, on est commerçants, il nous fallait quelqu’un qui connaît la communication », précise le Nantais.
Des automates ont été installés par le Voyage à Nantes au-dessus des entrées du marché de Talensac pour attirer les touristes et assurer un flux vers la halle commerçante. (©Clémence Pays/actu Nantes)
« On a été lanceur d’alerte, confirme Éric Fauguet. NTV Media a lancé la pétition («Pour un Talensac vivant et respecté », N.D.L.R), parce qu’il fallait porter une voix collective. Mais cette pétition n’appartient pas aux commerçants. Ça nous appartient à nous, usagers de la halle », affirme le journaliste et formateur en prise de parole en public.
Passer à « la vitesse supplémentaire »
Au cœur des doléances de Ludovic Coudroyer, « deux points importants » : « le premier, remettre le marché en état de salubrité publique et deuxièmement, une question d’ordre politique, comment on voit l’avenir de Talensac ? ».
Notre demande est apolitique. Je peux faire visiter Talensac à qui veut.
Ludovic Coudroyer
Fromagerie Bellevaire Talensac
« On est dans une démarche hyperpositive. On veut passer à la vitesse supérieure », martèle le commerçant. Et pour lui, « la priorité numéro 1, ce sont les pigeons ».
En effet, Ludovic Coudroyer ne peut s’empêcher de constater les fientes de ces oiseaux sur les bâches qui abritent les emplacements commerciaux. Celui-ci assure avoir personnellement envoyé des devis d’entreprises spécialisées à la municipalité pour faire nettoyer les tonnelles. Des missives restées sans réponse.
Il aimerait également voir davantage de pics installés pour empêcher les pigeons de se poser sous la halle.
« Des pics ont été installés par la Ville, souligne Hervé Fournier. On nous a demandé de les mettre ailleurs, donc on les a déplacés. Le sujet a été traité, mais cela ne veut pas dire qu’il est résolu », concède le conseiller municipal, chargé des marchés et de la gestion des activités commerciales sur l’espace public.
Ce dernier rappelle que Talensac est « une halle ouverte, c’est donc compliqué de gérer l’entrée des pigeons ». Sans compter que la Ville s’engage à prendre en compte le bien-être animal et donc à réfléchir à des techniques de piégeage qui vont en ce sens. « Et puis avoir des cadavres de pigeons au pied des étals ce n’est pas une solution », poursuit l’élu.
Des déchets qui attirent les frelons
Derrière son comptoir, une commerçante (1), acquiesce face aux arguments avancés par le fromager.
L’état du marché se dégrade de mois en mois. Le sol est glissant, c’est mal entretenu.
Une commerçante de Talensac
« Certains commerçants travaillent à un mètre des conteneurs qui ne sont pas vidés tous les jours, alors qu’il y a des déchets putrescibles dedans », ajoute cette dernière. « En été, au niveau des bennes, il y a des guêpes et des frelons. On ne peut pas s’approcher », affirme Patrick Albera, président de l’association des commerçants du marché de Talensac, qui soutient la pétition.
« Normalement, avec ce type de déchets, il faudrait un local à poubelles réfrigéré », complète Ludovic Coudroyer.
Des crottes de pigeons sont visibles sur les bâches au-dessus des étals des commerçants de Talensac. Les murs et les sols sont également abîmés. (©Clémence Pays/actu Nantes)
« C’est un très gros marché avec une ouverture du mardi au dimanche et les jours fériés, ce qui fait des commerçants de gros producteurs de déchets, répond Mathieu Perez, directeur du pôle de proximité Nantes Centralité. Le tri des déchets est un véritable enjeu et un travail dessus a déjà commencé. »
Toute modification de la halle doit être validée par les Architectes des Bâtiments de France, cela implique donc un certain délai.
