Inauguré ce vendredi au CHPF, le Tep-scan porte les espoirs de diagnostic précoce et de traitement au fenua des malades du cancer, et aussi les espoirs d’économies sur les dépenses de santé. Mais il ne peut être appliqué qu’au seul cancer de la prostate tant que le cyclotron n’est pas installé. Pas avant 2026, si tout se déroule comme prévu et que le service de médecine isotopique est installé dans ses nouveaux locaux.
Le Tep-scan du CHPF, attendu depuis 2017, a été inauguré ce vendredi. C’est un premier pas dans la mise à niveau de la lutte contre le cancer au fenua : cet appareil ultra-moderne d’imagerie médicale nucléaire permet de détecter les cancers de manière extrêmement précise. On utilise aussi l’expressioln « imagerie moléculaire » pour décrire le ciblage que fait un Tep-scan, explique le Dr Olivier Couturier, responsable du service de médecine isotopique au CHPF : « S’il y a une seule révolution de la médecine au XXIe siècle à retenir, c’est la biologie moléculaire. Ça a déjà tout changé, ça change les traitements, et ça change aussi la façon de faire les diagnostics. On est dans l’infiniment petit, et donc on peut voir des images de façon très performante et sensible parce que la lumière qu’on va émettre est suffisamment forte pour qu’elle puisse se voir même si la lésion est toute petite. »
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Mais, pour l’instant, cette machine de 250 millions de Fcfp ne peut pas tourner à pleine puissance. Car le CHPF ne dispose actuellement que d’un seul isotope, le gallium – le marqueur radioactif qui fait ressortir les cancers de la prostate. Les isotopes ont une faible durée de vie, trop courte pour les importer. Si bien que sans le cyclotron, cet accélérateur de particules qui peut produire les marqueurs d’autres cancers, le Tep-scan est un peu comme « une voiture sans moteur, dit le médecin. Je ne le dis pas pour faire polémique, mais on est limité. Je le dis pour que les patients n’attendent pas de nous qu’on puisse répondre tout de suite à la prise en charge du cancer du sein, de l’endomètre, du poumon… »
Pas avant fin 2026 pour donner toute sa mesure
Ce cyclotron, dit le ministre de la Santé Cédric Mercadal, sera commandé l’année prochaine, mais il ne s’aventure pas à donner de date de livraison ou d’installation dans les nouveaux locaux. Entre le Covid, les assurances données par Emmanuel Macron lors de sa visite en 2021, les péripéties stratégiques et financières du plan cancer et de la convention santé État-Pays, les difficultés techniques et juridiques autour du bâtiment en travaux et livrable, paraît-il, fin 2026, Hippocrate a de quoi se retourner dans sa tombe. Sans compter que le matériel ne fait pas tout. Un tel service hospitalier, ce sont » des médecins nucléaires, une denrée rare dans le monde de la médecine, dit le ministre, des ingénieurs nucléaires, des pharmaciens nucléaires, des manipulateurs radio formés… » et si la création d’une fonction publique hospitalière avance au même rythme, quand les trouvera-t-on ?
Le Dr Couturier, lui, est pressé : il est urgent de sortir le service de médecine isotopique de locaux « aussi étriqués, parce que là on n’a que 400 patients prévus par année. Le jour où il y aura un cyclotron, c’est 4 000 patients. Ce service n’a jamais été conçu pour accueillir le TEP, c’est une solution d’attente qui permet de démarrer. »
« On a quand même de quoi bosser, dit le Dr Couturier qui rappelle que le cancer de la prostate est le deuxième cancer le plus fréquent en Polynésie après le cancer du sein. En 15 jours, on a fait autant d’examens que la Polynésie n’en demandait en une année, soit 40 patients. Et donc on a détecté d’emblée des récidives chez des patients qui avaient eu scanner, IRM, scintillographie osseuse, à de multiples reprises. Et donc l’impact sur la prise en charge des patients est énorme. »
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Vincent Dupont, le directeur adjoint de la CPS, estime que pour les seuls examens de la prostate, ce sont 90 évasans annuelles vers la Nouvelle-Zélande qui peuvent être évitées. La Polynésie est à présent le seul territoire français du Pacifique à disposer d’un tel appareil.
Le Tep-Scan n’est pas seulement un outil de diagnostic, c’est aussi un outil de thérapie. De la même façon qu’un marqueur peut être ciblé sur une zone cancéreuse, on peut y envoyer un traitement, comme la radiothérapie interne vectorisée. Le Dr Julien Reichart, lui, va donc partir en Australie se former « pour apporter cette innovation dans le pays. » Il part « dans la meilleure boutique du monde, dit le Dr Couturier, le Peter MacCallum Cancer Center à Melbourne, avec le Professeur Michael Hoffmann. » Dans les cancers diffus, « on ne peut pas irradier un patient de la tête aux pieds, parce qu’on va le tuer. Or avec la thérapie vectorisée, on n’irradie que les cellules cancéreuses. »
« Là, c’est à l’échelle cellulaire, reprend le Dr Reichart, et les rayons ne vont pas forcément traverser les cellules saines, les tissus sains, et le lutétium, l’atome radioactif dont on a augmenté la puissance, ça va permettre d’irradier directement les cellules cancéreuses qu’on doit détruire. Et du coup limiter les effets secondaires, et sauver des patients très avancés. »
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