Alors que les échanges de frappes entre Israël et l’Iran se poursuivent, Vladimir Poutine a estimé jeudi 19 juin qu’une « solution » qui pourrait convenir aux deux pays ennemis pouvait être « trouvée ». « C’est une question délicate, et il faut bien sûr être très prudent, mais à mon avis, dans l’ensemble, une solution peut être trouvée », a déclaré le président russe lors d’un échange avec des représentants d’agences de presse étrangères, au sujet d’une éventuelle issue diplomatique au conflit.
La solution pourrait-elle venir de Moscou ? Dès le premier jour de l’affrontement déclenché par les frappes israéliennes contre l’Iran, vendredi 13 juin, le maître du Kremlin avait proposé sa médiation. Une offre réitérée mercredi « pour faire avancer le dialogue » entre les ennemis jurés, après un appel entre le président russe et son homologue émirati, cheikh Mohamed ben Zayed.
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Historiquement, la Russie entretient de bonnes relations avec Israël, où vit une importante communauté russophone. Mais l’offensive russe en Ukraine, lancée en 2022, et la guerre menée par Israël à Gaza, critiquée par Moscou, ont fragilisé leurs liens. A l’inverse, la Russie, marginalisée par les Occidentaux, s’est largement rapprochée de Téhéran ces dernières années. L’Iran est notamment accusé par les Occidentaux de fournir à Moscou des drones Shahed.
Revenir sur le devant de la scène
En se proposant comme médiateur dans la confrontation militaire entre Israël et l’Iran, Vladimir Poutine entend faire revenir Moscou sur le devant de la scène internationale. « En se positionnant en intermédiaire indispensable », la Russie pourrait, le cas échéant, utiliser ce statut « pour exiger un allégement des sanctions, une reconnaissance diplomatique de ses revendications territoriales ou encore faire accepter son comportement en Ukraine », analyse Nicole Grajewski, du groupe de réflexion Carnegie, auprès de l’AFP. Selon cette chercheuse, Vladimir Poutine a également intérêt à préserver Téhéran, son principal allié au Moyen-Orient : « La Russie ne veut pas de changement de régime en Iran, surtout s’il aboutit à un gouvernement pro-occidental qui affaiblirait le partenaire régional le plus important de Moscou depuis la guerre en Ukraine ».
Tatiana Kastouéva-Jean, de l’Institut français des relations internationales (Ifri), rappelle de son côté que la Russie était déjà par le passé « sortie de l’isolement international » provoqué par son annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée en 2014, « en se rendant incontournable » au Moyen-Orient. Le Kremlin était notamment intervenu militairement en Syrie en 2015, sauvant alors le pouvoir de Bachar el-Assad en pleine guerre civile. La même année, il avait soutenu l’accord sur le nucléaire iranien, avant le retrait de Washington en 2018.
« Fais le médiateur pour toi-même »
La proposition d’une médiation russe entre Tel-Aviv et Téhéran a toutefois été accueillie plus que froidement, à commencer par l’Union européenne. « La Russie ne peut pas être un médiateur objectif », a balayé lundi un porte-parole de la Commission européenne, Anouar El Anouni. « Je ne crois pas que la Russie, qui aujourd’hui est engagée dans un conflit de haute intensité et a décidé de ne pas respecter la charte des Nations unies, depuis maintenant plusieurs années, puisse être en quoi que ce soit un médiateur », a également jugé dimanche depuis le Groenland le président français Emmanuel Macron. « Au Kremlin qui voudrait faire la paix au Proche-Orient : commencez par l’Ukraine », a aussi raillé mardi le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot.
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Donald Trump lui-même y est allé de sa critique : « Il a proposé de faire le médiateur, j’ai dit ‘Fais-moi une faveur, fais le médiateur pour toi-même. Occupons-nous de la médiation pour la Russie d’abord, ok ? Tu peux t’occuper de ça (ndlr : le conflit au Moyen-Orient) plus tard' », a déclaré mercredi le républicain pendant un échange avec des journalistes à la Maison-Blanche. Un changement de ton clair, alors que le président américain s’était d’abord dit « ouvert » à la suggestion de son homologue russe.