En collaboration avec la galerie Bayart, à Compiègne, dans l’Oise, l’espace Saint-Pierre des Minimes s’ouvre pendant deux mois et demi aux œuvres de Bernard Pras, un plasticien connu pour ses installations anamorphiques. L’anamorphose, une technique de transformation d’une image, qui ne devient reconnaissable qu’à partir d’un point de vue précis.
L’essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l’info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter « L’essentiel du jour : notre sélection exclusive ». Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité
Du 21 juin au 31 août, c’est dans l’ancienne église Saint-Pierre des Minimes, un lieu chargé d’histoire et totalement rénové, que les visiteurs sont conviés à découvrir les installations bluffantes de l’artiste de renommée internationale, Bernard Pras.
Intitulée ‘Fable Ecologique’, l’exposition de Bernard Pras se tient en l’église Saint-Pierre des Minimes à Compiègne, dans l’Oise, du 21 juin au 31 août.
•
© Guillaume Sochon
Une trentaine d’œuvres, des plus petites aux plus imposantes, 2,2 m sur 1,6 m pour les plus imposantes, qu’il faudra regarder à la loupe, au sens propre du terme : seul moyen de découvrir le point de vue idéal pour comprendre la signification de ces installations.
Les anamorphoses de Bernard Pras ont déjà fait le tour du monde. Saisissantes, ses installations ne laissent personne indifférent, entre poésie, humour et maîtrise absolue de la technique artistique.
« J’ai voyagé dans de nombreux pays pour des commandes d’installations : la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Amérique du Sud, l’Afrique. J’adore ce côté nomade, indique Bernard Pras. Mon principe est le suivant : j’arrive sur place avec mon appareil photo et mon ordinateur et je me mets immédiatement en quête de rebuts, d’objets déclassés, puis je m’attelle à la construction de mes images ».
Autoportrait de l’artiste Bernard Pras. Une composition saisissante à base d’éléments recyclés.
•
© Bernard Pras
Une démarche pour le moins iconoclaste qui suscite la curiosité et le plus souvent, l’enthousiasme de ses hôtes, français ou étrangers, qui finissent par se prêter volontiers à cette chasse au trésor : « En France, Emmaüs est mon principal fournisseur, mais ailleurs, cette structure n’existe pas. Donc, lorsque je me trouve à l’étranger, je fais les marchés, les brocantes. C’est toute une aventure, on pénètre les usages locaux », raconte Bernard Pras.
Une démarche artistique très particulière : le plasticien français compose ses pièces ‘in situ’, dans le pays qui l’accueille, avec les matériaux glanés sur place.
Et pour chaque territoire traversé, Bernard Pras a son anecdote : « En Chine, on m’a conduit dans de vastes entrepôts situés sous une autoroute. C’était immense. Et je désignais tous les éléments que je souhaitais pour réaliser mon travail. J’avais le sentiment que l’on ne m’écoutait pas vraiment. Mais pas du tout, au bout de la longue allée, une camionnette nous attendait avec tout ce que j’avais choisi, parfaitement emballé et attaché. J’étais bluffé par tant d’efficacité ! ».
Chaque objet jeté peut encore avoir quelque chose à dire.
Bernard Pras, artiste plasticien
Bouteilles, canettes, bouts de ferraille, vieilles chaussures… Bernard Pras fait feu de tout bois et ne se fixe aucune limite. « Avec les années et l’habitude, je vois le potentiel de chaque objet. Moi qui suis peintre à la base, j’utilise les objets, leurs formes et leurs couleurs, en lieu et place des touches de peinture ».
Une idée qui lui vient par hasard, il y a des années de cela : « Une amie jetait les vieux jouets de ses enfants. Je les ai récupérés et c’est comme cela que j’ai commencé mes sculptures avec ces bouts de plastique », raconte Bernard Pras.
Un véritable explorateur de nos déchets modernes qui, entre ses mains, prennent un sens nouveau, presque noble. Une pratique artistique protéiforme, à mi-chemin entre la peinture, la sculpture et la photo. « Tout gamin, à 4-5 ans, j’observais mon grand-père. Il était un modèle pour moi. Il ne jetait rien, il récupérait absolument tout. À l’époque, c’était l’usage, pas de gâchis. En Afrique, c’est la même chose, on recycle tout. Je me sens proche de ça. Je n’aime pas l’idée de la surconsommation. On vit dans un monde où on fabrique tellement de choses inutiles ! Ça m’interpelle ».
Des objets hétéroclites, parfois absurdes, tant ils semblent dénués de toute fonction, transfigurés par un maître de l’illusion qui est aussi, et avant tout, un bourreau de travail : « Lorsque je suis sur un projet, je peux travailler six heures d’affilée. Je dois faire des choix et c’est difficile. Trouver mon sujet peut prendre des jours », poursuit Bernard Pras.
