Rue Le Bastard, le « ciel de rue » protège à nouveau les passants du soleil depuis quelques jours. Ce dispositif d’ombrage éphémère, testé en 2023, revient chaque été pour limiter l’envolée du mercure dans cette artère du centre historique de Rennes. Le quartier est en plein « îlot de chaleur urbain » : en journée, la chaleur s’accumule dans les murs et les sols avant d’être restituée pendant la nuit. D’où d’importants écarts de température, une fois le soleil couché, entre le centre et la campagne environnante, naturellement « climatisée » par la végétation. Des chercheurs de Rennes 2, qui ont mis au point un site permettant de suivre le phénomène en direct, ont enregistré jusqu’à 9° de différence, en juillet 2022.
Pour les habitants du vieux Rennes, la vague de chaleur qui a commencé à déferler ce jeudi 19 juin s’annonce donc un peu plus éprouvante que pour les autres. Dans la nuit de vendredi à samedi, la température devrait redescendre à un acceptable 23 degrés à l’échelle de la ville. Mais, à cause de cet effet « dôme », ce sera sans doute plus dans le centre. « On se demande si on ne va pas aller passer le week-end dans les Côtes-d’Armor », s’interroge Rose, une riveraine inquiète pour sa petite de trois mois.
« Il faut se pencher sur la question de la surchauffe en été »
D’autant qu’il n’est pas toujours simple de garder la fraîcheur dans les appartements. Les vieilles maisons à pans de bois ont été construites pour la plupart entre le XVe et le XVIIIe siècle. Du fait d’une piètre isolation, 71 % des logements du centre ancien – soit 3 600 – sont considérés comme des passoires énergétiques. L’été, certains se transforment à l’inverse en « bouilloires thermiques », d’après l’expression de Vincent Dubreuil, coprésident du Haut conseil breton pour le climat.
Rue Le Bastard, le « ciel de rue » a fait son retour mi-juin. (Le Télégramme/Romain Roux)
« En Bretagne, le bâti ancien date d’une époque où la lutte contre les fortes chaleurs n’était pas une préoccupation », souligne ce professeur de Rennes 2. Au contraire, le but était plutôt de garder les habitants au chaud. Avec des canicules appelées à se répéter dans les prochaines décennies sous l’effet du dérèglement climatique, l’enjeu devient central, estime-t-il. « On parle beaucoup de réduire la consommation énergétique de ces logements mal isolés pendant l’hiver. Mais il faut aussi se pencher sur la question de la surchauffe en été. »
Pas de volets aux fenêtres chez cet habitant
Xavier se la pose de plus en plus. Cet habitant de la rue Le Bastard vit sous les toits, dans un appartement de 85 m². La température peut vite monter. Pour mieux se protéger de la chaleur, la famille a mis des ombrages et des rideaux occultant sur ses Velux il y a deux ans. « Cette année, on réfléchit aussi à investir dans un système pour la verrière, qui chauffe pas mal. » Impossible, en revanche, de poser des volets extérieurs sur les fenêtres, ce qui serait peut-être la solution la plus efficace. « On n’a pas le droit. Ici, on est dans le périmètre du secteur sauvegardé. »
Une partie du vieux Rennes est en effet protégée par des règles strictes. Les projets de travaux doivent obtenir l’accord de l’Architecte des bâtiments de France (ABF), qui veille à préserver le patrimoine. Poser des fenêtres en PVC, isoler par l’extérieur,… Difficile ou carrément proscrit. Quid du confort des riverains, alors que la région pourrait avoir le climat de Bordeaux d’ici 2050 ? Pour Vincent Dubreuil, il existe des solutions pour adapter le centre historique à la future donne climatique tout en sauvant son identité. « Il est possible d’isoler par l’extérieur. Et pour lutter contre l’îlot de chaleur urbain, on peut aussi désimperméabiliser les sols et mettre de la végétation, qui régule la température. Il y a encore des marges de manœuvre. »