Par
Marion Vallée
Publié le
21 juin 2025 à 6h16
Voie de service, près de la piste 03, aéroport de Nantes Atlantique (Loire-Atlantique). Alors qu’un avion Volotea s’apprête à décoller, Otcho, lui, prend son envol. Cette buse de Harris fonce sur ses congénères à plumes, bien décidée à les faire fuir, voire de les attraper. Lâché depuis la fenêtre du véhicule, couleur bordeaux flanqué Vinci, le rapace repère sa proie, grâce à sa vue à 280°, et revient à son poste sur les sifflements du fauconnier effaroucheur, David Girard, la main gantée derrière son volant.
David Girard est fauconnier-effaroucheur depuis 2018 à l’aéroport Nantes Atlantique, seul aéroport civil de France à posséder sa propre fauconnerie. ©Marion VALLEE10 à 12 collisions par an
Pour Otcho, Tucuman, Iwa et Sitchi, les quatre buses de Harris de la fauconnerie de l’aéroport de Nantes Atlantique, cet exercice, c’est leur quotidien.
Leur mission : effrayer ou chasser les oiseaux ou mammifères pour éviter qu’ils ne perturbent le décollage ou l’atterrissage des avions, en se faisant percuter ou pire, ingérer par les réacteurs.
Étourneaux, buses variables, mais aussi lièvres ou même cadavres d’animaux, qui attirent les oiseaux, peuvent provoquer des dégâts sur les réacteurs et clouer les avions au sol. « Il n’y a pas d’accidents graves heureusement », mais, pour des raisons financières, d’organisation et de confort des passagers, « il vaut mieux éviter que l’avion ne puisse décoller », souligne Anthony Renaud, fauconnier et responsable du service prévention des risques animaliers de l’aéroport Nantes Atlantique.
Une fauconnerie unique en France
Si 800 incidents de ce type sont répertoriés chaque année sur l’ensemble des aéroports français, « ici, on compte 10 à 12 collisions par an, sans gravité, dont 50 % occasionnés par le faucon crécelle.
Avec un ratio de 2,5 sur 10 000 mouvements, on a de bons résultats par rapport à d’autres aéroports de France », assure le fauconnier-effaroucheur, à l’initiative de la création de la fauconnerie de Nantes Atlantique en 2017.
Un choix, unique en France, qui s’avère payant puisque le nombre de collisions a baissé de moitié en huit ans. « On a trouvé plus efficace de former des gens à la fauconnerie en interne, dans ce contexte particulier qu’est l’aéroport, plutôt que de faire intervenir des fauconniers extérieurs », assure Anthony Renaud.
Quelques chiffres
1. Nantes Atlantique est le seul aéroport civil de France à avoir sa propre fauconnerie sur place. Et ce, depuis 2017.
25. À l’aéroport, vingt-cinq personnes sont formées au risque animalier, dont quatre fauconniers. 3 000 personnes travaillent sur le site de l’aéroport.
5. Cinq rapaces composent la fauconnerie : quatre buses de Harris et un faucon sacre. Ils volent 6 jours sur 7. Prochaine acquisition : un faucon pèlerin dans les prochaines années.
12. C’est le nombre de mois qu’il faut pour dresser complètement une buse de Harris à l’effarouchement.
1 400. On compte 1 400 opérations d’effarouchement par an, dont plus de 400 avec les rapaces.
10 à 12. Dix à douze collisions (avion qui tape un oiseau) ont lieu par an. Sur 10 000 mouvements chaque année, l’aéroport de Nantes présente un bon ratio au niveau national de 2,5 collisions.
800. 800 collisions sont signalées sur l’ensemble des aéroports français chaque année.
4. Quatre sangliers ont été effarouchés sur les pistes de l’aéroport l’année dernière.
240. C’est le nombre d’hectares que comptent l’aéroport de Nantes Atlantique, dont 158 ha d’espaces verts.
Dans le hangar partagé avec l’aéroclub, la fauconnerie
accueille cinq volières, pour les quatre buses de Harris et depuis peu, un faucon sacre, encore en affaitage (en dressage). Ici, les rapaces sont soignés comme des athlètes de haut niveau.
Pesée avant chaque vol
Sorties quotidiennes, entraînements verticaux pour se muscler les pattes, pesée avant chaque vol… « Si son poids est trop élevé, la buse n’aura pas faim, donc elle n’aura pas forcément envie de voler. Et si à l’inverse, son poids est insuffisant, elle peut être trop faible », explique David Girard.
Des rapaces munis d’émetteur
À chaque intervention, les fauconniers effaroucheurs munissent les rapaces d’un émetteur qui fonctionne avec les ondes hertziennes. « Si jamais on le perd de vue, on sait dans quel lieu il se trouve, explique David Girard, fauconnier. On peut le retrouver grâce au récepteur sur une bonne dizaine de kilomètres. »
Mercredi 18 juin 2025, lors d’un exercice, Chaya, le faucon sacre encore en affaitage, « a pris ses aises », comme le souligne le fauconnier Anthony Renaud. « Les masses d’air chaud l’ont propulsé vers le haut et il s’est laissé porté. » Mais pas d’inquiétude, grâce à l’émetteur, jeudi 19 juin 2025, les fauconniers ont localisé le rapace « sur les toits de bâtiments, entre Airbus et l’aéroport ».
En plus des méthodes conventionnelles
« Une demi-heure avant le lever du soleil jusqu’à trente minutes après le coucher du soleil, il y a toujours quelqu’un en présence dans un véhicule avec le matériel prêt à intervenir pour effaroucher. » Si, en tout, 25 personnes s’occupent de l’effarouchement, formées aux techniques « conventionnelles », comme le révolver à fusées ou aux haut-parleurs qui diffusent des cris d’oiseaux, ils sont seulement quatre fauconniers à s’occuper et à manipuler les rapaces.
Son instinct de prédateur
Et rien n’est plus efficace que l’animal assure Anthony Renaud. « La buse de Harris est sensible à l’être humain, s’accommode bien à tout type d’environnement, a un caractère souple mais garde son instinct de prédateur. » Elle poursuit ses proies en bas vol alors que le faucon sacre, lui, rapace de haut vol, attaque en piqué. Deux méthodes complémentaires qui restent « plus naturelles et plus écologiques de faire peur aux oiseaux. »
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