À 36 000 km d’altitude,
la Chine se prépare à un
rendez-vous orbital inédit. Deux de ses satellites, Shijian-21 et
Shijian-25, sont sur le point d’effectuer une manœuvre d’amarrage
en orbite géostationnaire. Un test technologique aux airs de
démonstration de force, sous le regard attentif des satellites
espions américains.

Deux satellites, un objectif
: s’amarrer

C’est une scène digne d’un
thriller spatial qui se joue actuellement à des milliers de
kilomètres au-dessus de nos têtes. Deux satellites chinois,
Shijian-21 et Shijian-25, sont
en route pour une opération de rendez-vous orbital en orbite
géostationnaire (GEO), cette zone stratégique à 35 786 km
d’altitude où les satellites « stationnent » au-dessus d’un même
point terrestre. Leur objectif ? Tester le ravitaillement et la
prolongation de vie des satellites, une technologie encore rare
mais promise à un rôle majeur dans l’avenir des opérations
spatiales.

Mais l’affaire prend un tour
encore plus intéressant : deux satellites américains de
surveillance orbitale, USA 270 et USA 271, sont eux aussi dans les
parages. Un ballet orbital complexe et sensible, sur fond de
tensions géostratégiques croissantes entre grandes puissances.

Les grandes manoeuvres

Shijian-25, lancé en janvier
2024, a été conçu pour tester des technologies de ravitaillement et
de maintenance orbitale. Shijian-21, lancé en 2021, a déjà accompli
une mission technique en remorquant un vieux satellite chinois
(Beidou-2 G2) vers une orbite cimetière, une zone plus haute que
GEO réservée aux engins en fin de vie.

Après une longue période
d’inactivité apparente, Shijian-21 a récemment repris des manœuvres
orbitales pour se stabiliser à 127,5° Est. De son côté, Shijian-25
dérive actuellement vers lui à vitesse contrôlée. Les deux engins
évoluent en orbite phasée, c’est-à-dire sur une même trajectoire
mais séparés dans l’espace, ce qui minimise la consommation de
carburant pour un rapprochement futur.

À leur vitesse actuelle, une
rencontre est prévue autour du 11 juin. Cette manœuvre pourrait
marquer la toute première tentative chinoise de ravitaillement en
orbite géostationnaire, démontrant des capacités critiques pour
l’avenir des infrastructures spatiales.

satellites chine
La sonde Longue Marche 3B décolle de Xichang, envoyant Shijian-25
en orbite, le 6 janvier 2025. Crédit : OurspaceUne technologie
stratégique

Pourquoi un tel effort pour
amarrer deux satellites ? Parce que la maintenance orbitale est une
révolution en devenir. Aujourd’hui, un satellite arrive en fin de
vie dès que son carburant s’épuise — même si tous ses instruments
fonctionnent encore. Pouvoir le ravitailler ou prolonger sa mission
via un véhicule dédié changerait la donne : moins de déchets
spatiaux, des coûts réduits et des satellites plus durables.

Des entreprises privées, comme
Northrop Grumman, ont déjà testé ce type de mission. En 2020, leur
satellite MEV-1s’était amarré au satellite Intelsat IS-901 pour une
mission de maintenance de cinq ans. Mais c’était un partenariat
commercial. Dans le cas de la Chine, la dimension militaire est
difficile à ignorer.

Surveillance rapprochée : les
satellites-espions américains à l’affût

Les États-Unis ne sont pas
passifs face à cette démonstration technologique. Deux de leurs
satellites, USA 270 et USA 271, membres du programme GSSAP
(Geosynchronous Space Situational Awareness Program), sont
positionnés non loin des satellites chinois. Leur mission :
surveiller de très près les activités spatiales en orbite
géostationnaire, souvent en observant ou en suivant les satellites
d’autres puissances.

Le 9 juin, la société COMSPOC,
spécialisée dans la surveillance spatiale, a noté que ces deux
satellites américains « encadraient » littéralement Shijian-21 et
Shijian-25, suggérant qu’ils bénéficient d’angles d’observation
optimaux pour capter les moindres détails de la manœuvre à venir.
USA 270, notamment, est déjà connu pour ses parties de « chat et de
souris » avec d’autres satellites chinois par le passé.

Un ballet technologique dans
une orbite saturée

Ce type d’opération n’est pas
sans risque. L’orbite géostationnaire est de plus en plus
encombrée, et les manœuvres de proximité soulèvent des
préoccupations en matière de sécurité et de surveillance. Des
erreurs de calcul ou des intentions mal interprétées pourraient
conduire à des incidents diplomatiques — ou pire.

Pour autant, le développement
de telles technologies est inévitable. Les satellites de
ravitaillement et de maintenance seront probablement monnaie
courante dans les décennies à venir, non seulement pour le secteur
civil, mais aussi pour les opérations militaires et de
renseignement.

Ce qu’il faut retenir

  • Deux satellites chinois,
    Shijian-21 et Shijian-25, se préparent à une manœuvre d’amarrage en
    orbite géostationnaire, avec un objectif affiché de ravitaillement
    orbital et prolongation de durée de vie.

  • Leur rencontre est attendue
    autour du 11 juin, après plusieurs jours de manœuvres de
    rapprochement.

  • Des satellites espions
    américains (USA 270 et 271) surveillent de près l’opération,
    témoignant de l’importance stratégique de cette technologie.

  • La manœuvre se déroule dans
    une orbite de plus en plus encombrée, où la coopération et la
    transparence sont cruciales pour éviter les incidents.

  • Cette mission pourrait ouvrir
    une nouvelle ère pour la maintenance spatiale, où les satellites
    deviennent réparables — et donc bien plus durables.