DÉCRYPTAGE – Lewis Hamilton connaît des débuts compliqués avec Ferrari. Entre une voiture mal née, un coéquipier rapide et des difficultés d’adaptation, la tâche de l’Anglais n’est pas des plus aisées.

L’aventure chez Ferrari n’est pas simple, Fernando Alonso et Sebastian Vettel en savent quelque chose. Pour Lewis Hamilton, le début de la collaboration avec la Scuderia n’est pas non plus une partie de plaisir. Depuis le début de saison, le Britannique connaît des difficultés d’adaptation, un processus logique quand un pilote change d’équipe.

L’écart en qualifications avec son coéquipier Charles Leclerc est rarement inférieur à deux dixièmes de seconde, si ce n’est plus. Des circonstances atténuantes peuvent l’expliquer. Hamilton découvre encore le fonctionnement de l’écurie et sa monoplace. De plus, son voisin de garage est un excellent pilote de qualifications, ce qui place la barre encore plus haut.

Un coéquipier très rapide

Dans cet exercice, Leclerc mène sept à trois en ce début de saison. En course, la statistique fait encore plus mal pour le Britannique : 8-1, toujours en faveur de l’ancien pilote Sauber (au Canada, Hamilton a percuté une marmotte, ce qui a largement endommagé sa monoplace, son résultat moyen ne lui est donc pas imputé, d’autant qu’il était devant son coéquipier avant cet incident).

Le Monégasque connaît parfaitement l’équipe et son environnement. Il y est depuis 2019. On connaît son talent et sa rapidité, même si des erreurs lui coûtent cher chaque saison. C’est une raison de plus qui explique les difficultés d’adaptation d’Hamilton. Après douze ans chez Mercedes, il faut le temps de comprendre comment fonctionne cette nouvelle équipe si différente, à la passion inégalable. Les émotions prennent souvent le dessus chez Ferrari.

Mais le fait d’être devancé par son équipier n’est pas nouveau. En 2024, le septuple champion du monde a régulièrement été dominé par son compatriote George Russell dans cette épreuve chez les Flèches d’Argent.

Une voiture mal née

Difficulté supplémentaire à ajouter pour le multiple champion du monde, la monoplace qu’il pilote est mal née. À l’intersaison, en plus de devoir intégrer un nouveau pilote, Ferrari a vu les choses en grand, trop grand peut-être. Frédéric Vasseur, le patron de l’équipe, n’a eu de cesse de répéter qu’ils allaient modifier «99%» de la voiture comparée à sa prédécesseure. Une SF-24 qui avait pourtant terminé 2e du championnat, à 14 petits points du titre constructeurs obtenu par McLaren. Un choix technique qui paraissait donc surprenant et qui n’a pas payé.

Depuis les essais hivernaux de Bahreïn et surtout le Grand Prix inaugural en Australie, Leclerc et Hamilton ont compris qu’il serait très difficile de jouer le titre. Le principal problème de cette monoplace est sa capacité à tirer le meilleur des pneumatiques Pirelli en qualifications. Régulièrement cette saison, les Ferrari sont distancées par les autres «top team» et n’atteignent parfois même pas la Q3.

Les Williams se sont montrées très véloces dans cet exercice lors des premiers Grand Prix. La grille est tellement serrée depuis quelques saisons que la moindre erreur ou baisse de régime fait de suite perdre plusieurs positions. Hamilton l’a appris à ses dépens à Miami, en se classant seulement 12e le samedi. Même chose à domicile à Imola, même si Leclerc était juste devant à la 11e position.

De bons moments trop brefs

Seules éclaircies dans ce début d’année morose, les deux courses sprint qui ont eu lieu. Le Britannique a pris la pole en Chine et a transformé l’essai le lendemain pour s’imposer une première fois avec Ferrari. Une excellente performance qui n’a pas été suivie d’effets. Il ne se classait que 5e en qualifications quelques heures plus tard, à trois dixièmes du meilleur temps d’Oscar Piastri. À Miami, une très belle stratégie de l’équipe le propulsait sur la dernière marche du podium. Voici les deux seuls bons moments d’Hamilton chez Ferrari pour l’instant.

Face à la presse au Canada, le septuple champion du monde laissait sous-entendre que les performances de l’écurie n’allaient pas s’améliorer sans évolutions sur la monoplace. Les rumeurs autour de la potentielle éviction de Frédéric Vasseur ne risquent pas d’arranger la situation. La pression des «Tifosi» est telle qu’elle déstabilise le fonctionnement de l’équipe.

