La méthode Galthié, faite de « haute intensité » n’a en réalité pas été inventée par le sélectionneur. Déjà utilisée dans le rugby, elle est aussi un rappel au général russe Alexandre Souvorov. Un peu d’histoire. 

Lorsque Fabien Galthié a pris en mains le XV de France à l’hiver 2020, le moustachu du Lot est arrivé avec une idée simple : préparer les matchs à venir comme on prépare une grande pièce de théâtre. Avec rigueur, rythme et surtout, vérité. « Haute intensité », nomme-t-il donc la méthode. Deux mots. Un concept. Un mantra. Presque une philosophie. Dans la semaine précédant la rencontre, les joueurs ne se contentent pas de répéter les gammes. Sur le terrain d’honneur de Marcoussis, ils s’affrontent. En opposition. Corps contre corps. Les yeux dans les yeux. Comme s’ils y étaient déjà. Comme si, autour d’eux, ce petit stade de campagne était en réalité cent fois plus grand, comme si ce public réduit à une poignée d’hommes en joggings et une dizaine de journalistes en doudounes ou en shorts, suivant la saison, retenait son souffle…

Souvorov, à jamais le premier

Tout ça n’est pas nouveau, bien sûr. Les clubs du Top 14 l’avaient compris bien avant le sélectionneur. Mais Galthié, lui, ne s’est pas arrêté à l’évidence. Il a regardé derrière. Il a fouillé dans l’histoire, comme on feuillette un vieux carnet oublié au fond d’une bibliothèque. Et là, entre deux batailles, il est tombé sur un nom : Alexandre Souvorov, général des armées de la Tsarine Catherine II. Le XVIIIe siècle ? Un autre monde. Un autre froid. Un autre terrain. Et pourtant, la même idée : former ses hommes à l’épreuve du réel. Chez Souvorov, l’entraînement n’était pas une répétition. C’était déjà un combat. Mille soldats d’un côté, mille de l’autre. Pas de place pour la fiction. Juste des charges. Des cris. Des baïonnettes tendues comme des promesses de douleur. Chez Souvorov, il y avait des blessés, parfois des morts. Mais surtout, une vérité brute : on ne gagne pas une guerre en apprenant à défiler, mais en apprenant à survivre.

Galthié, bien sûr, n’a pas ramené les baïonnettes au CNR. Mais il a compris l’essentiel. Il a pigé que pour atteindre l’excellence, il fallait s’approcher au plus près de la réalité. Que la sueur de l’entraînement épargne le sang du match. Et que le rugby, comme la guerre ou l’amour, ne souffre pas les demi-mesures. Alors ? On regrette que récemment, certains aient émis des réserves, dans le rugby pro, sur le fonctionnement du groupe France à 42. On ne paie, bien sûr, ni les salaires d’Antoine Dupont, Damian Penaud ou Louis Bielle-Biarrey, réquisitionnés quatre mois sur douze par la sélection. Mais on sait qu’une équipe de France victorieuse est aussi une richesse qui imprègne, arrose, inonde tout un écosystème. Et que Souvorov, deux cents ans après sa mort, est toujours considéré comme le général ayant le plus remporté de batailles, à la tête des armées du Tsar. Dès lors ? Longue vie à la « haute intensité », nom d’un Romanov !