Convocations en série dans l’affaire des présumées « prises illégales d’intérêt » du couple Tenoudji-Estrosi.
Ce lundi, l’ensemble des protagonistes de ce dossier à tiroirs, instruit par la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille (JIRS), vont être appelés à s’expliquer. C’est d’ailleurs dans la cité phocéenne que Delphine Ernotte, la patronne de France Télévisions, et plusieurs de ses collaborateurs au sein de la chaîne ont été convoqués, comme le révèle Médiapart.
Selon nos informations, le maire de Nice, Christian Estrosi, et son épouse, l’animatrice Laura Tenoudji, devraient quant à eux être entendus par les enquêteurs de la brigade de recherche de Fréjus.
C’est ce service de la gendarmerie qui s’est vu confier, au début de l’année dernière, les investigations sur deux dossiers sensibles: l’édition 2023 du Nice Climate Summit et l’organisation dans la capitale azuréenne du 24e concours de l’Eurovision junior en novembre de cette même année. Deux manifestations au programme desquelles le nom de Laura Tenoudji-Estrosi apparaissait. La journaliste devait animer deux tables rondes du Nice Climate Summit, avant d’y renoncer face à la polémique soulevée par cette participation. Et le 20 novembre 2023, la chroniqueuse web de l’émission Télématin avait coanimé la cérémonie d’ouverture de l’Eurovision junior organisée au Negresco… Dans la ville administrée par son époux. Et alors que des subventions avaient été allouées à ces deux événements par les collectivités publiques présidées par Christian Estrosi.
Deux signalements et une même enquête
De quoi déclencher l’ire des élus d’opposition. Sans même attendre le début du Nice Climate Summit, à la veille de l’édition 2023 (qui s’est tenue les 28 et 29 septembre), trois conseillers municipaux du groupe Écologiste avaient adressé un signalement au procureur de la République de Nice. Eux-mêmes ont été auditionnés à Fréjus. Le parquet, saisi par ailleurs par un fonctionnaire territorial, au titre de l’article 40, d’un autre signalement concernant cette fois l’Eurovision Junior, avait finalement décidé d’ouvrir une enquête préliminaire pour « prise illégale d’intérêt » et de joindre les deux dossiers.
C’est donc la JIRS de Marseille qui en a hérité. Cette juridiction avait déjà conduit, par deux fois, des perquisitions en novembre 2024 puis, plus récemment en avril dernier. À la fois en mairie et au siège de France Télévisions pour la dernière. Le dossier s’est encore accéléré ces dernières semaines au cours desquelles, selon une source proche du dossier, plusieurs auditions auraient déjà été réalisées. L’enquête devrait rentrer ce lundi dans une phase cruciale avec la convocation du couple Tenoudji-Estrosi, de Delphine Ernotte et de leurs principaux collaborateurs. Une dizaine de personnes seraient concernées par ce rendez-vous judiciaire réparti géographiquement entre Marseille, Fréjus et Nice. Tous ont été priés de venir s’expliquer.
« Ridicule » pour Laura Tenudji-Estrosi
Certaines des personnes mises en cause par ces signalements ont déjà réagi publiquement. À commencer par le couple Tenoudji-Estrosi. Le maire de Nice avait immédiatement répliqué à ces attaques, qu’il juge « politiques », en déposant plainte pour « dénonciations calomnieuses » contre les trois élus de son opposition qui, les premiers, avaient saisi le parquet. Quant à son épouse, Laura Tenoudji, elle avait qualifié ces accusations de « ridicules » dans une interview accordée à Nice-Matin en décembre 2023.
La chroniqueuse de Télématin expliquait alors n’avoir tiré aucun profit personnel de ces deux manifestations. « S’agissant du Nice Climate Summit, déclarait-elle à l’époque, La Tribune [co-organisateur du sommet, NDLR] m’a demandé d’animer deux tables rondes. Parce que j’avais déjà collaboré avec ce journal, que c’était à Nice et que j’étais dans mon écosystème, à savoir tout ce qui touche à l’innovation et à l’environnement. Mais c’était à titre bénévole! Il ne pouvait donc y avoir le moindre conflit d’intérêts ».
Pas plus d’ailleurs pour la co-animation de l’Eurovision Junior diffusée par France Télévisions dont elle est salariée depuis « plus de 20 ans ». C’est à ce titre que son employeur l’aurait sollicité « trois semaines avant » pour qu’elle participe à l’émission. « Je ne vois pas comment j’aurais pu refuser, rétorquait à l’occasion de cet entretien la journaliste. C’était dans le cadre de mon travail. Il n’y a pas eu d’avenant à mon contrat. Et d’ailleurs, à l’époque, toutes les vérifications avaient été faites par France Télévision pour s’assurer qu’il n’y ait justement pas de conflit d’intérêts. »
Les gendarmes de la BR de Fréjus et le parquet de la JIRS de Marseille ont manifestement l’intention de faire leurs propres « vérifications ». Et cela passe par la convocation, l’audition et peut-être même le placement en garde à vue de l’ensemble des acteurs de ce dossier judiciaire. Contactée, la mairie de Nice, n’a pas souhaité faire de commentaire, estimant que « la loi impose le respect du secret de l’enquête nécessaire à la sérénité des investigations, qui serait compromise par toute forme d’instrumentalisation politique ».