Le 18 septembre 2021, le Parc des Expositions de Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, a été le théâtre d’une violente rixe entre deux gangs de motards rivaux, les Hells Angels et les Rebels Nomads, lors de l’American Saloon, un festival dédié à la culture américaine. Ce drame, marqué par la mort de Joseph Pontroué, un motard de 52 ans affilié aux Rebels, et les blessures graves de cinq autres personnes, continue de secouer la région. Alors que le procès correctionnel s’est tenu en octobre 2024, le procès aux assises de Bordeaux pour juger le principal accusé se tient de lundi à vendredi.
A cette occasion, 20 Minutes revient sur cette affaire qui mêle rivalités territoriales, violence organisée et une justice confrontée à la « loi du silence ».
Une embuscade préméditée
Tout commence en marge de l’American Saloon, un événement attirant des passionnés de motos et de culture biker. Selon les investigations menées par la police judiciaire de Toulouse et l’Office central de lutte contre la criminalité organisée, les Rebels, un club local fondé en 2019 par d’anciens proches des Hells Angels, auraient attisé la colère de ces derniers en s’implantant à Tarbes sans leur « aval », une transgression dans les codes stricts des clubs de motards, rappelle 100 % Radio.
Le 18 septembre, les Rebels arrivent au Parc des Expositions. À peine sur place, ils sont attaqués sans sommation par un groupe de Hells Angels et leurs affiliés, dont des membres des Grim Reaper et des Occitaners de Toulouse. En huit minutes, la scène tourne au carnage. Joseph Pontroué est poignardé à cinq reprises dans le dos et à la cuisse, succombant à ses blessures. Cinq autres motards sont blessés, dont deux grièvement, également par des coups de couteau, comme le raconte à l’époque des faits, La Dépêche du Midi. Les vidéos de surveillance et des témoins, cruciales pour l’enquête, révèlent une attaque éclair, qualifiée de « guet-apens » par le parquet.
L’enquête pointe des signes de préméditation : une réunion à Serres-Castet la veille, dans le local des Grim Reaper, et un « barbecue » une semaine plus tôt à Paris, où les Hells Angels auraient décidé de cibler Tarbes, rapporte La Nouvelle République des Pyrénées. Un « guetteur » aurait même surveillé l’arrivée des Rebels pour donner l’alerte. Pourtant, les prévenus soutiennent qu’ils voulaient seulement « discuter » pour « mettre les points sur les i », niant tout projet meurtrier.
Des peines plus sévères en appel
Deux ans après les faits, du 21 au 23 octobre 2024, le tribunal correctionnel de Bordeaux, sous la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS), a jugé douze motards, principalement des Hells Angels et leurs soutiens, pour violences aggravées et, pour certains, association de malfaiteurs. Lors des audiences, la présidente Catherine Bonnici a déploré l’absence d’empathie des accusés pour la victime, tandis que le procureur Bertrand Rouède a dénoncé un « guet-apens » motivé par une guerre de territoire.
Malgré des réquisitions sévères – jusqu’à six ans de prison ferme –, les peines prononcées le 23 octobre ont été plus clémentes : six condamnations à des peines de un à deux ans de prison ferme, trois à trois ans dont deux avec sursis (avec bracelet électronique), et deux à deux ans dont un avec sursis. Trois autres prévenus ont écopé de six à douze mois avec sursis, assortis d’amendes. Deux Rebels, impliqués dans des faits secondaires, ont reçu des amendes contraventionnelles.
Estimant ces sanctions trop légères, le parquet a fait appel le 30 octobre 2024. Le 18 avril 2025, trois ans après la violente rixe entre les deux bandes rivales, la cour d’appel de Bordeaux a alourdi le jugement prononcé en première instance. La préméditation des faits a été retenue pour l’ensemble des agresseurs.
Un nouveau procès pour « la vérité »
Le volet le plus grave de l’affaire sera jugé à partir de ce lundi 23 juin jusqu’au 27 juin devant la cour d’assises de Bordeaux. Kévin D., 34 ans, membre des Hells Angels parisiens, est accusé d’avoir porté les coups de couteau mortels sur Joseph Pontroué et d’avoir tenté de tuer trois autres personnes. Il est jugé pour meurtre et tentatives de meurtre. Bien qu’il affirme avoir rompu avec les Hells Angels, son soutien par le président du chapitre parisien lors du procès correctionnel suggère le contraire. Ce procès devra éclaircir les circonstances exactes du meurtre et percer la « loi du silence » qui règne dans ce milieu.
Pour les proches de Joseph Pontroué, représentés par Me Thierry Sagardoytho, le procès est une étape cruciale pour obtenir justice. « L’heure de vérité a sonné », a déclaré l’avocat au micro de FranceInfo, en février.