Sainz était aussi en difficulté… avant de se reprendre

À noter que Carlos Sainz Jr (remplacé chez Ferrari par Hamilton) a aussi connu des débuts compliqués dans sa nouvelle équipe : Williams. L’Espagnol était copieusement dominé par son coéquipier Alex Albon en tout début de saison. Il a même commis une erreur étonnante lors du tumultueux Grand Prix d’Australie, qui l’a contraint à l’abandon.

Mais petit à petit, Carlos Sainz Jr a fini par s’adapter à sa monoplace et s’il est encore assez loin de son voisin de garage en termes de points marqués (42 contre 13), la faute à une voiture moins performante, il arrive souvent à battre le Thaïlandais en qualifications.

Mais cette comparaison entre le Madrilène et Hamilton a des limites. De l’aveu même d’Albon, la Williams est bien plus facile à piloter et à régler que les années précédentes. La voiture de Grove est beaucoup plus stable. En outre, il y a forcément moins de pression chez Williams que chez Ferrari.

Hamilton est-il trop vieux ?

La question se pose et elle est plutôt légitime pour un pilote âgé de 40 ans. S’il n’y a pas de date de péremption à laquelle les coureurs deviennent moins bons, il est certain que plus le temps avance plus les efforts fournis pour rester au très haut niveau doivent être importants. Lewis Hamilton n’est certainement plus dans la meilleure partie de sa carrière mais il peut assurément être encore très performant, en témoigne sa belle saison 2023.

Le championnat est de plus en plus long et éprouvant pour les organismes de ces athlètes d’exception. Le Britannique est-il encore assez fort pour jouer le titre sur 24 courses ? Le seul moyen de répondre à cette question est probablement de le voir à l’œuvre avec une voiture qui peut gagner des courses à la régulière. Ce ne sera pas cette année, en 2026 peut-être si Ferrari réussit sa transition vers les nouvelles réglementations.

Une trajectoire à la Alonso ou à la Vettel ?

On peut s’essayer aux comparaisons avec des pilotes à la valeur certaine qui se sont retrouvés dans des situations similaires. Pour Hamilton, l’exemple à suivre serait Fernando Alonso, toujours affûté au volant de son Aston Martin à presque 44 ans. L’Espagnol attend depuis plus de dix ans de se voir confier une monoplace digne de ce nom. Il délivre toujours d’excellentes performances.

Sebastian Vettel n’a lui pas connu la même fin de carrière. Le quadruple champion du monde a baissé en régime à partir de la saison 2019. L’Allemand sortait de deux saisons de lutte éprouvantes face à… Lewis Hamilton pour le titre de champion du monde et deux échecs. Il a ensuite vu la nouvelle génération arriver et le remplacer chez Ferrari avec Charles Leclerc.

À ce déclassement s’est ajouté un certain manque de motivation en arrivant chez Aston Martin pour jouer au milieu du peloton. Cerise sur le gâteau, l’incompatibilité grandissante entre la Formule 1 et les idéaux environnementaux de Vettel. Tous ces éléments l’ont poussé à prendre sa retraite fin 2022, à 35 ans. Ces deux exemples sont très opposés et le cas de Lewis Hamilton se situe probablement quelque part entre ceux de ses deux anciens rivaux.

Des difficultés liées à cette génération de F1

Un problème qui n’est pas souvent relevé lorsque les difficultés d’Hamilton sont évoquées est son adaptation aux monoplaces de la génération 2022. Ces voitures sont totalement différentes de celles avec lesquelles le Britannique a remporté tant de victoires et de titres. Le principal changement réside dans l’effet de sol. L’air passe sous la Formule 1 et la plaque très proche de l’asphalte grâce à un travail aérodynamique effectué sous son plancher.

Cette divergence n’est pas anodine. Le comportement de ces modèles de monoplaces n’est pas le même que celui de la génération précédente, ce qui a beaucoup perturbé Hamilton. Il a développé un manque chronique de performance en qualifications, ne parvenant pas à extraire tout le potentiel de sa Mercedes et maintenant de sa Ferrari.

En 2026, un nouveau règlement va à nouveau tout bouleverser. Les monoplaces seront totalement différentes des voitures actuelles, ce qui plonge équipes et pilotes dans l’incertitude. Lewis Hamilton pourrait bien réussir à très bien s’adapter à ces modèles. L’avenir nous le dira. La saison 2026 de Formule 1 débutera le 8 mars à Melbourne.