« Tout se déroule comme on l’imaginait. » Au moment d’inaugurer la deuxième plateforme de compostage des Alchimistes Côte d’Azur, leur président Cédric Davoine semble presque ne pas en revenir. Avec Anne-Sophie Davoine et Davide Raffini, ils ont parcouru un sacré chemin depuis 2018 et l’époque où ils collectaient à vélo puis compostaient 40 tonnes de biodéchets des restaurants du port de Toulon pour les rendre à la terre.

Aujourd’hui, le nouveau terrain, loué selon un bail emphytéotique à la commune de Cuers, vient s’ajouter au site de La Farlède, inauguré fin 2022, portant la capacité de traitement de l’entreprise à 1.500 tonnes. Des résidus organiques collectés dans des cantines scolaires du primaire au lycée, des établissements de santé, des hôtels et des restaurants, représentant quelque cinq cents clients.

Mais Les Alchimistes Côte d’Azur ne comptent pas en rester là. Rencontre avec un patron qui, de son propre aveu, « adore parler de déchets ».

Avec ce nouveau site de 1.800m², où en sont Les Alchimistes de leurs objectifs?

Exactement là où nous voulions! La preuve: on a clôturé 2024 avec un écart d’à peine 1% du chiffre d’affaires prévisionnel établi en 2021. Nous avons 35 salariés sur des emplois locaux non délocalisables. Donc notre objectif est toujours de collecter et traiter 10% du gisement de biodéchets du Var estimé à 150.000 tonnes. Avec nos deux sites de La Farlède et de Cuers, nous sommes aujourd’hui à 1.500 tonnes de capacité de traitement et deux fois plus en collecte si on ajoute notre site de Puget-sur-Argens.

Il y a 2 ans, nous étions six à tout casser et nos capacités pas loin de dix fois inférieures!

Jusqu’ici vous visiez surtout les biodéchets des professionnels. Aujourd’hui, envisagez-vous de répondre aux marchés publics lancés par les collectivités dans le cadre de la loi Agec (1)?

Absolument! Nous avons la capacité de répondre aux besoins des collectivités. C’est déjà ce que nous faisons avec les expérimentations de collecte en points d’apports volontaires: une quarantaine à La Valette pour une expérimentation avec la Métropole Toulon ProvenceMéditerranée, et onze dans les communes de Méditerranée-Porte des Maures. Leurs résultats sont très encourageants.

Et nous sommes en capacité d’aller plus loin: c’est ce que font les Alchimistes Lyon, Paris ou encore Marseille. Nous bénéficions de cette expérience. Ce qui nous anime, c’est d’avoir un impact social et écologique.

Que devient le composte que vous fabriquez ici à Cuers et aussi à La Farlède?

Nous avons une quinzaine de partenaires, principalement des viticulteurs qui achètent l’intégralité notre compost.

Mais parce que notre objectif est de nourrir les sols, dont le déficit en matière organique est de 70% dans le Var, nous avons créé une cellule « Recherche et développement ». Elle vise à collecter des données sur les effets du compost de biodéchets alimentaires.

Vous évoquez souvent la notion d’ »industrie écologique »: c’est-à-dire?

En 2018, quand on parlait de monter une station de compostage sur le port de Toulon pour traiter des biodéchets alimentaires, ça faisait vraiment écolo illuminé. Aujourd’hui, on entre dans le monde réel et l’écologie passe dans le monde industriel. C’est ça l’industrie écologique. Ça veut dire équiper le territoire du Var en infrastructures et c’est pour ça que la Région nous suit, pour ça que des communes comme La Farlède ou Cuers nous soutiennent.

Dans cette perspective, quel est le prochain objectif des Alchimistes Côte d’Azur?

Notre objectif numéro 1, c’est d’ouvrir de la capacité de compostage dans l’est-Var ou l’ouest des Alpes-Maritimes, afin de mieux mailler le territoire pour que les déchets ne soient pas envoyés je ne sais où! Aujourd’hui, l’une des principales difficultés, c’est le foncier. Nous avons bien des terrains en vue, mais les règles pour accueillir un site de compostage sont contraignantes.

C’est pourquoi nous avons besoin du soutien de la préfecture du Var, qui connaît l’urgence territoriale en matière de gestion des déchets. Je veux d’ailleurs remercier Bernard Mouttet et Yves Palmieri, les maires de Cuers et La Farlède, de nous accueillir, alors que, politiquement, ce n’est pas facile à porter.

1. La loi antigaspillage pour une économie circulaire, qui instaure à partir du 1er janvier 2024l’obligation pour les collectivités de proposer à leurs administrés des solutions de tri des biodéchets alimentaires.