À 35 ans, il a consulté son médecin généraliste parce qu’il avait des reflux gastriques après les repas. Autant dire une broutille, presque rien. Sinon, tout allait bien. Yann en pleine force de l’âge, vie équilibrée, alimentation correcte, plutôt sportif. Normal. « Tout a basculé parce qu’un jour, je n’arrivais plus à avaler, la nourriture est restée coincée et j’ai dû filer aux urgences, se souvient-il. J’ai subi quelques examens, scanner, IRM. Le diagnostic est tombé, cancer de la tête du pancréas avancé, à un stade métastatique qui s’était propagé au foie. Un coup de massue. » Tout de suite il sait, il sait parce qu’il veut savoir, se renseigne, questionne.

Ses chances de guérison sont proches de zéro : « 2 % de taux de survie à cinq ans et aucune option curative, que du palliatif, pour moins souffrir. » Il a 35 ans et toute sa vie devant lui. Yann Bizien va accepter toutes les thérapies proposées, comme un bon soldat. « Après une chirurgie basique pour me permettre de continuer à m’alimenter normalement, j’ai enchaîné sur les protocoles de chimiothérapie, un cycle de 12 séances. Des doses maximales. J’avais du mal à encaisser, les effets secondaires étaient lourds, épuisants, délabrants. »

« Les deux ou trois premiers mois, il ne se passait rien, comme si la chimio n’avait aucun effet positif sur la progression de la maladie. Au bout de quatre mois, il s’est passé quelque chose : tous les marqueurs du cancer ont commencé à régresser. Au fur et à mesure que je subissais des examens d’imagerie, IRM ou scanner, on voyait bien que la tumeur diminuait. Au niveau sanguin aussi, tout semblait régresser. Au bout de six mois, l’imagerie ne montrait plus rien, il ne restait rien de la tumeur, enfin, je veux dire rien de visible. »

Rémittence… rémission, et après ?

Au bout des six mois, Yann semble se redresser, il va mieux. On parle alors d’une rémittence de sa maladie, sans s’emballer, rien n’est gagné pour autant. Pendant quatre ans, Yann va se contenter d’une chimio dite « d’entretien », histoire de contenir le cancer. Il est suivi de près, subi des examens très réguliers, imagerie, analyses de sang. Ce sont ces dernières qui, un jour, montrent un petit souci. Un doute. « L’hôpital Foch qui me suivait à Suresnes a multiplié les examens, puis il était évident que la maladie avait repris du poil de la bête, précise Yann. Il fallait opérer, une opération risquée, mais indispensable. J’ai subi un cycle de chimio puissante avant l’opération, une intervention de huit heures : opérer le pancréas est risqué. Les suites opératoires ont été épuisantes, très. J’ai mis beaucoup de temps à émerger. »

« Il a fallu que je subisse une autre série de chimio. Mais ce furent mes ultimes traitements, car depuis, ma santé est remontée en flèche. Les images ne montrent rien d’anormal, ni les analyses sanguines. Je suis encore très suivi par l’équipe d’oncologues de Suresnes, mais je vais bien depuis cette opération, fin 2022. « Yann a accepté de rejoindre la cohorte des 1 000 survivants, mieux encore, il a pris la tête du comité des patients afin d’intégrer leur parole de témoins, au cœur du projet de recherche. « L’approche est formidable, scientifique, validée et donne du sens à ma guérison, même si ce mot est encore tabou. »