Il faut imaginer cette monumentale sculpture en bois fendre les flots, tout en barbe flamboyante et en pectoraux saillants, perchée au sommet de l’étrave d’un puissant vaisseau de quatre-vingts canons.

Neptune – c’est son nom, comme celui du bateau de guerre qu’elle orna au XIXe siècle – est une figure de proue d’une beauté exceptionnelle, admirée chaque mois en bord de rade par des milliers de personnes.

Devenue ces dernières années une des pièces maîtresses du musée de la Marine à Toulon, elle va pourtant devoir quitter les lieux.

Temporairement du moins.

« Nous prêtons Neptune au musée Les Franciscaines, à Deauville, pour une exposition d’un peu plus de trois mois », explique Elsa Lewuillon, administratrice de l’établissement toulonnais. « Dans le même temps, nous récupérons la figure de proue de la frégate Sibylle, qui dormait dans nos réserves parisiennes. »

Une opération relativement simple en apparence, mais qui nécessite de prendre quelques précautions.

Dépoussiérage et mousses de calage

« Neptune pèse 250kg. La pièce, issue de l’atelier de sculpture des arsenaux de Lorient, a été un peu endommagée lors d’un bombardement en 1944. Il faut la manipuler avec les plus grandes précautions, d’autant qu’elle incarne le visage de l’établissement », poursuit Elsa Lewuillon. « Afin d’être transportée sans dommage, il faut déjà vérifier que l’œuvre d’art est en bon état. Pour cela, nous avons fait appel à une spécialiste. »


La figure de proue de la frégate La Sibylle, lancée en 1847, est désormais exposée à Toulon. Photos Camille Dodet.

Anaïs Lechat est restauratrice de sculpture. C’est elle qui a en charge la préparation du voyage dans le Calvados.

« Je m’assure que tous les éléments sont stables, pose-t-elle. Même si les cordelettes ou les chevilles qui ont servi à une restauration ancienne paraissent encore solides, je vais installer des mousses de calage. Au-delà de cette intervention préventive, l’idée est aussi de procéder à un dépoussiérage de cette œuvre magnifique »

Un rapide lifting qui doit faire le bonheur du public normand.

D’orme et de pin

Posé sur son nouveau socle, le lumineux buste de Sibylle, représentant une prophétesse antique, parait, lui, avoir été sculpté la veille.

Il est en réalité né en 1847, issu de l’atelier de modèles des arsenaux de Toulon. D’orme et de pin (pitchpin), comme Neptune, il pèse près de 150kg et a déjà été exposé au pied du Faron par le passé.

« La bonne nouvelle, c’est qu’une fois Neptune revenu, nous pourrons tout de même conserver la Sibylle », précise encore Elsa Lewuillon.

D’autres changements vont intervenir du côté de l’entrée du port militaire. Une vingtaine d’instruments de navigation quittent ainsi le musée de la Marine pour être restaurés dans l’atelier dédié de l’établissement, en Seine-Saint-Denis.

Plus excitant: un planétaire, objet rarissime du XIXe siècle offrant une vision en mouvement du système solaire, avec ses planètes en ivoire, va être présenté au public dans les prochains mois. Vivement.