L’heure de l’Europe a-t-elle sonné ? Les investisseurs internationaux ont retrouvé le chemin du Vieux Continent. Et sept pays de l’Union européenne, dont la France, ­l’Allemagne et l’Espagne, ont lancé le label « Finance Europe ». Objectif  : orienter l’épargne des ménages vers les entreprises européennes. Cette initiative marque une nouvelle étape vers une meilleure intégration des marchés financiers du continent. Parallèlement, un projet de label européen pour l’investissement dans la défense a été discuté, mais sans succès… pour le moment. La France, prenant les devants, a décidé de lancer un fonds national spécifique, baptisé « BPIfrance Défense », attendu courant 2025.

Ces projets illustrent une volonté de faire émerger une épargne à l’échelle européenne. Mais cette ambition se heurte depuis longtemps à une réalité complexe : l’impossibilité d’harmoniser fiscalité et réglementation entre les pays membres. En l’absence de solutions concrètes, des escroqueries se sont multipliées, comme le faux « livret d’épargne européen » promettant un taux alléchant de plus de 7 %. Derrière cette façade séduisante, une arnaque, diffusée massivement sur les réseaux sociaux, qui a piégé de nombreux épargnants français.

Ces derniers n’ont en réalité pas grand-chose à gagner d’une harmonisation des placements européens, car le système d’épargne français est déjà le plus complet d’Europe. Le livret A, souvent critiqué pour son rendement, est pourtant une exception nationale : liquidité totale, exonération d’impôts et de prélèvements sociaux, capital garanti. La Belgique est le seul autre pays à proposer un produit réglementé comparable, quoique moins avantageux : le compte d’épargne de catégorie A. Ailleurs, les ménages doivent se contenter de livrets faiblement rémunérés ou de comptes à terme souvent bloqués… et fiscalisés.

Autre singularité française : l’assurance-­vie. C’est le placement préféré des Français, et pour cause. Elle allie liberté de versement et de retrait, choix entre supports sécurisés ou dynamiques, fiscalité allégée après huit ans. En Allemagne, la Lebensversicherung est bloquée au minimum douze ans, et le fonds garanti n’est accessible que sur les contrats monosupports, et non les multisupports. Le seguro de vida ahorro espagnol ou les assurances de branche 21 et 23 belges autorisent les retraits, mais n’offrent ni fonds en euros ni avantage fiscal équivalent à celui du modèle français.

Même constat pour le plan d’épargne retraite, créé en 2019 et directement inspiré de l’assurance-vie, avec en plus une déduction fiscale à l’entrée contre un blocage jusqu’à la retraite. En Allemagne ou en Italie, les produits comparables sont moins souples : sortie uniquement en rente, plafond fiscal réduit, choix de supports plus restreint. En Espagne et en Belgique, les règles de sortie sont aussi plus contraignantes et les incitations fiscales moins généreuses.

Enfin, alors que les Français ne sont pas réputés pour leurs investissements en Bourse, ils ont pourtant avec le PEA une enveloppe attractive et avec peu d’équivalents au niveau européen. L’Allemagne manque d’incitation fiscale, la Belgique d’un cadre spécifique, tandis qu’en Italie ou en Espagne les produits existants sont fortement encadrés. L’épargne et les incitations fiscales à l’épargne : voilà des sujets sur lesquels la France pourrait servir de modèle pour l’Europe  !