Par

Léa Pippinato

Publié le

23 juin 2025 à 8h27

« Il y a eu des mariages Arabesques et même des bébés Arabesques ! » Dans la bouche de Fadelha Benammar Koly, présidente de l’association Unisons, cette anecdote ne tient pas du folklore. Elle résume l’esprit du festival : des histoires d’art, de lien, d’engagement et de partage. Dévoilée ce mercredi 18 juin 2025 à l’Opéra Comédie, la programmation du festival Arabesques s’annonce dense et politique. Du 9 au 21 septembre, il soufflera sa vingtième bougie à Montpellier. Oum Khaltoum, Rachid Taha, le Maroc, Gaza… autant de noms, de territoires et de causes qui traversent cette édition anniversaire.

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Oum Khaltoum, une voix pour ouvrir le bal

Le 9 septembre, le rideau de l’Opéra Comédie de Montpellier se lèvera sur Karima Skalli. La chanteuse marocaine rendra hommage à Oum Khaltoum, immense figure de la chanson arabe classique disparue en 1975. Quatre de ses chansons, longues d’une vingtaine de minutes chacune, seront interprétées. « Cet hommage était une évidence. Oum Khaltoum est une icône universelle », insiste Habib Dechraoui, directeur artistique du festival. Le 10 septembre, les projecteurs s’allumeront de nouveau pour « Nesma, enta omri », une création de danse inédite encore jamais montrée en France. Douze danseuses viendront incarner le souvenir et l’héritage de la star égyptienne. « C’est une production originale Arabesques. Elle marque notre volonté d’accompagner la création, pas seulement de programmer ce qui existe. »

Autre temps fort de cet hommage, le concert du trio Love & Revenge, le 20 septembre. Ce groupe franco-libanais-algérien mêle sons électro et images de vieux films arabes en direct, pour une plongée dans le cinéma populaire du Moyen-Orient, rythmée par la voix éternelle d’Oum Khaltoum. Ce même jour, des rencontres littéraires et des tables rondes dans la Médina, au Domaine d’O, exploreront l’impact culturel de la diva égyptienne.

Un cri rock pour Rachid Taha

Autre figure emblématique du monde arabe honorée cette année : Rachid Taha. Le 13 septembre, un grand concert-création mettra à l’honneur celui qui a su mêler rock, punk, raï et engagement politique. « Rachid Taha, c’est l’irrévérence, le mélange des genres, le courage d’être soi-même. Il a ouvert une voie que d’autres n’ont pas encore prise. » Le dimanche 14, à la Médina, une journée entière lui sera consacrée. Elle retracera son parcours, ses combats, et son rôle de passeur musical et social.  Cette année, le pays à l’honneur est le Maroc. Une dizaine d’artistes représenteront la diversité et la richesse de sa scène musicale contemporaine. Le public pourra découvrir Guedra Guedra, figure de l’électro marocaine underground, et Mr ID, autre talent de la scène électronique. Najat Aâtabou, voix incontournable du chaâbi, offrira au public montpelliérain un moment de musique populaire.

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Autre proposition marquante, le Kabareh Cheikhats. Ce collectif d’hommes, grimés en femmes, revisite l’art des chanteuses traditionnelles de cabaret. Un hommage audacieux à une culture souvent marginalisée. « Le Maroc foisonne de talents, il est très créatif. J’avais envie de lui consacrer un focus, comme je l’avais fait avec la Palestine l’an dernier », soutient Habib Dechraoui. Marwane Fachane, directeur général de la fondation marocaine Hiba, partenaire clé de l’événement, salue cette démarche : « En les accompagnant dans leur structuration, en exigeant contrats et factures, on professionnalise les artistes. C’est une vraie reconnaissance de leur travail. »

Un combat culturel dans un climat tendu

Arabesques, c’est aussi une mosaïque de genres et de formes. La chanteuse belgo-égyptienne Natacha Atlas viendra poser sa voix sur des sonorités world et électroniques. Le chorégraphe Hervé Koubi, fidèle du festival, présentera une nouvelle création. L’Orchestre de la Casbah, Orange Blossom ou encore le groupe Labess, accompagné de l’Orchestre national de Barbès, participeront à la grande fête de clôture le 21 septembre. La journée sera aussi dédiée à Gaza. Deux artistes palestiniens, Yanal Staiti et Zohud, présenteront leur travail, fruit d’une résidence au festival. Le symbole est fort. « On fait venir des artistes qui viennent de pays en guerre. On assume. Et on se bat pour leurs visas. Certains seront refusés, on le sait. Mais ce n’est pas une raison pour renoncer. » Mais Arabesques ne se limite pas à la musique. Deux semaines durant, le Domaine d’O accueillera des spectacles d’humour, des avant-premières de films, des DJ sets gratuits à la Kasbah d’O, et bien sûr, la Médina, avec son marché artisanal et ses débats.

Cette édition anniversaire arrive dans un contexte politique et social compliqué. « Le climat est délétère. Les stigmatisations s’accumulent. On doit se battre pour la légitimité d’une culture qui fait pourtant partie du paysage français depuis des décennies », déclare Zina Bourguet, conseillère régionale. La Région Occitanie est le deuxième financeur du festival, avec 100 000 euros, juste après la Métropole de Montpellier.

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