Il y a eu Gerd Müller et son pied droit capable de nettoyer n’importe quelle lucarne, puis la tignasse de Rudi Völler et sa moustache légendaire, avant de laisser place au meilleur buteur de l’histoire de la Coupe du monde, Miroslav Klose. Si Mario Gómez a été loin de faire tache dans tout ce beau monde, la tradition du 9 allemand a peu à peu disparu depuis l’Euro 2016 et cette foutue blessure en quarts de finale de l’ancien attaquant du Bayern Munich. Toute l’affection que l’on porte à Niclas Füllkrug ne peut masquer les carences de l’avant-centre de Dortmund. Mais depuis plusieurs mois maintenant, un nom sort du lot pour prendre la relève : Nick Woltemade. Pas compliqué de le remarquer du haut de son imposant mètre 98, qui fait s’époumoner Jean-Charles Sabattier depuis le mois de décembre.

Woltemade in Germany

Le joueur formé au Werder Brême a beau avoir été le plus jeune joueur de l’histoire du club à jouer en Bundesliga, à 17 ans et 352 jours (le record a depuis été battu par Fabio Chiarodia à 17 ans et 139 jours), il n’était pas destiné à se retrouver sous le feu des projecteurs aussi tôt. Difficile à croire quand on le voit aujourd’hui exploser avec les espoirs lors de l’Euro. Triplé contre la Slovénie avec un succès 3-0, un but, deux passes décisives face à la Tchéquie et cette victoire 4-2, Nick prend son pied dans cette jeune équipe allemande, en attendant d’affronter l’Italie ce dimanche.

Tout comme chez les A, où il a impressionné le sélectionneur, Julian Nagelsmann, lors de ses deux premières rencontres avec la Mannschaft contre le Portugal (défaite 2-1) et la France (défaite 2-0), dans le cadre du Final Four de la Ligue des nations. « Il a bien profité de ses 60 premières minutes en tant qu’international senior », souriait Nagelsmann après la rencontre face au vainqueur de la Ligue des nations 2025. Quatre petits jours ont séparé la fin de la compétition et l’Euro espoirs, mais rien de bien effrayant pour la nouvelle idole du public de Stuttgart, qui lui a trouvé un surnom à la hauteur de ses performances, « Woltemessi ». 

« Une technique digne de Messi  »

Arrivé libre en 2024 du Werder Brême après plusieurs blessures et une période blanche de 38 matchs sans marquer, Nick Woltemade a donc parfaitement rebondi dans la capitale du Bade-Wurtemberg. Pourtant, personne ne lui a déroulé le tapis. Non sélectionné par son coach Sebastian Hoeness pour participer à la Ligue des champions, le natif de Brême ne connaît sa première titularisation en Bundesliga que le 23 novembre 2024 contre Bochum (succès 2-0). Mais pour Atakan Karazor, capitaine de Stuttgart, il n’a pas eu besoin de plus longtemps pour se rendre compte du spécimen qui lui faisait face. « Honnêtement, je dirais que je reconnais assez vite un bon footballeur, balançait le Turc de 28 ans à Ran. Avec Nick, je l’ai vu dès la première semaine d’entraînement. C’est un joueur qui mesure deux mètres et il a une technique digne de Messi… »

Il a tout juste 23 ans, mais quand on parle avec lui, on a l’impression qu’il a 27 ou 28 ans, car il dégage une telle souveraineté.

Atakan Karazor, capitaine de Stuttgart

Avec sa dégaine à mi-chemin entre Julian Brandt et Erling Halaand, le buteur de 23 ans a parfaitement accompli la tâche qui lui était destinée chez les Souabes : remplacer Sehrou Guirassy. Le joueur formé au Stade lavallois affichait des statistiques exceptionnelles dans le club allemand avec un joli bilan de 44 buts en 58 rencontres, avant de filer au Borussia Dortmund. Pas de quoi effrayer Nick Woltemade qui s’est vite adapté à son nouveau rôle. Ses 17 buts toutes compétitions confondues ont fait de lui le meilleur buteur de sa formation cette saison, à égalité avec Ermedin Demirović. « Nous savons ce que nous avons avec lui. Nous avons un Messi-Musiala de deux mètres, se marre le capitaine. Il a tout juste 23 ans, mais quand on parle avec lui, on a l’impression qu’il a 27 ou 28 ans, car il dégage une telle souveraineté. On le voit aussi sur le terrain. »

Une Coupe d’Allemagne remportée avec Stuttgart plus tard, le premier trophée majeur du club depuis 2007, et le voilà intégré au fameux débat du 9 allemand, attendu par la nation depuis de trop nombreuses années. « Faut-il se plier à la tradition au prétexte que nous avons connu Seeler, Müller, Hrubesch, Völler et Klose ? Faut-il automatiquement des centres pour un grand costaud de 1,88m ? », questionnait Peter Zeidler, ancien entraîneur de Tours et Sochaux, en 2022 dans le numéro 201 de So Foot. Suffit de regarder les compétitions où l’Allemagne a joué sans vrai buteur pour répondre à Peter. 2018 ? Un tour en poules et puis s’en va. 2020 ? Sorti par les Anglais dirigés par Gareth Southgate en huitièmes de finale. 2022 ? Un tour en poules et puis s’en va, bis repetita. Si lors de l’Euro 2024, les Allemands se sont fait sortir en quarts de finale par l’Espagne 2-1, Niclas Füllkrug n’aura pas su tenir son rôle de buteur à la pointe de l’attaque, remplacé par Kai Havertz, attaquant polyvalent par excellence. Eh oui, cette Mannschaft cherche désespérément son 9, grand par le talent, mais aussi par la taille.

La Coupe du monde 2026 dans le viseur

Même en Bundesliga, un buteur allemand n’a plus survolé le championnat depuis belle lurette. Seul Niclas Füllkrug, adulé par le public allemand, a été meilleur buteur de Bundesliga lors de la saison 2022-2023, mais avec un faible total de seize buts, à égalité avec le porté disparu Christopher Nkunku. Et si Nick Woltemade était l’élu ? Puissant, capable de marquer de la tête comme du pied droit, un blase à effrayer les défenses européennes, tout est réuni pour en faire le grantatakan de la formation allemande. « Woltemessi » possède également une belle technique balle au pied, chose rare pour un attaquant de son gabarit. « Il est capable de fixer avec le ballon, mais aussi de faire des miracles comme un dribbleur de 1,60 mètre. C’est très fort », souligne Atakan Karazor. L’Euro espoirs ne fait que commencer, mais l’Allemand de 23 ans a mis tout le monde d’accord.

Même Rudi Völler en pince pour ce minot de Brême. « Non seulement il a déjà marqué quatre buts, mais on peut toujours lui faire confiance pour faire des appels, ce qui le rend si précieux, expliquait l’ancien buteur de Marseille à Kicker. Il sait bien garder le ballon, et s’il le perd, c’est souvent à cause d’une faute. » Il faudra sûrement du temps pour que Nick Woltemade égale le niveau et les statistiques du grand Rudi en sélection, mais la consécration est bien là pour le buteur de Stuttgart. Avec Florian Wirtz et Jamal Musiala pour le servir, il aura de quoi s’amuser. Les yeux sont désormais rivés sur la Coupe du monde 2026, avec un objectif bien simple : passer les poules. Ça sera déjà pas mal pour l’Allemagne, douze ans après le sacre face à l’Argentine.

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