Les températures montent. L’air devient suffocant dans Paris. Et la déshydratation peut gagner de nombreux habitants et touristes. Mais ça ne sera pas la faute de restaurateurs peu aimables. Ce mardi, au premier jour de la vague de chaleur, Le Parisien a choisi de tester une trentaine d’enseignes luxueuses.

Et loin des clichés, les palaces, restaurants étoilés, brasseries classieuses ou bars guindés qui refoulent les clients à tour de bras, se sont tous montrés prévenants. Pas un n’a refusé de nous offrir un verre d’eau lorsque nous l’avons demandé. La loi les oblige uniquement à donner de l’eau gratuite aux clients, pas aux passants. « Mais quand on est commerçant il y a le savoir-être, offrir de l’eau c’est d’utilité publique, souligne Catherine Querard, présidente du groupement des hôtelleries et restaurations (GHR). Tant que c’est demandé gentiment, tous les établissements acceptent, pas besoin de loi ou de consigne. Même si c’est vrai que l’apparence peut aussi être importante dans certains lieux, les commerçants parisiens ne sont pas des monstres. »

Un look délibérément négligé

Et pourtant, nous avions choisi la carte de la provoc : le jean trop grand, déformé au niveau d’une jambe, est taché de vin rouge et couvert de terre. Les chaussures poussiéreuses, dont le cuir est parti à une multitude d’endroits présente des semelles passablement décollées. Le tee-shirt, troué par endroits, sent très fortement le vin rouge macéré. Nos ongles sont noirs et nos cheveux comme notre visage ont de la poussière et de la terre à revendre.

Pour accompagner ce look, notre sac plastique qui contient une bouteille d’eau vide est à moitié troué et rafistolé, dedans nous avons aussi de vieilles affaires. Bref, nous ne sommes pas présentables, mais nous restons courtois.

Première tentative, place Vendôme (Ier), pour demander à boire au Ritz. Deux salariés à l’accueil jonglent entre plusieurs langues pour l’arrivée de riches touristes venus des pays du Golfe. À notre arrivée, leurs yeux nous scannent de haut en bas. Nous indiquons au premier que nous avons très soif, il nous dit de voir son collègue à l’intérieur. Celui-ci prend notre bouteille pour aller la remplir. Mais le premier employé l’a déjà devancé et nous offre de l’eau bien fraîche dans un gobelet en carton siglé du Ritz.

Direction l’hôtel Costes. Là on part nous chercher une petite bouteille d’eau sans attendre. Un autre employé, resté à l’entrée, nous demande si tout va bien. Un peu plus loin, au Meurice, on nous offre une jolie gourde en métal. « Attention de ne pas boire trop vite, l’eau est très froide », prévient le salarié. Dans le même secteur, on tente une grande enseigne : Starbucks. On nous invite à entrer pour prendre un gobelet d’eau. Dans la foulée, deux brasseries de touristes, choisissent, elles de remplir notre bouteille, « pour que vous en ayez davantage qu’un verre ».

Sur les terrasses parisiennes, les serveurs n'hésitent pas à remplir les bouteilles d'eau des passants. LP/Alicia BertSur les terrasses parisiennes, les serveurs n’hésitent pas à remplir les bouteilles d’eau des passants. LP/Alicia Bert

Au café de la Régence, rue Saint-Honoré, on dérange en plein service, et on passe entre les tables pour aller voir le serveur qui vient d’encaisser une addition : « Bonjour, j’ai très soif, est-ce que je pourrais avoir un verre d’eau s’il vous plaît ? » Il tique sur ma tenue et poliment me demande d’attendre juste devant, mais il me rassure : « bien sûr, attendez juste que je serve un client ». Il s’exécute et moins de deux minutes plus tard, il vient chercher ma bouteille en plastique et me la remplit.

Dans le jardin du Carrousel du Louvre, il y a une queue de gens chics pour s’installer à la terrasse du Loulou, avec vue sur la vasque olympique. La pizza à la truffe vaut 52 euros. Je m’approche et on me demande, comme précédemment sans se montrer hautain, ce que je veux. Un serveur m’invite à le suivre, vers les toilettes et la cuisine. Là, il me sert un verre d’eau : « Vous voulez des glaçons dedans ? » Je lui réponds que non et je bois d’un trait le contenu. « Je vous sers un deuxième verre ? » reprend-il, me demandant aussi si je « désire autre chose ». Je le remercie poliment et je m’éclipse.

100 % de réussite

Il est temps d’aller explorer le VIIIe arrondissement et les alentours des Champs-Élysées. On arrive dans l’entrée filtrée par un cordon de la brasserie hyper tendance appelée l’Avenue, les serveuses viennent vers nous. Et dans un immense sourire, nous servent à boire en un clin d’œil, en nous souhaitant une bonne journée. À quelques rues, le restaurant gastronomique doublement étoilé, le Clarence nous invite à entrer. « Asseyez-vous au bar », nous conseille-t-on. Et après avoir bu un verre, on nous en propose un deuxième que nous déclinons. On file au George V. Le ballet des voituriers anime l’entrée. Notre tenue ne dérange pas les employés. « On va s’occuper de vous. » L’un des salariés file dans la réserve et en sort deux packs d’eau bien fraîche.

Plusieurs autres restaurants de ce secteur seront aussi approchés. Chez Marius et Janette, on nous donne une bouteille d’eau Cristaline. Dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés (VIe), on essaye au café de Flore, au Mabillon, aux Deux Magots, chez Louise, mais aussi dans d’autres bars, et restaurants à l’ambiance feutrée. L’accueil est cordial, on ne nous écarte pas, on nous sert de l’eau dans un verre ou on nous remplit notre bouteille.

Le bilan est sans appel. 100 % de réussite sur cette journée de test. Sans même essayer de trouver les fontaines d’eau potable mise à disposition par la ville, il est impossible de mourir de soif, face à tant de bonté de la part des hôtels, bars et restaurants.

Un résultat qui n’étonne pas le groupement des hôtelleries et restaurations. « Servir un verre d’eau à une personne qui en a besoin relève du simple bon sens et de l’humanité, des valeurs que nos établissements portent naturellement, et lors d’épisodes caniculaires l’accès à l’eau devient en plus une question de santé publique », lâche Grégoire Devaux.