Révélées par La Provence, les vidéos des sévices subies dans son lit par Rayan, un polyhandicapé de 19 ans, avaient soulevé une forte indignation. Diffusées ce mardi 24 juin après-midi sur les trois écrans du tribunal correctionnel de Marseille, les mêmes images ont choqué et bouleversé la salle audience.

On y voit très distinctement Dominique G., 49 ans, auxiliaire de vie de Rayan depuis près de deux ans, lui porter plusieurs coups de poing au visage un jour, lui tirer les cheveux un autre, le gifler un troisième… Entre le 28 mars et le 4 avril, les caméras installées dans la chambre de ce jeune Marseillais privé de parole à la naissance, atteint de cécité, et rendu dépendant dans chaque acte du quotidien par la paralysie de ses membres, ont saisi quatre scènes de maltraitance toutes aussi insoutenables. « Je ne m’imagine même pas comment Rayan a vécu dans cette peur, comment il a dû être angoissé », tremble Sana, sa mère. À la barre, elle se dit « anéantie », « hanté par cette personne » à qui elle faisait « confiance » et dont elle se demande, aujourd’hui, « combien de fois il a battu » ce fils « prisonnier de son corps ». « C’était vicieux. Parfois, quand je rentrais, les caméras étaient débranchées… », s’inquiète-t-elle tandis que dans la salle, Raouf, beau-père très investi, protège Rayan de ses bras.

Forte carrure et langue, Dominique G. reconnaît tout mais ne s’explique de rien : « Quand j’ai vu ces images pour la première fois, je n’arrivais pas à y croire. Mais oui, c’est vrai, il n’y a pas de doute, c’est moi », doit-il convenir. Cet ancien musicien, décrit comme très doué, reconverti en assistant de vie à la suite d’un accident de la route, jure ne toujours pas « comprendre », « comment j’ai pu commettre ces gestes, surtout contre une personne vulnérable comme Rayan qui ne peut pas se défendre. Il ne m’a rien fait. C’est mal. Tout d’abord, je tiens à présenter mes excuses à la famille et à Rayan », dit-il sans émotion apparente.

Décompensation psychotique

Pour seule justification, Dominique G., célibataire sans enfant, évoque une « maladie chronique », qui lui aurait été révélée par le suivi psychiatrique dont il fait l’objet depuis son « pétage de plombs ». « De ce que j’ai compris, j’ai fait une décompensation psychotique. Plus jeune, ça m’est déjà arrivé, on m’accusait de faire et dire des choses que je n’arrivais pas à reconnaître. Ma mère m’a dit que je l’ai déjà frappé une fois. Mais jusque-là, je ne la croyais pas », se remémore-t-il, en jurant ne pas avoir cogné Rayan « en conscience ».

« Vous n’agissez pas en conscience, mais vous ne frappez jamais Rayan quand sa mère est là. Vous ne décompensez pas quand vous êtes à table avec eux, à un karaoké avec eux. Mais seulement quand vous êtes seuls avec lui et que personne ne vous voit », tacle Me Taguelmint, l’un des avocats de la partie civile, qui note, par ailleurs, que l’altération du discernement n’a « pas été retenue ». Le débat est-il pour autant tranché ?

Déjà condamné en 2024 pour avoir eu un accident de la route sous l’emprise de stupéfiants, Dominique G. avait quelques années plus tôt été hospitalisé à sa demande aux urgences psychiatriques. Un sentiment de persécution et des idées suicidaires avaient été relevés. Un traitement prescrit. « Il paraît que j’avais des hallucinations et que je parlais seul, confie-t-il. Mais ensuite, je suis sorti et j’ai arrêté le traitement, il me semblait que ça allait mieux. »

« Vous avez donc évacué votre frustration en frappant Rayan ? »

Embauché en 2023 dans une société d’aide à la personne après une formation d’un an et quatre mois, « mais sans diplôme », insiste-t-il, il s’est ainsi retrouvé à s’occuper quasi exclusivement de Rayan. « Il y a une adéquation entre la personnalité de ce monsieur et le fait de s’occuper d’un jeune homme qui a une pathologie aussi lourde », note le procureur, Alain Berthomieu, sans aller jusqu’à poser le débat sur le recrutement du personnel, sans vérifier les qualifications ni les antécédents judiciaires, dans le milieu du handicap. Mais préférant, comme le président, s’insurger que les vidéos des faits se soient retrouvées dans les médias.

« On m’avait dit que je devais faire de la surveillance et du déplacement. Mais je me suis retrouvé à faire des actes de soin », saisis Dominique G. en admettant quelques « clashs » avec la mère de Ryan sur la manière de procéder. « Il me semble que j’aurais dû percevoir que ce qu’on me demandait était au-dessus de mes moyens. Ça me demandait des ressources psychologiques et de compétences que je n’avais pas », se victimise-t-il.

Un mea-culpa qui fait rebondir Me Taguelmint : « Vous avez donc évacué votre frustration en frappant Rayan ? », imagine-t-il. « À l’issue des débats, une question cruciale demeure : pourquoi a-t-il agi ainsi ? Je n’ai toujours pas la réponse », tranche le procureur. « J’ai eu presque l’impression en regardant les images qu’il s’en prenait à ce jeune handicapé comme on tape sur un objet quand on est agacé, sans y penser, comme un geste normal entrecoupant les soins », s’interroge Alain Berthomieu en réclamant neuf mois de prison avec sursis, avec obligation de soins et interdiction définitive d’exercer dans ce domaine. Dans la salle, la famille de Rayan est sonnée. La décision a été mise en délibéré au 10 juillet prochain.