L’ancienne demeure du peintre ouvre pour la première fois au public ce 28 juin, dans le cadre de l’année Cezanne à Aix-en-Provence. Sa restauration a révélé des œuvres inédites qui éclairent d’un jour nouveau la vie et le travail de l’artiste. Un film à découvrir sur la plateforme France.tv.

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S’il est un lieu où Paul Cezanne a construit son oeuvre plus qu’ailleurs, c’est au Jas de Bouffan. Durant quarante ans, entre 1859 et 1899, la bastide familiale sera son refuge, son atelier, sa muse. « Un port d’attache très fort pour lui » résume Bruno Ely, directeur du musée Granet.

Il y grandit, entouré de ses parents et de ses soeurs, et y réalise ses premières oeuvres. Il y reviendra souvent, au gré de ses mésaventures et désillusions d’artiste. Et dans ce lieu, il va expérimenter et inventer une nouvelle façon de peindre. 

Ce décor familier a été pendant 40 ans un refuge, un atelier et une source d’inspiration pour l’artiste

Ce décor familier a été pendant 40 ans un refuge, un atelier et une source d’inspiration pour l’artiste

© Maxime Giacometti

Cezanne, jeune artiste, s’approprie lentement chaque recoin du domaine. Ce n’est qu’avec l’expérience impressionniste qu’il va développer les thèmes des motifs du Jas, jusqu’à sa période de maturité au début des années 1880.

C’est ici, dans ce havre de tranquillité, qu’il dépeint pour la première fois la majestueuse Sainte-Victoire, marquant ainsi le début de sa quête inlassable pour capturer l’essence du paysage provençal. 

L’allée de marronniers, le bassin entouré de statues, la ferme attenante et bien sûr la bastide elle-même… Chaque élément de ce décor familier devient une source d’inspiration, immortalisé sur la toile par son pinceau.

C’est encore au Jas de Bouffan, à différentes périodes, qu’il signe des portraits de membres de sa famille ou de ses amis, comme Emile Zola. Plus tard, Les joueurs de cartes ou Les paysans, en tant que sujets, vont trouver place dans le grand salon du rez-de-chaussée, où l’artiste réalise aussi d’immenses panneaux muraux.

En 1899, après la mort de sa mère, le domaine est vendu, marquant la fin d’une époque. Pourtant, l’esprit de Cezanne ne quittera jamais tout à fait les lieux. Plus d’un siècle plus tard, la bastide, classée monument historique, révèle peu à peu ses secrets.

C’est ce que raconte le documentaire de Maxime Giacometti. Durant plusieurs mois, le réalisateur a suivi les travaux de restauration, aux côtés de passionnés, experts, familiers de l’artiste et spécialistes du patrimoine.

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Extrait du documentaire « Cezanne et les secrets du Jas de Bouffan » réalisé par Maxime Giacometti

©Mars Production / Maydia Production / FTV

En 2018, la ville d’Aix-en-Provence devient propriétaire du Jas de Bouffan. Très vite des études sont lancées : les murs, le sol et le plafond sont inspectés, sondés, analysés. « On a, comme en archéologie, des couches stratigraphiques et puis, progressivement on a des couches qui se superposent et qui nous indiquent les projets décoratifs des différentes familles qui se sont succédé » explique Pierre Laforest, l’administrateur des sites cezanniens.

On a l’impression de découvrir quelque chose à chaque fois, l’impression d’être au début d’une aventure formidable.

Antoinette Sinigaglia, restauratrice de peintures murales, fait partie des scientifiques qui ont fait les premiers prélèvements et les premières découvertes. « En 2019, lors de la toute première étude, on a commencé à penser que des éléments des peintures figuratives déposées étaient encore en place » se souvient-elle.

En 2023, coup d’accélérateur avec une découverte qui surprend tout le monde : dans le grand salon, une trace de pinceau, qui ne peut être que de Cezanne. Et dissimulés sous les couches de plâtre, quelques mâts, des habitations, un ciel… Des fragments d’un inédit du peintre ! Un paysage portuaire dont personne ne connaissait l’existence.

