Grain de beauté suspect, bouton qui ne guérit pas, exposition répétée au soleil pendant l’enfance, peau claire… Ces signes et risques à surveiller et dépister dans le cadre des cancers cutanés.
A l’heure de l’été, souvent synonyme d’exposition au soleil, les dermatologues appellent à « l’auto-surveillance » de la peau. Lors de la semaine de prévention et de sensibilisation au dépistage ciblé des cancers de la peau organisée début juin, le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues (SNDV) met en garde contre les risques liés à l’exposition au soleil et les signes qui doivent alerter.
La Ligue contre le cancer a d’ailleurs lancé cette semaine sa campagne de prévention appelant à ne pas « griller » sa peau au soleil. « On n’est pas des saucisses », résume l’association.
Derrière cette campagne au ton humoristique se trouve une réalité assez inquiétante. Car le nombre de nouveaux cas de cancers de la peau a plus que triplé ces trente dernières années, dénombre l’Institut national du cancer. Chaque année, ce sont ainsi entre 141.200 et 243.500 cas de cancers de la peau qui sont diagnostiqués en France, selon Santé publique France.
Or, ces cancers cutanés peuvent être dépistés tôt. Et certains gestes de prévention appliqués dès l’enfance peuvent permettre de s’en protéger. Voici les signes à surveiller:
• Un grain de beauté bizarre
C’est l’un des premiers signes qui doit alerter: un grain de beauté qui change ou dont l’aspect semble inhabituel. « Il ne faut pas s’inquiéter dès qu’un nouveau grain de beauté apparaît », prévient Catherine Olivérès-Ghouti, dermatologue et vénérologue, interrogée par BFMTV.com. « En revanche, s’il ne ressemble pas aux autres ou si un grain de beauté change d’aspect, il faut consulter. »
Car le risque, c’est le mélanome. Il représente 10% des cancers de la peau, selon l’Institut national du cancer. « Ils peuvent apparaître sur une peau saine (70 à 80% des cas) ou résulter de la transformation maligne d’un nævus (ou grain de beauté, NDLR). » Pour rappel, le mélanome est le cancer de la peau le plus dangereux, avec une forte propension à faire des métastases.
Grains de beauté sur la peau: quand s’inquiéter ?
C’est d’ailleurs l’un des cancers dont l’incidence comme la mortalité ont significativement augmenté depuis quarante ans. Quelque 17.922 nouveaux cas de mélanomes cutanés ont ainsi été diagnostiqués en 2023. Mais comme le pointe l’Institut national pour le cancer, « le mélanome cutané est de bon pronostic s’il est détecté assez tôt ».
Le SNDV propose d’ailleurs un moyen mnémotechnique pour surveiller ses grains de beauté, la méthode ABCDE.
- A pour asymétrie: un grain de beauté ni rond ni ovale qui présente des couleurs et des reliefs qui ne sont pas régulièrement répartis autour de son centre.
- B pour bords: les bords du grain de beauté sont irréguliers et semblent déchiquetés ou mal délimités.
- C pour couleur: la couleur du grain de beauté perd son homogénéité.
- D pour diamètre: la taille du grain de beauté augmente (le mélanome a généralement une taille supérieure à 6 mm).
- Enfin E pour évolution: un changement rapide de taille, de forme, de couleur ou d’épaisseur.
Mais le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues précise que la manifestation d’un ou de plusieurs de ces signes ne signifie pas forcément la présence d’un mélanome, mais justifie cependant de demander un avis médical.
• Un bouton qui ne part pas
« Le carcinome démarre souvent par ce qu’on prend pour un petit bouton qui ne guérit pas et qui traîne », avertit Catherine Olivérès-Ghouti, également membre du SNDV. « Or, un bouton qui ne part pas en huit jours, ce n’est pas normal. »
Il existe deux types de carcinomes: le carcinome basocellulaire, le plus fréquent (70% des cancers cutanés) et le moins grave. Ce cancer ne métastase pas et son ablation complète assure la guérison du patient, indique l’Institut national du cancer. Et le carcinome épidermoïde: il est plus rare (20 %) mais plus agressif avec la capacité d’envahir les ganglions lymphatiques et de métastaser.
« Si une lésion cutanée persiste, gonfle ou se dégonfle, devient rouge ou saigne, en particulier dans les zones qui ont été exposées au soleil comme le visage, les oreilles, le cuir chevelu pour les hommes chauves, mais aussi dans le dos, il faut consulter », prévient Catherine Olivérès-Ghouti.
D’autant qu’à l’origine de certains carcinomes, cette dermatologue dépiste souvent une kératose actinique – une excroissance précancéreuse provoquée par l’exposition prolongée au soleil. « La kératose actinique, au début, c’est une toute petite lésion, c’est gros comme une pointe de crayon, ça fait comme un petit bouton croûteux », détaille-t-elle.