Hervé Fournier
Conseiller municipal, chargé des marchés et de la gestion des activités commerciales sur l’espace public
Il explique ainsi que deux caissons ont été installés pour trier les détritus en séparant les déchets dits secs, des déchets putrescibles. Mathieu Perez relève également des « mésusages », comme des « dépôts sauvages » faits par des passants alors qu’il s’agit d’un équipement réservé aux commerçants de Talensac. Pour cette raison, une demande a été formulée aux Architectes des bâtiments de France – le bâtiment étant labellisé Patrimoine du XXe siècle – pour mettre une grille et éviter ce type de désagrément. La proposition a été validée, « en octobre, on va pouvoir fermer le local, ça va nous aider », annonce Mathieu Perez.
Des bancs endommagés, un sol abîmé
La commerçante rencontrée nous explique également vouloir remettre son banc « à jour », avec quelques travaux. « Mais je me demande si ça vaut le coup », se désole-t-elle en évoquant la découverte de champignons qui poussent sur le béton de la halle.
« On a ouvert en 2003, juste après la rénovation », raconte la commerçante. À cette époque, le marché de Talensac est propre. « C’était la mairie de Nantes qui entretenait la halle avec du bon matériel. Maintenant, c’est une entreprise privée qui nettoie le sol avec une lance à incendie […]. Ça a endommagé les bancs, toute l’eau a fait gonfler les bois. Ça abîme tout. »
Effectivement, sur place, le sol et les plaintes présentent des aspérités et des creux. Certains bancs sont plus mal en point que d’autres. « Celui-ci a été refait il n’y a pas longtemps, mais ça commence déjà à se décoller », illustre la commerçante en désignant l’étal d’un commerçant voisin.
La halle de Talensac est vieillissante, à l’extérieur, les escaliers sont très abîmés. Quelques déchets sont également jetés au sol par des passants. (©Clémence Pays/actu Nantes)
« C’est un problème identifié par la Ville, assure Mathieu Perez. Nous avons convoqué la société de nettoyage pour faire un contrôle et vérifier les bonnes conditions de travail des agents. » Notamment au niveau de l’équipement disponible pour nettoyer les lieux.
« On l’entend cette impatience, mais c’est moins simple que sur un bâtiment tout neuf », glisse le directeur du pôle de proximité Nantes Centralité. « Nous avons fait de menus travaux pendant le mandat, pour un coût de plus de 600 000 euros », enchaîne Hervé Fournier.
C’est un vieux bâtiment qui exige beaucoup de travaux d’entretien, des travaux courants […]. La Ville a continuellement travaillé à la conservation du patrimoine. Nous avons fait des choses, peut-être pas satisfaisantes, mais tout ce qu’on a fait, ça a été avec les commerçants.
Hervé Fournier
Conseiller municipal, chargé des marchés et de la gestion des activités commerciales sur l’espace public
« Je ne dis pas que tout est parfait… », admet l’élu. Mais, « on est sur une halle de 1937, qui n’était pas un marché à la base. Cela représente des défis techniques et donc une temporalité différente de celle des commerçants », justifie Mathieu Perez.
Des visiteurs au comportement inapproprié
« C’est sale, il faudrait refaire tout le marché », estime Denis, fidèle client de Talensac qui vient tous les jours depuis plus de dix ans, « sauf le lundi, c’est fermé ».
Le Nantais comprend le ras-le-bol de Ludovic Condroyer. Pour lui, le problème est surtout visible à proximité des sanitaires. « C’est une horreur, c’est très sale, ça sent mauvais. Et la porte des toilettes ne ferme pas », raconte-t-il désolé.
Il faut une prise de conscience et des actions à mener en priorité sur l’hygiène.
Patrick Albera
Président de l’association des commerçants du marché de Talensac
Patrick Albera tient également à mentionner un autre problème, qu’il aimerait voir pris en charge urgemment : celui de « la sécurité ».
« En quelques jours, il y a eu plusieurs agressions de jeunes commerçantes, avec des comportements plus qu’inappropriés » de la part de certains visiteurs du marché, s’indigne le président de l’association.
Le lendemain de ces propos, samedi 14 juin, la police de Nantes a arrêté un homme accusé d’exhibition et d’agression sexuelle contre des commerçantes du marché.
(1) Le nom de la commerçante n’a pas été dévoilé, à la demande de celle-ci.
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