• Moscou a fermement condamné les frappes américaines du week-end dernier contre Téhéran, son principal allié au Proche-Orient.
  • Vladimir Poutine, qui se pose en médiateur, reçoit ce lundi le chef de la diplomatie iranienne.
  • TF1info a interrogé Igor Delanoë, spécialiste de la géopolitique russe, pour en savoir plus sur les enjeux de cette rencontre.

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Vladimir Poutine a qualifié les frappes américaines (nouvelle fenêtre) conduites par des avions bombardiers furtifs, dimanche 22 juin, contre trois sites du programme nucléaire iranien « d’agression non provoquée », sans « fondement » ni « justification ». Le maître du Kremlin a reçu ce lundi à Moscou le ministère iranien des Affaires étrangères, sans toutefois offrir publiquement d’aide militaire à Téhéran à ce stade.

« Il est peu probable que la Russie apporte un soutien militaire à l’Iran, car le Kremlin cherche à conserver une forme d’équidistance entre les belligérants. Cette posture vise à lui donner les moyens de jouer un rôle de médiateur le moment venu, ce qu’elle pourrait difficilement faire si elle venait à appuyer militairement l’Iran, chose qu’elle ne peut pas réellement se permettre de toute façon », estime pour TF1info Igor Delanoë, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de la géopolitique russe. 

À ce stade du conflit, la Russie a déjà engrangé des bénéfices

Igor Delanoë

Dès le 13 juin, au premier jour des frappes israéliennes contre l’Iran, Vladimir Poutine s’était dit prêt à « jouer un rôle de médiateur afin d’éviter une nouvelle escalade des tensions. » Peu avant la rencontre de ce lundi, le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a simplement répété que le Kremlin avait proposé « sa médiation » entre toutes les parties concernées, « condamnant » et « déplorant vivement » les attaques contre l’Iran. « Les frappes américaines accréditent l’hypothèse d’une médiation russe, car le dialogue va être dorénavant plus difficile entre Washington et Téhéran », commente l’expert de l’Iris. 

De fait, Moscou n’a aucun intérêt à ce que l’escalade se poursuivre dans la région. « C’est une zone stratégique pour la projection d’influence des grandes puissances extrarégionales depuis des siècles. Par ailleurs, toute déstabilisation de la région entraîne systématiquement des répercussions dans l’espace postsoviétique, notamment dans la zone Caucase-Asie centrale », rappelle Igor Delanoë. « Enfin, du point de vue économique, Moscou a noué des relations fécondes avec un certain nombre de pays de la région, et cette dernière abrite des grands producteurs d’hydrocarbures, Arabie saoudite et Qatar en tête, avec qui la Russie doit se coordonner dans le cadre de l’accord OPEP+ », explique ce spécialiste.

AFP

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Jusqu’à présent, constate Igor Delanoë, le Kremlin tire profit de la situation. « À ce stade du conflit, la Russie a déjà engrangé des bénéfices. Le prix du pétrole a augmenté, et continuera d’augmenter si l’Iran venait à fermer le détroit d’Ormuz (nouvelle fenêtre). Le projet du G7 d’abaisser le plafonnement du prix de vente du pétrole russe de 60 à 45 dollars a été jeté aux oubliettes », souligne-t-il. En outre, tous les regards sont désormais rivés vers le Proche-Orient. « L’attention portée à l’Ukraine s’amenuise encore plus, et Kiev recevra moins d’aide militaire en raison de l’assistance que les Occidentaux apportent à l’État hébreu. Enfin, on reparle d’une possible médiation russe sur un dossier clef pour la sécurité mondiale », détaille le spécialiste.

Toutefois, si le régime des mollahs venait à s’effondrer, Poutine perdrait un précieux allié. « Ce serait un revers géopolitique pour Moscou », souligne-t-il. D’où la volonté du maître du Kremlin de trouver une issue diplomatique à ce conflit qui risque d’embraser la région. 

Matthieu DELACHARLERY