Du sol au plafond, ses toiles, sans châssis, tapissent entièrement la salle courbe, sous la verrière ensoleillée du Palais de Tokyo. Accrochées à touche-touche, elles se serrent et se chevauchent parfois, l’une débordant sans gêne sur l’autre. Des dizaines d’autres encore sont suspendues à des portiques. Comme du linge mis à sécher, celles-là flottent à l’air libre, sans mur pour les aplanir ni les afficher en majesté. Des toiles en enfilade, à la queue leu leu, à moitié vue seulement car si les premières (et les dernières) de la file ont une place de choix (elles sont pleinement visibles), les autres apparaissent à peine, dans les interstices. Elles attendront d’avoir tiré un meilleur numéro une autre fois.
Il y a encore moins bien loti. Des toiles n’ont pas trouvé place, ni sur les portiques, ni sur les murs, ni sur les espèces de trapèze d’où pendent certaines. Tout était pris. Dès lors, elles sont empilées à terre, les unes sur les autres, au milieu de l’exposition. Le tas (d’une trentaine de centimètres de haut) qui repose sur un petit socle, fait tapis de sol, sculpture couchée aussi bien que débarras.
Au vrai, toutes les toiles sont logées à la même enseigne. Elles font groupe et corps dans un exubérant continuum. Nulle n’a à se plaindre de cet accrochage foisonnant où elles folâtrent, buissonnent, moutonnent, dans un effet de groupe, qui revient à n’en mettre aucune au premier plan, et est en soi un miracle d’affranchissement. Vivian Suter se tient à des années-lumièr