Lorsque vient le temps de l’assemblage, Bernard Pras se transforme en manutentionnaire, en plombier, mécanicien, assembleur. Les éléments sont collés, vissés. « Je perce, je soude, c’est très amusant cette phase-là. Je pense d’ailleurs que c’est le secret, ce plaisir, l’envie de voir l’œuvre terminée. Créer jusqu’au point ultime. C’est formidable ».
L’artiste Bernard Pras dans son atelier situé à Montreuil en région parisienne. Seules limites à ses installations, les dimensions de son lieu de travail.
•
© Anna Kache
Mais pour obtenir l’effet anamorphique, ce travail de composition exige une parfaite minutie : « Je travaille avec un appareil photo fixe qui capte la scène, l’environnement en 3D. Et à partir de là, j’installe mes éléments, je crée une véritable scène. J’ai besoin d’un grand temps de préparation en amont, pour être sûr d’être bien compris ».
Des éléments qui sont désolidarisés, dispersés sur le sol. Parfois, ces installations peuvent être immenses. « La seule limite, c’est la taille de mon atelier », explique Bernard Pras.
Bernard Pras, formé aux Beaux-Arts à Toulouse, vit en région parisienne, mais il ne tient pas en place, tant son travail est apprécié à l’étranger ainsi qu’en France.
En cours d’installation d’une commande publique en Dordogne, ce peintre de formation, dont la notoriété lui permet aujourd’hui de vivre de son art, n’est pas intéressé par la célébrité : « Vous savez, j’ai peint pendant vingt ans sans vendre un seul tableau, mais ça ne m’a empêché de continuer ».
Même si le marché de l’art est en dents de scie et que les budgets culturels sont plutôt à la baisse, Bernard Pras s’adapte à ces fluctuations. « C’est vrai que nous ne sommes pas dans une période favorable, mais j’ai l’habitude », dit-il.
Et si le succès ne le lâche pas, malgré le contexte économique, c’est probablement parce que l’artiste traite de thématiques universelles : les icônes de la musique, de la cuisine, du cinéma. Toutes les figures archi connues du monde de l’art, du sport ou du spectacle.
Installation anamorphique de Salvador Dali signée Bernard Pras. Un maître de l’illusion qui a choisi de traiter des icônes archi connues du monde des arts, de la politique, du sport et du spectacle.
•
© Bernard Pras
« J’ai une préférence pour les portraits. Lorsque j’ai commencé à travailler avec ce principe de l’icône, j’ai utilisé des images déclassées, elles aussi, comme mes rebuts. Le portrait du Che par exemple, le leader de la révolution cubaine, que tout le monde connaît. Je choisis des sujets éculés à force d’être célèbres, usés comme une vieille chaussette ! ».
Des figures célébrissimes, revisitées par l’artiste, au point qu’elles prennent un relief nouveau, surprenant : tel le fameux portrait en pied de Louis XIV, le Guernica de Picasso, La Naissance de Vénus de Botticelli, La Liberté guidant le peuple de Delacroix.
La Naissance de Vénus de Botticelli, réinterprétée en anamorphose.
•
© Bernard Pras
« J’ai réinterprété de nombreux tableaux de l’histoire de l’art, parfois très anciens. Certaines de mes œuvres sont tridimensionnelles, mais dans tous les cas, je fais de chacune d’elles, un tirage photo qui constitue un tableau à part entière », note Bernard Pras.
Et là encore, roi soleil ou pas, ces installations anamorphiques sont faites de bouts de ficelle. « Je me souviens, pour Louis XIV, j’étais en Belgique. J’ai fait des courses dans un supermarché. Je pouvais prendre tout ce que je voulais. Bouteilles, canettes, tout ! Mon caddie était rempli de trucs rouges et jaunes. Je n’oublierai jamais la tête des clients à la caisse ».
Louis XIV en pied, d’après le tableau initial de Hyacinthe Rigaud, réinterprété par Bernard Pras. Une installation anamorphique autour de laquelle il faut tourner pour prendre conscience de la maîtrise artistique qu’elle a nécessitée.
•
© Bernard Pras
Une créativité à la fois débridée et très maîtrisée, qui fait de chaque exposition de Bernard Pras, un événement, un voyage sensoriel, global, visuel bien sûr, mais aussi physique. Car l’artiste nous invite au mouvement, autour de ses œuvres, qu’il faut contourner pour les comprendre et réaliser leur complexité.
« Même si j’utilise dans mes installations et mes portraits des objets de récupération, il n’y a pas de message, ce n’est pas accusatoire. Moi, ce que je recherche, c’est le rapprochement avec les autres. Dès qu’une pièce est exposée, l’artiste laisse sa place à cet autre. Je considère même, que c’est celui qui regarde, avec son émotion, qui finit l’œuvre », conclut l’artiste.