La cour administrative d’appel de Nantes a condamné mardi 24 juin 2025 l’État à indemniser les proches d’un joggeur décédé en 2016 dans une vasière envahie d’algues vertes à l’embouchure du Gouessant (Côtes-d’Armor).
Responsabilité de l’État
La cour retient la responsabilité pour faute de l’État, en raison de ses carences dans la mise en œuvre de la réglementation européenne et nationale destinée à protéger les eaux de toute pollution d’origine agricole qui est la cause principale de la prolifération des algues vertes en Bretagne, explique-t-elle dans un communiqué.
En novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes avait rejeté en bloc les demandes d’indemnisation de la famille, le rapporteur public ayant estimé que lien de causalité entre la présence des algues et le décès du joggeur ne (pouvait) être établi, ni la responsabilité de l’État.
Insuffisance respiratoire brutale
La cour administrative d’appel de Nantes a condamné mardi 24 juin 2025 l’État à indemniser les proches d’un joggeur décédé en 2016 dans une vasière envahie d’algues vertes à l’embouchure du Gouessant (Côtes-d’Armor). archives
M. Auffray est décédé d’une insuffisance respiratoire brutale qui aurait pu être due à une exposition aux algues vertes ou à un arrêt cardiaque, avait-il déclaré.
Ses proches avaient alors fait appel du jugement en demandant uniquement la condamnation de l’État à les indemniser, rappelle la cour dans son communiqué.
La cour estime, en se fondant notamment sur plusieurs pièces qui n’avaient pas été présentées au tribunal administratif de Rennes, que le décès de la victime, âgée de 50 ans, qui est survenu instantanément et a été causé par un œdème pulmonaire massif et fulgurant, ne pouvait s’expliquer autrement que par une intoxication mortelle par inhalation d’hydrogène sulfuré à des taux de concentration très élevés, explique-t-elle.
« L’État doit plus que jamais agir efficacement »
Pour la première fois, une juridiction française retient le lien entre le décès d’une personne et la faute de l’État dans ces affaires d’algues vertes, a salué l’avocat de la famille, Me François Lafforgue, après de l’AFP. L’État doit plus que jamais agir efficacement, a-t-il ajouté.
Le préjudice subi par les proches du défunt sera partiellement indemnisé, la cour estimant que le quinquagénaire avait pris un risque en allant courir dans cet estuaire.
Elle juge en conséquence que l’État est responsable à hauteur de 60 % seulement des conséquences dommageables du décès.
L’État devra verser à l’épouse du joggeur la somme de 277 343,00 €, assortie d’intérêts, aux trois enfants de la victime 15 000 € chacun et 9 000 € à son frère. Contacté par l’AFP, le ministère de la Transition écologique n’a pas souhaité réagir à ce stade. Le préfet des Côtes d’Armor « prend acte de la décision de justice », a-t-il fait savoir.
Scandale sanitaire
Nous sommes très contents et très émus, on est aussi surpris, a réagi la femme de la victime, Roswitha Hertel-Auffray, auprès de l’AFP. C’est une victoire collective de ceux qui ont combattu avec nous, a poursuivi Mme Hertel-Auffray. On espère que ça va faire bouger un peu les lignes maintenant, a-t-elle ajouté.
Le préjudice subi par les proches du défunt sera partiellement indemnisé, à hauteur de 60 %, la cour estimant que le quinquagénaire avait pris un risque en allant courir dans cet estuaire. En plein débat sur la loi Duplomb […], cette décision de justice vient rappeler à nos élus […] que c’est bien le modèle productiviste agricole qui s’oppose au développement de la Bretagne, a réagi Arnaud Clugery, porte-parole de l’association Eau et Rivières de Bretagne, dans un communiqué.
Face à cette crise environnementale doublée d’un scandale sanitaire, il est impératif d’ouvrir une commission d’enquête indépendante, a réclamé la députée LFI des Côtes d’Armor Murielle Lepvraud.
Depuis 1971, des tonnes d’algues vertes s’échouent chaque année sur les plages bretonnes. Selon la Cour des comptes en 2021, cette prolifération d’algues vertes est à plus de 90 % d’origine agricole dans cette région où le recours aux engrais azotés a fortement progressé depuis les années 1960, et qui compte aujourd’hui 140 000 emplois dans l’agroalimentaire. Dans l’estuaire de Gouessant, rien n’a changé, affirment les associations Défense des Victimes des Marées Vertes, Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre et Force 5.