Signe évocateur de kératose actinique: au toucher, elle produit une sensation similaire à celle du papier de verre, rugueuse et parfois douloureuse. « Ça se traite très bien à l’azote liquide, mais il ne faut pas attendre. Une kératose actinique peut flamber en six mois. »
• Une exposition prolongée au soleil pendant l’enfance
C’est le premier facteur de risque de cancer de la peau: l’exposition au soleil. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) le mentionne: une exposition excessive au soleil chez les enfants et les adolescents entraîne un risque plus élevé de cancer de la peau à l’âge adulte.
« Jusqu’à l’âge de 15 ans, il est impératif de beaucoup protéger les enfants », insiste la dermatologue Catherine Olivérès-Ghouti. Elle explique que leur peau est plus fragile et plus fine que celle des adultes. « Et jusqu’à 3 ans, pas de soleil du tout », souligne-t-elle. Car un coup de soleil représente des lésions de l’ADN.
Or, la capacité de réparation de la peau – ce qu’on nomme le capital soleil dans le langage courant – est limitée. Le SNDV rappelle d’ailleurs qu’il n’y a pas de bronzage « sain » ou « progressif ». « Aucune exposition aux UV n’est sans danger. »
Rappelons que le bronzage est un mécanisme de défense de la peau, comme l’écrit le ministère de l’Économie sur une page consacrée aux crèmes solaires, qui se déclenche face aux agressions des UV. « Une peau bronzée signifie donc que l’ADN a été altéré par les UV et n’est pas un gage de bonne santé. »
• Des taches brunes
Autre signe d’un capital soleil entamé: le lentigo, ces taches brunes qui apparaissent sur les zones très exposées au rayonnement UV. « Cela signifie que la peau a été brûlée par le soleil et qu’elle ne se réparera plus », prévient Catherine Olivérès-Ghouti. Si la pollution est aussi en cause dans l’apparition de ces taches, il est d’autant plus nécessaire de se protéger du soleil. Et pas uniquement avec de la crème solaire.
« Les écrans solaires ne doivent pas être utilisés pour passer davantage de temps au soleil », alerte l’OMS.
L’autre mise en garde du SNDV, ce sont les cabines de bronzage. Le syndicat dénonce ainsi les « mythes » autour du soleil et du bronzage qui alimentent, selon lui, « des comportements à risque ». Deux Français sur dix pensent en effet que les UV artificiels permettent de « préparer sa peau » avant l’été et de réduire le risque de coups de soleil, selon un sondage Ipsos pour le SNDV réalisé en 2023.
Il n’en est rien. Au contraire: les UV artificiels sont classés cancérogènes certains par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), alerte le ministère de la Santé. « Le CIRC a en effet estimé que le risque de développer un mélanome est augmenté de 60% pour les personnes ayant effectué une première exposition aux UV artificiels avant l’âge de 30 ans (…) Par ailleurs, les effets des expositions aux UV artificiels et naturels sont cumulatifs et augmentent le risque de développer un cancer de la peau. »
• Une peau claire « brûle plus vite »
C’est un fait: les personnes au phototype clair, c’est-à-dire avec la peau claire, ont besoin de se protéger davantage des UV. « Leur peau brûle plus vite », résume Catherine Olivérès-Ghouti. Pourtant, en pratique, ce n’est pas toujours le cas. Selon le même sondage Ipsos, seul un tiers des personnes qui présentent un phototype clair, de nombreux grains de beauté ou ayant subi des coups de soleil dans l’enfance se protègent efficacement. Un manque de protection plus global: en population générale, c’est plus de sept Français et Françaises sur dix qui déclarent ne pas se protéger systématiquement du soleil.
Pour Catherine Olivérès-Ghouti, la meilleure protection reste d’éviter le soleil entre midi et 16 heures – plus le soleil est haut dans le ciel, plus le niveau du rayonnement UV est élevé. « À partir de midi, un écran total est inefficace », balaie-t-elle. Une inefficacité notamment liée à une application insuffisante. « La protection est calculée pour 2 mg de crème/cm2. Ce qui représente une balle de golf de crème pour chaque application, soit un tube par jour. »
« On en est loin quand un seul tube sert à toute la famille pour toute la durée des vacances. »
Privilégier l’ombre, donc, mais sous un toit. « Si ce n’est pas un parasol anti-UV, un parasol lambda protège moyennement. » Et si le soleil est inévitable, porter des vêtements couvrants et un chapeau à larges bords pour protéger les oreilles et le cou. À défaut de vêtements, opter pour une crème solaire avec un facteur de protection solaire (FPS) élevé qui protège contre les UVB et « vérifiez également la présence du logo UVA », conseille la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
« L’appliquer minimum vingt minutes avant l’exposition pour que la crème ait le temps de pénétrer », poursuit Catherine Olivérès-Ghouti, en remettre toutes les deux heures, après chaque baignade et ne pas réutiliser le tube de l’année précédente qui a passé les vacances au soleil.
« Il faut une prise de conscience », persiste la dermatologue. « Le cancer de la peau, ça ne touche pas que les autres. » Des cancers qui ont fait près de 2000 morts en 2023. « On peut pourtant facilement réduire les risques. »