Pour Bruno Ely, directeur du musée Granet, la découverte de cette peinture de jeunesse est très importante : « quand on connaît Cezanne et l’œuvre de maturité de Cezanne, on ne s’attend pas à voir ce type de peinture, mais c’est un morceau de Cezanne qui est resté en place dans le grand salon, grand salon qui va compter pour Cezanne, parce que c’est à la fois son premier atelier, dans lequel il travaille assez librement, et un laboratoire. »

Parmi les autres trouvailles, le film évoque aussi ces motifs floraux retrouvés au mur, dans une autre pièce. Ils rappellent étrangement ceux d’un tableau de Cezanne, La femme à la cafetière. « Des spécialistes sont en train de se poser la question, mais en tout cas, les études révèlent qu’il y a une forme de convergence entre le motif de papier peint, la porte de placard, la lumière, la pièce… Tout semble indiquer que ce modèle a peut-être posé ici, dans ces lieux » rapporte Pierre Laforest.

Ces découvertes ne sont pas seulement des trésors cachés, ce sont aussi des informations capitales pour reconstituer l’histoire du peintre et de la bastide et enrichir la compréhension de son génie.

Une restauration qui redonne vie à chaque fragment de peinture, chaque détail architectural

Une restauration qui redonne vie à chaque fragment de peinture, chaque détail architectural

© Maxime Giacometti

Parallèlement au Jas de Bouffan, le film nous emmène dans les coulisses du musée Granet où se prépare une exposition internationale exceptionnelle : du 28 juin au 12 octobre, le musée présentera plus de 130 œuvres de Cezanne, venues du monde entier, prêtées par des musées prestigieux et des collectionneurs privés. 

Quand on a commencé, on n’imaginait pas avoir une exposition de 130 œuvres. Bien sûr c’était un rêve, mais on n’imaginait pas pouvoir le réaliser aussi bien.

Virginie Lagane, Chef du service des expositions et des publics

Toute une équipe de passionnés orchestre le transfert et l’installation des tableaux. Un vrai tour de force, car ces chefs d’œuvre, qui représentent des centaines de millions d’euros, sont rarement prêtés. Les négociations peuvent durer des mois, chaque détail est minutieusement étudié. 

La quête s’apparente parfois à une véritable chasse au trésor. C’est le cas de certaines fresques murales du Jas de Bouffan : en 1912, les nouveaux propriétaires les décollent et les découpent pour les revendre. Vingt-trois morceaux disparaissent ainsi dans la nature ! Que sont-ils devenus ? ‘ »Cela fait des dizaines d’années que la société Paul Cezanne, Bruno Ely, Denis Coutagne et toute cette communauté scientifique cherchent à retrouver l’endroit où sont ces tableaux » souligne Virginie Lagane.

Pour l’une des fresques – le panneau au baigneur – la ténacité a fini par payer. Après deux ans d’investigation, des milliers de coups de fil et de mails, l’équipe a pu localiser le troisième et dernier morceau chez un collectionneur, en décembre 2024. L’intégralité du panneau sera ainsi présentée lors de cette grande exposition.

Accrochage de l'exposition Paul Cezanne au musée Granet le 11 juin 2025 : l'état des peintures est minutieusement étudié avant l'accrochage

Accrochage de l’exposition Paul Cezanne au musée Granet le 11 juin 2025 : l’état des peintures est minutieusement étudié avant l’accrochage

© NICOLAS VALLAURI / MAXPPP

Tous ces événements mettent en lumière le lien intime de Cezanne avec sa ville natale. L’artiste est désormais largement célébré dans la cité aixoise et les prochains mois le mettront encore davantage à l’honneur.

Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas. Comme le rappelle le film, non seulement la reconnaissance du grand peintre a été posthume, mais pendant très longtemps on ne trouvait ici aucune trace de lui ni de ses tableaux.

En réalité, le « retour » de Cezanne à Aix-en-Provence a été le fruit d’un combat de longue haleine mené par quelques passionnés, tels que Denis Coutagne, ancien directeur du musée Granet, Bruno Ely ou Philippe Cezanne, l’arrière-petit-fils du peintre.

Ce dernier raconte d’ailleurs avec amusement l’anecdote d’un journaliste critique d’art, en visite au musée Granet dans les années 50 : « Quand il demande où il peut voir des Cezanne, on lui répond : vous vous moquez du monde, qui c’est ce mec ? Cezanne, connais pas ! Il était un peu surpris quand même… « 

>> Retrouvez sur france.tv le film « Cezanne et les secrets du Jas de Bouffan » de Maxime Giacometti, une coproduction France Télévisions, Mars Production, Maydia Production.

>> Suivez notre émission spéciale Cezanne dimanche 29 juin à 12h55 sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur