A la fois Parisien et Stéphanois où il a grandi et vit en partie, le nouveau délégué départemental du RN, le jeune Corentin Jousserand mènera une liste pour son parti aux Municipales 2026 à Saint-Etienne. Il est le seul pour l’instant – officiellement -, la déclaration d’Eric Le Jaouën pour Horizons étant à réinterroger depuis l’annonce de l’alliance de 7 partis à droite et au centre le mois dernier. Tandis que cette union à gauche reste à concrétiser avant même de fixer une éventuelle tête de liste commune.

La carrière de Corentin Jousserand dans les coulisses de l’Etat puis de la politique s’est orientée sur les questions économiques. ©If Média / Xavier Alix

En manque de « profils cadre », ici, et comme souvent ailleurs, le Rassemblement National (RN) vient d’en trouver un pour Saint-Etienne – et la Loire, puisqu’il a succédé il y a peu à Michel Lucas en tant que délégué départemental – en la personne de Corentin Jousserand. 28 ans seulement mais témoignant d’un minimum d’expérience – certes relative mais pour son âge – quant à la « chose publique », à défaut d’afficher celle d’un mandat électif. Natif dit-il de Saint-Etienne – « j’y ai grandi jusqu’à mes 18 ans » -, ayant fréquenté le lycée Fauriel, le jeune homme est diplômé de Sciences Po et d’HEC (2017 / 21 avec une année à Austin au Texas) mais a manqué le concours qui en aurait fait un énarque. Parcours suffisant cependant pour intégrer les coulisses de l’Etat. Via, d’abord, un stage au cabinet du préfet d’Evence Richard entre les épisodes I et II du Covid.

Puis un second, l’automne suivant à l’Assemblée nationale, auprès du président de la commission des finances avant un véritable poste en tant que chargé de mission « Relocalisation Industrie de Santé » à la DGE du ministère de l’Economie et des Finances de janvier à août 2021. La ligne suivante du CV l’emmène chez la start-up devenue licorne Owkin d’octobre 2022 à juin 2023 en tant que responsable de projet. Il fait alors son retour à Bercy en tant que chef de projets « Economie des territoires » où il a travaillé sur les problématiques de commerces et d’attractivité des centres-villes (dispositifs Actions Cœur de Ville et Petites Villes de demain) de juin 2023 à septembre 2024. Il est depuis collaborateur parlementaire non en tant qu’attaché d’un député RN mais comme employé par l’ensemble du groupe RN à l’Assemblée nationale, affecté plus particulièrement à la commission des finances.

Une attractivité à restaurer

« Je passe 4 jours à Paris et 3 ici, à Saint-Etienne », assure Corentin Jousserand qui avait fait ses débuts politiques du côté de Reconquête et d’Éric Zemmour qu’il alimentait en écrits pour des éditoriaux à teneur économique… « J’ai poursuivi ce travail avec Reconquête jusqu’à quelques mois avant la présidentielle 2022 mais par la suite j’ai quitté ce parti par désaccord politique. J’ai une fibre sociale : et la position d’Eric Zemmour sur la réforme des retraites (le président de Reconquête en revendique la paternité, souhaitant même augmenter encore l’âge de départ, Ndlr) ne me convenait pas. » Corentin Jousserand poursuit alors son engagement politique avec le Rassemblement National (RN) au point donc de devenir son leader départemental. Et de se présenter – seul – face à la presse locale il y a 10 jours comme, l’unique tête de liste certaine d’une formation aux Municipales 2026 à Saint-Etienne (Eric Le Jaouën l’avait annoncé il y a plus de 4 mois et a commencé sa campagne pour Horizons mais son ralliement à l’alliance de la droite et des centres remet en jeu cette attribution).

C’est un « faisceau de facteurs » qui l’a motivé à vouloir prendre en main ce qui a été et reste sa ville. A commencer, pointe-t-il par restaure son « attractivité très clairement perdue ces dernières années. Je vois la différence avec mes 18 ans… Il y a les sièges sociaux qui partent, il y a toutes ces devantures de commerces fermées : il suffit de se promener dans le centre-ville… La Municipalité affiche des chiffres (ceux de la CCI, Ndlr) contradictoires ? Ok… Il doit y avoir une forme de dénis parce que tous les Stéphanois et les commerçants avec qui on échange voient autre chose… » Le fruit d’une politique à ses yeux, bien aggravée par « l’affaire » de chantage dont 2026 doit libérer Saint-Etienne : « J’ai travaillé dans les ministères et oui, hélas, cela un impact : refus de visite de tel ministre, telle agence, d’accorder telle enveloppe… C’est sanctionner 400 000 stéphanois et métropolitains mais c’est ainsi. Il faut redorer notre blason. Il y a pourtant tellement de choses à faire, un potentiel… Sur le tourisme, on n’y est toujours pas ! »

« Oui, nous pouvons prendre cette ville »

La « sécurité », thème cher au RN, sera bien sûr de la partie. « Les chiffres prouvant l’explosion de la délinquance sont là, à l’échelle de la Loire comme pour Saint-Etienne. » Faut-il recruter massivement des policiers municipaux après le doublement de leur effectif depuis 2014 ? Y consacrer encore plus de caméras, une part du budget plus conséquente ? « Trop tôt » pour répondre, le programme en cours d’élaboration sera présenté après l’été, dans ses grandes lignes. Probablement une liste de noms arrêtée avec, aux « profils différents, de tous âges et de toutes professions. S’il fallait l’enregistrer demain à la préfecture, ce serait possible. Mais nous prenons notre temps pour accentuer toujours des motivations les plus fortes possibles et des compétences qui sont déjà là. » Avec le concours de Debout la France, de l’UDR, voire les restes de Reconquête ? Contacts pris mais alliance (s) pas encore scellées, répond C. Jousserand qui les voient mal jouer la concurrence.

Dans un contexte incertain, sans doute comme jamais, (présence de Gaël Perdriau, « celui qui a permis de chasser l’extrême droite du conseil municipal », comme il s’est qualifié lui même en conseil municipal ? Sinon, quelles alliance (s) à gauche ?), croit-il réellement en ses chances ? Il le clame : « Oui, nous pouvons prendre cette ville ». Ou cette élection de 2026 est-elle SA rampe de lancement ? Le score du RN en 2020 ne plaide pas pour la première hypothèse : 9,24 % des suffrages exprimés (2020 2 560 voix) à Sophie Robert contre 18,9 % au 1er tour en 2014 à Gabriel de Peyrecave. Mais à l’image du tout petit score de LFI et associés il y a 5 ans (3,14 % pour Andrée Taurinya), de l’eau a coulé sur tous les fronts : 10 623 voix, 24,65 % des exprimées à Saint-Etienne, aux Européennes 2024, « plus haut score dans une cité de plus de 150 000 habitants hors Paca ». 30 % si on ajoute les autres formations d’extrême droite…

Les législatives 2024 n’ont pas démenti la tendance même s’il convient de rappeler que les 1ère (6 328 voix ; 26,92 des exprimées au 1er tour) et 2e (8 595 voix ; 27,13 % des exprimés au 1er tour) circonscriptions de Saint-Etienne n’arrêtent pas leurs périmètres à la ville centre. Aussi bien à la faveur qu’à la défaveur du RN. L’automne devrait lever à Saint-Etienne cette bousculade d’inconnues dont Corentin Jousserand, quel que soit, le scenario, pourrait clairement s’extraire…