Il en est à sa deuxième opération de l’œil et peine encore à fixer son interlocuteur. Amani Jumatano, 72 ans, est un des professeurs de tennis emblématiques du complexe sportif Pereire (XVIIe). Mais la « panthère noire », surnom d’un temps où il caracolait aux alentours de la 380e place mondiale, en 1982, n’est plus aussi alerte aujourd’hui. « C’est à cause de l’éclairage sur les terrains de Pereire », soupire-t-il.
Il a décidé d’engager une procédure contre le Comité de Paris Tennis, gestionnaire du site: « Je dépose plainte parce que ma vue s’est abîmée à force d’être sur ces courts mal éclairés, je ne peux plus entraîner le soir désormais. Cela engendre une perte de salaire, mais ce que je veux c’est que les gens puissent jouer la nuit à nouveau », reprend celui qui a commencé le tennis sur le tard, à 17 ans, au Burundi, avant de fuir la guerre et de venir vivre en France où il a joué pour le Racing dès le milieu des années 1970. Là, il est devenu l’ami de Jean-Paul Belmondo et de Claude Lelouch.
Après avoir coaché Ronald Agénor — qui s’était hissé sous sa houlette jusqu’en quarts de finale à Roland-Garros en 1989, s’inclinant face au futur vainqueur Michael Chang —, Amani Jumatano s’est tourné vers l’enseignement pour les enfants et le loisir. Depuis dix ans, il donne des cours à Pereire.
« Tout l’hiver, on joue avec un côté dans la pénombre, et de l’autre on est ébloui», poursuit l’entraîneur, qui compare ses cours à l’observation d’une « éclipse solaire » lorsqu’il repasse en coup droit face à la lumière après avoir dilaté ses pupilles en frappant des revers du côté sombre. Car les terrains sont éclairés par une barre de lumière installée sur une bâche, sur un bord de terrain seulement.
Complexe sportif Pereire (XVIIe) jeudi 12 juin. Les courts sont éclairés par une unique barre latérale composée de plusieurs spots. LP/Arnaud Dumontier
Amani Jumatano dépose plainte pour détournement de fonds publics et escroquerie car, selon lui, le Comité de Paris Tennis n’a toujours pas améliorer l’éclairage, alors qu’il a perçu une subvention pour réaliser les travaux voici… six ans. Malgré une « faveur » sur les loyers en contrepartie de travaux à réaliser, le Comité a toutefois demandé de l’aide à la Ville en 2018, lorsqu’il a fallu rénover les terrains et refaire l’éclairage tant décrié par les usagers. Le devis était estimé à 230 000 euros en tout, et la Ville a donné 50 000 euros de subvention. Si les terrains ont bien été rénovés, l’éclairage, lui, n’est pas meilleur.
« La plupart de nos adhérents refusent de venir au-delà de 17 heures l’hiver, ils ne voient rien », admet un autre entraîneur. La plainte de l’ancien double champion d’Afrique a décidé un autre coach à déposer plainte aussi. « Beaucoup craignent de perdre leur travail en râlant ou d’être embêtés par le Comité ensuite, mais l’un de mes yeux a trop faibli. Ce n’est pas la cataracte, j’ai de vrais problèmes à force d’être vingt heures par semaine sur ces courts », soupire Anatole, 56 ans.