Ces dernières années, les amitiés de Vladimir Poutine se sont réduites comme peau de chagrin. Isolée sur la scène internationale, la Russie s’est progressivement rapprochée de l’Iran, salvateur fournisseur de drones Shahed pour son invasion de l’Ukraine. Mais le pays est aujourd’hui en plein conflit ouvert avec Israël. Et malgré ces hostilités, le président russe ne s’est pas ouvertement rangé du côté de son allié. Si le Kremlin a condamné « fermement » les bombardements israéliens, il a aussi tenté de se positionner en médiateur, appelant à une solution diplomatique rapide.
« Vladimir Poutine condamne Israël mais il ne bougera pas le petit doigt parce que ses forces sont ailleurs », en Ukraine, assène Galia Ackerman, spécialiste du monde russe. En effet, si Téhéran et Moscou se sont rapprochés depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en février 2022, la Russie avance prudemment ses pions. « Certes, d’une part, l’Iran est sur le même axe que la Chine, la Corée du Nord et la Russie, mais de l’autre, c’est une puissance régionale opposée à de nombreux pays arabes. La Russie veut absolument préserver un équilibre, analyse l’experte. Au fond, elle n’a pas grand-chose à gagner à soutenir le régime iranien. »
Des alliances « toujours intéressées »
Les pays arabes permettent en effet à la Russie de mieux gérer et écouler son stock de pétrole sur la scène internationale. Et, contrairement aux pays occidentaux, ils n’ont pas ouvertement pris position contre sa guerre expansionniste en Ukraine. Moscou a donc des intérêts économiques et stratégiques que la défense du pays chiite pourrait faire vaciller. Et pour Vladimir Poutine, les alliances sont « toujours intéressées », note Galia Ackerman. Le dirigeant russe pèse donc minutieusement le pour et le contre avant de soutenir ou abandonner un allié à son sort, comme il l’a fait pour Bachar el-Assad, renversé en 2024 par une offensive rebelle.
« « Les valeurs, c’est pour les masses, pas les dirigeants » »
Lorsque le dirigeant syrien a été déchu, Moscou lui a certes offert l’asile politique mais n’est pas intervenu militairement, allant même jusqu’à évacuer ses propres forces militaires. Vladimir Poutine a préféré sécuriser deux bases en Syrie plutôt que de s’engager pour un allié devenu un fardeau stratégique et économique. « Les alliances russes sont surtout fondées sur le pragmatisme. Au fond, les valeurs, c’est pour les masses, pas les dirigeants », décrypte Galia Ackerman.
Une alliance « profonde » avec la Chine
Certains de ces alliés ne partagent toutefois pas cette lecture impitoyable des relations internationales. C’est le cas de l’Arménie, qui comptait sur Moscou pour la protéger en 2023, lors de la reconquête du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan. Malgré la présence de troupes russes censées garantir la sécurité du corridor de Latchine, la Russie est restée passive. « Elle jouait sur les deux tableaux et a fini par trahir son allié historique, consciente de sa pauvreté en matières premières, contrairement à l’Azerbaïdjan », explique Galia Ackerman. Echaudée, l’Arménie s’est depuis rapprochée de l’Occident et a gelé sa participation à l’OTSC, l’alliance militaire dirigée par Moscou.
Alors, existe-t-il une Nation qui peut s’enorgueillir de la loyauté sans faille de Vladimir Poutine ? Hormis la Biélorussie, véritable Etat satellite de Moscou, seule Pékin tire son épingle du jeu. « L’alliance avec la Chine paraît profonde ; il existe une forme de collusion idéologique entre les deux pays. Même si la Chine est formellement communiste, contrairement à la Russie, ce sont les mêmes méthodes de gouvernance », estime Galia Ackerman.
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Pour l’experte du monde russe, le rapprochement avec la Corée du Nord, qui fournit armes et soldats à Moscou, illustre la profondeur de ce lien. « La Corée du Nord est un proxy à travers lequel Pékin peut aider la Russie sans soutenir ouvertement la guerre en Ukraine », explique-t-elle. Entre abandons stratégiques et alliances pragmatiques, la Russie se révèle donc comme un partenaire versatile. Une posture opportuniste qui pousse à la plus grande prudence… jusqu’en Chine.