Au 10, rue des Sœurs, aucune enseigne accrocheuse ne vient troubler la quiétude des passants. Il n’y a guère que les deux petites lanternes rouges qui accrochent les regards, à côté du bar américain des Aviateurs – haut lieu de la vie des noctambules strasbourgeois. Seuls le bouche-à-oreille et la curiosité, piquée par une sobre plaque de laiton à l’inscription équivoque « Madame C, maison de plaisirs », invitent les plus téméraires à franchir le seuil de la porte.

L’entrée – qui donne sur le puits de lumière d’un élégant patio – donne le ton des lieux, résolument Belle époque. Tout a été soigneusement étudié pour plonger les visiteurs en dehors du temps et de l’agitation, dans cette maison bourgeoise bâtie en 1785 et rénovée avec goût, sous l’étroite surveillance de l’architecte des bâtiments de France, avec aussi des fouilles archéologiques. Résultat : après trois ans de travaux et de démarches administratives, « un nouveau lieu de vie ouvre enfin », glisse Franck Meunier , soulagé.

Avec un C comme cathédrale

Pour ce faire, l’entrepreneur (à la tête d’une douzaine de bars et restaurants à thème à Strasbourg et ailleurs) a dû investir lourdement et se montrer patient. Le lieu au nom un brin suggestif et provocateur – « Madame C, maison des plaisirs » – n’est pas ce que vous croyez. « On se trouve dans la rue des Sœurs, c’est le C du mot cathédrale évidemment », souligne, avec le regard qui pétille, le patron du bar, restaurant et hôtel. Sous-entendu : ce n’est en aucun cas celui d’une patronne de maison close parisienne devenue célèbre.

Les apparences – l’allusion aux lanternes rouges comme dans les quartiers rouges (les célèbres « red-light districts ») de certaines villes flamandes ou hollandaises – sont donc trompeuses. Ici, l’on vient se détendre pour profiter de plaisirs simples quoique sophistiqués, pour boire des cocktails originaux, manger un morceau (la carte est soignée et les cuisines sont neuves en sous-sol) et, pourquoi pas, profiter de l’atmosphère enveloppante de l’une des 12 superbes chambres – qui ont chacune une ambiance particulière – réparties autour du patio.

Un palmier, emblème de l’exotisme du lieu

Dorures raffinées, teintes rouge bordeaux, papiers peints exotiques, velours sur les sièges, photos anciennes et objets vintage parsèment les lieux qui peuvent accueillir une soixantaine de clients, sans compter les huit places dans le patio. Pour les clichés anciens, on notera une constante : le nu ou le déshabillé, version années 1930, avec des postures langoureuses, à faire rougir les âmes sensibles. On note aussi une chambre pour personnes à mobilité réduite et un ascenseur.

Pour le reste, au cœur du patio, un arbre totem déploie toute son envergure : le palmier, point culminant de l’exotisme végétal, tutoie les toits à près de dix mètres de haut. Deux jours ont été nécessaires à une équipe d’une douzaine de personnes pour hisser ce géant, dont la cime parvient à capter les dernières lueurs du soleil déclinant. Pile poil le moment de la détente, au cœur de cette « maison de plaisirs ».

« Madame C, maison de plaisirs » : bar à cocktails, restaurant et hôtel particulier (chambres de 190 à 290 €) au 10 rue des Sœurs à Strasbourg.