Par quel miracle, des patients promis à une fin quasi programmée ont-ils survécu ? Pour les scientifiques, oncologues, biologistes, pathologistes, experts des tissus, le miracle n’existe pas. Pour la première fois, des équipes de chercheurs pluridisciplinaires ont décidé d’analyser les processus thérapeutiques et physiologiques qui ont conduit à la guérison de ceux qu’ils nomment « des survivants exceptionnels » de cancers réputés incurables.
Et, aussi incroyable que cela puisse paraître, ce projet de recherche mené à l’international est totalement disruptif. Les chercheurs ont pris le problème à l’envers. À l’origine, la biotech Cure51, installée à Paris, entame en 2023 l’étude Rosalind, dont l’ambition est de décrypter les mécanismes biologiques des « super-répondeurs », ces patients qui ont défié tous les mauvais pronostics en survivant à des cancers agressifs, celui du poumon à petites cellules, le glioblastome et le cancer du pancréas métastatique. Cure51 s’est associé à Explicyte, laboratoire en oncologie de précision installé au cœur de l’Institut Bergonié, centre régional de lutte contre le cancer à Bordeaux.
L’équipe de Cure 51 avec les Bordelais d’Explicyte, au complet, pour le projet de recherche sur les mécanismes des survivants exceptionnels du cancer
CURE 51
Explicyte et son équipe de 25 salariés – docteurs en biologie, pathologistes, oncologues médicaux, bio-informaticiens, techniciens – se révèlent les champions européens en termes de recherche préclinique translationnelle et participent au développement des nouvelles immunothérapies anticancéreuses depuis dix ans. Incontournables. À la tête de cette entreprise, Alban Bessède, docteur en immunologie : « Nous avons été soutenus sur le plan régional pour monter notre société ici. Nous disposons d’une expertise hors du commun, mais aussi d’une plateforme technologique de dernière génération qui permet de déchiffrer des tumeurs avec la plus grande résolution possible. Nous sommes arrivés à un stade assez fou, ce sera difficile d’aller plus loin. Et donc, ces travaux génèrent de plus en plus de données, qu’il faut interpréter afin de mieux comprendre et proposer de nouvelles pistes pour mieux soigner. »
Cartographier chaque cellule
Tandis que Cure51 se chargeait de constituer un réseau mondial unique auprès de 100 centres de lutte contre le cancer pour collecter échantillons tumoraux et données cliniques afin de créer une base de données exceptionnelle, Explicyte a été recruté en raison de sa parfaite maîtrise des outils spatiaux 10x Genomics. Cure51 a sélectionné 1 000 survivants exceptionnels dans 40 pays avec leur accord, et Explicyte se charge d’analyser les tumeurs de ces patients guéris pour en comprendre la biologie.
Nicolas Wolikow et Simon Istolainen, les cofondateurs de Cure51 à Paris, proposent, disent-ils, « de l’ingénierie inverse pour guérir le cancer : en combinant technologie, données et expertise en biologie computationnelle, nous cherchons à révéler les secrets biologiques des survivants afin de développer des thérapies nouvelles ».
« Nous cherchons à révéler les secrets biologiques des survivants, afin de développer des thérapies nouvelles »
À Bordeaux, l’équipe d’Alban Bessède s’enthousiasme : « Ici, nous arrivons à isoler toutes les cellules de la tumeur de chaque patient sauvé et, sur chacune, nous avons l’information de 18 000 gènes. L’objectif sera de cartographier chaque cellule. Nous allons aussi comprendre désormais l’interaction entre les différentes cellules, ce qui nous donnera des pistes supplémentaires sur les mécanismes en jeu dans la programmation tumorale. Cure51 nous envoie les échantillons de tumeurs issues de biopsie des patients survivants, avant tout traitement. Ils sont ensuite analysés dans notre plateforme, décryptés au plus pointu. »
Des traitements de rupture
Si le projet de Cure51 a suscité une levée de fonds exceptionnelle, c’est qu’elle bénéficie déjà d’une solide reconnaissance. En effet, la société collabore avec des entrepreneurs expérimentés et cinq centres d’oncologie de renommée mondiale : Gustave-Roussy à Paris, le centre Léon-Bérard à Lyon, l’hôpital de la Charité à Berlin, et l’institut d’oncologie Vall d’Hebron à Barcelone. Même reconnaissance internationale pour Explicyte à Bordeaux, qui a cosigné depuis cinq ans plus de 30 publications scientifiques sur les mécanismes de réponses aux immunothérapies. Il allait de soi que ces deux travaillent ensemble afin de développer des traitements dits de rupture. « Le cancer doit être vaincu » est leur devise.