Le Danemark, qui depuis plusieurs années défend politique migratoire plus stricte, entend utiliser sa présidence de l’Union européenne (UE), à compter du 1er juillet, pour durcir encore le traitement des demandeurs d’asile et les recours en justice. La politique migratoire « est liée à la sécurité […] Nous devons avoir une Europe plus sûre, stable et robuste, et cela n’est pas vraiment le cas si nous ne contrôlons pas les flux vers l’Europe », a déclaré la ministre danoise des Affaires européennes Marie Bjerre, le 19 juin, lors de la présentation des priorités de la future présidence.

La première ministre danoise Mette Frederiksen a annoncé la couleur lors d’un déplacement à Berlin, le 11 juin, et entend s’activer sur deux fronts : l’externalisation des demandes d’asile et la restriction de la portée des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). « Nous avons besoin de nouvelles solutions pour réduire l’afflux en Europe et pour renvoyer efficacement ceux qui n’ont pas le droit de rester dans nos pays », a-t-elle dit face au chancelier allemand Friedrich Merz, qui vantait le « modèle » danois.

Le Danemark, où la part de personnes d’origine étrangère est passée de 3,3 % à 16,3 % entre 1985 et 2025, justifie sa volonté de limiter l’accueil des migrants par le maintien d’un État providence généreux. En parallèle, son besoin de main-d’œuvre étrangère a bondi, le nombre de permis de travail accordés doublant en moins de dix ans, mais ceux-ci peuvent aussi être rapidement révoqués.

Une situation « schizophrénique »

Au Danemark, les réfugiés obtiennent un permis de séjour d’un an renouvelable et sont encouragés à prendre le chemin du retour dès que les autorités estiment que le besoin de protection a disparu. « Les réfugiés sont censés s’intégrer tout en étant prêts à partir à tout moment […], une situation d’un genre plutôt contradictoire ou schizophrène », explique la chercheuse Marie Sandberg, directrice du Centre sur les recherches migratoires (AMIS) de l’Université de Copenhague.

« La recherche a récemment montré que l’accent accru mis sur les politiques de retour et la protection temporaire, ainsi que les exigences élevées pour obtenir un permis de séjour permanent, créent un paysage d’intégration très, très difficile pour les nouveaux arrivants dans la société danoise », poursuit-elle. À l’été 2020, 200 Syriens se sont ainsi vus priver de leur permis de séjour au motif que « la situation actuelle à Damas n’est plus de nature à justifier un permis de séjour ou son extension ».

Depuis qu’elle a pris la tête du parti social-démocrate danois en 2015, Mette Frederiksen, première ministre du Danemark depuis 2019, a changé le discours de son parti en matière d’immigration, dans la lignée des gouvernements de droite, soutenus par l’extrême droite, qui l’ont précédée au pouvoir. Elle a qualifié à plusieurs reprises l’immigration non-occidentale de « plus grand défi » pour le Danemark.

En 2024, Mette Frederiksen avait soutenu un député Frederik Vad qui avait affirmé que certains immigrés bien intégrés « sapaient » parfois la société danoise de l’intérieur. « Culturellement, on est un pays sociable et détendu et pour une raison quelconque, les musulmans ont été, et sont toujours, perçus comme une sorte de menace à cette culture libérale », regrette Michala Bendixen, présidente de l’ONG Refugees Welcome.

Tentative d’externalisation des demandes d’asile

Chantre de l’accueil de « zéro » réfugié, le Danemark a accepté 860 demandes d’asile en 2024, soit près de 13 fois moins qu’en 2015, et Mette Frederiksen défend l’externalisation des demandes d’asile et de leurs demandeurs. Il y a deux ans, son gouvernement avait suspendu son projet de transférer les demandeurs d’asiles danois hors d’Europe, possiblement au Rwanda, pour essayer de trouver une solution commune avec l’Union européenne pour organiser ce transfert.

Bien que les essais d’externalisation par des États européens aient tous échoué, « il va y avoir une tentative européenne de faire quelque chose sur le sujet » pendant la présidence danoise, estime Michala Bendixen, la présidente de Refugees Welcome. Sur un autre front, le Danemark s’est associé à l’Italie et sept autres pays pour demander une réinterprétation de la Convention européenne des droits de l’Homme sur les migrations, arguant qu’elle protège parfois « les mauvaises personnes ».

« Nous étions fiers d’être parmi les premiers pays à signer la Convention des Nations unies sur les réfugiés de 1951 et nous avons également fait partie du programme de réinstallation du HCR [le Haut-commissariat aux réfugiés] depuis la fin des années 1980. Cependant […], le Danemark semble prêt à tester les limites des conventions », insiste la chercheuse Marie Sandberg. Pour Michala Bendixen, ce positionnement « fragilise toute la mentalité de l’Europe ».