L’Agence française du médicament a annoncé vendredi que tout médecin pourra prescrire à partir de ce lundi 23 juin les médicaments GLP-1 Wegovy (sémaglutide), Mounjaro (tirzépatide) et Saxenda (liraglutide) pour traiter l’obésité. C’est un nouveau pas vers un accès plus facile à ces traitements, pas encore remboursés en France et destinés aux personnes obèses. Cette nouvelle génération de médicaments, qui connaît un engouement mondial, change la donne pour les personnes obèses et représente un attrait financier certain pour les labos pharmaceutiques. Mais ils ont aussi leurs limites. Tour d’horizon des questions posées par cette révolution.

Ces médicaments, qui comprennent notamment le sémaglutide (Ozempic-Wegovy) de Novo Nordisk et le tirzépatide (Mounjaro) d’Eli Lilly, miment l’action d’une hormone, dite «glucagon-like peptide 1» (GLP-1). Elle agit sur la sécrétion d’insuline, ce qui explique pourquoi ces traitements ont d’abord été développés contre le diabète – le plus connu d’entre eux étant l’Ozempic. Mais elle joue plus largement sur la sensation de satiété, via des mécanismes cérébraux.

Ces médicaments peuvent donc profondément changer le rapport des patients à leur alimentation, en réduisant leur appétit via une amélioration de leur capacité à être rassasiés.

Lors des essais cliniques, ces médicaments ont diminué en moyenne de 15 % à 20 % le poids des patients. C’est légèrement moins que la chirurgie mais jamais vu pour des traitements médicamenteux, par essence moins invasifs.

De l’avis général des spécialistes de l’obésité, il s’agit d’une avancée historique pour aider à perdre du poids. Car jusqu’alors, la chirurgie restait la principale thérapie proposée aux personnes en obésité sévère pour qui les suivis diététiques et l’activité physique n’avaient rien donné. Mais cette option présente des limites, et de nombreux patients restaient sans solution.

Ces nouveaux traitements «couvrent un besoin majeur non couvert : l’obésité était l’une des seules maladies chroniques pour lesquelles il y avait très peu de médicaments», confirme Emmanuel Disse, endocrinologue aux Hospices civils de Lyon.

Les experts sont cependant unanimes : les GLP-1 ne sont pas des molécules miraculeuses. En premier lieu, ils causent fréquemment des effets secondaires. Certes, avec plusieurs années de recul – le sémaglutide est approuvé depuis 2017 aux Etats-Unis contre le diabète –, les effets graves apparaissent rares, par contraste avec de précédents médicaments coupe-faim.

Une vaste étude, réalisée à partir des données de santé de centaines de milliers de vétérans américains et publiée en janvier dans Nature Medicine, montrait que les GLP-1 ne sont pas associés à un risque accru de troubles cardiaques ou d’idées suicidaires, comme cela avait été précédemment avancé. Mais des risques graves, comme des atteintes au pancréas et des occlusions intestinales, existent de façon limitée. D’autres effets indésirables, plus fréquents, sont aussi recensés : nausées, troubles du sommeil, migraines… – des effets qui ne sont pas graves mais qui peuvent être insupportables pour les patients. Raison pour laquelle l’Agence nationale du médicament veille au grain, tant pour surveiller les effets indésirables que l’usage de ces traitements. «On a une sensibilité particulière, liée à l’historique du Mediator. Mais aussi parce qu’on a vite compris qu’ils pouvaient être utilisés à des fins esthétiques, par des personnes qui ne sont pas en obésité», rappelait Isabelle Yoldjian auprès de Libé il y a quelques mois.

Par ailleurs, les GLP-1 ne marchent pas à tous les coups : certains patients ne perdent pas de poids. Leurs effets ne perdurent pas en cas d’arrêt, ce qui en fait des traitements à vie. Pour l’heure, ils ne s’administrent que sous forme injectable, alors qu’une pilule rendrait leur prise bien plus aisée – sur ce point, le laboratoire américain Eli Lilly a publié en avril des essais de phase 3 prometteurs sur un traitement par voie orale.

A cause de ces limites, les GLP-1 doivent être réservés aux personnes dont le surpoids est important et dans le cadre d’une prise en charge plus large de leur obésité : activité physique, changement de régime… Toutes les autorités ne mettent pas le curseur au même endroit : la France, elle, les recommande pour un IMC supérieur à 35, alors que les Etats-Unis n’ont mis la barre qu’à 30.

Les experts interrogés pointent qu’il s’agit probablement d’un choix économique et pas seulement médical. La France, dont le système de Sécurité sociale rembourse de nombreux traitements avec de l’argent public, se montre logiquement plus restrictive. Selon des projections d’octobre 2024 de la Haute Autorité de Santé, la population éligible au Wegovy se situe entre «1,050 million et 2,1 millions de patients».

Un remboursement en France des médicaments anti-obésité attendu à l’automne pourrait changer la donne pour des milliers de Français. Le feu vert a été donné en décembre par la Haute Autorité de santé, mais les négociations entre l’Etat et les laboratoires se poursuivent. Reste à savoir s’ils parviendront à s’entendre sur un prix et quelle sera la facture pour l’assurance-maladie.

Pour le moment, les prix des boîtes mensuelles sont fixés en pharmacie. Elles coûtent en moyenne entre 200 et 300 euros.

«On ira vite vers des médicaments plus efficaces, avec moins d’effets secondaires, moins chers et plus simples à prendre, résume Steven O’Rahilly, directeur de l’Institut des sciences du métabolisme à l’Université de Cambridge. Mais la difficulté risque d’être de combiner ces quatre facteurs dans un seul traitement.»

L’arsenal thérapeutique est déjà en train de se compléter. Publié samedi dans le Lancet, un essai clinique, encore en phase précoce, montre ainsi que l’amycrétine, une molécule proche des GLP-1 mais au fonctionnement un peu plus large, pourrait être encore plus efficace.

Une autre grande piste de recherche concerne de nouvelles applications de GLP-1 en dehors de l’obésité : ils semblent liés à des améliorations dans nombre de pathologies, comme les démences ou les addictions. Reste à savoir s’il s’agit d’un effet direct de ces médicaments, ou de bénéfices liés à l’amélioration du diabète ou de l’obésité.