« Ceux qui préféraient la route fermée sont libres de ne pas l’emprunter! » La punchline est signée Kevin Luciano, maire de Vallauris-Golfe-Juan, excédé par la vague de critiques, de moqueries et de commentaires agacés qui ont déferlé sur les réseaux sociaux.

En ligne de mire: un imposant « ouvrage d’art » fraîchement installé entre Golfe-Juan et Juan-les-Pins, là même où la circulation alternée durait déjà depuis dix mois. Ce week-end, l’engin faisait jaser, notamment sur TikTok: « Pov [1]: tu vois le plus gros dos d’âne que tu as jamais vu de ta vie. » La vidéo cartonne, avec déjà plus de 126.000 likes et 35.000 partages en quelques heures.

« Ce n’est pas un dos-d’âne! »

Plus sérieusement, l’Action collective contre les ralentisseurs dangereux à Grasse a réagi vertement sous le post Facebook du maire: « Là, on est dans le grand n’importe quoi. Il y a mise en danger de la vie d’autrui avec cette installation, en êtes-vous conscient? » Sur place, certains véhicules — notamment ceux au châssis très bas — hésitent à grimper sur l’édifice. « On va s’envoler! », plaisantent des cyclistes, qui accélèrent comme pour se lancer dans un manège à sensations. Un « effet tremplin » sur lequel le maire avouait lui-même à un internaute avoir eu « des doutes »: « Mais la direction des services techniques et l’entreprise qui a réalisé les travaux certifient que les pentes sont conformes. »

Contacté, Kevin Luciano s’est montré bien plus sûr de lui et n’a pas manqué d’épingler avec sarcasme les « intellectuels de Facebook sans emploi (sic) » qui commentent « sans savoir ». Et de recadrer: « Cet ouvrage n’est ni un dos-d’âne (ce serait absurde), ni un simple ralentisseur, c’est un autopont. » Une structure installée après presque un an de travaux sur la zone. « La circulation était alternée depuis la découverte, en août, d’une faiblesse structurelle sur ce tronçon du bord de mer. Une fuite sur le réseau d’eau de la SNCF avait révélé que le béton du tunnel ainsi que de la voirie communale, située au-dessus, avait littéralement éclaté, faute d’entretien. Les poutres métalliques, elles, étaient grignotées par la corrosion. » En réponse à la « menace d’effondrement », le tunnel avait été fermé et des étaiements posés pour consolider les infrastructures.

Un géant haut de 45cm… « dans les règles »?

Malgré son gabarit imposant, que le maire ne nie pas, cet « autopont » servirait donc à éviter que les véhicules ne fassent peser leur poids sur la zone fragilisée. Un bureau d’études a planché sur le projet: « Nous ne sommes pas fous. Tous les calculs ont été effectués dans les règles de l’art par l’entreprise en génie civil, qui a d’ailleurs déjà travaillé pour l’agglomération. Je peux donc affirmer que cet ouvrage est non seulement légal mais surtout indispensable. »

Haut de 45 centimètres — nous avons mesuré de notre côté entre 52 et 60cm selon le côté — et long d’une dizaine de mètres selon Kevin Luciano, l’ouvrage afficherait une pente « inférieure à 10% », soit équivalente à celle d’un ralentisseur classique. Des places de stationnement ont été retirées sur la portion concernée. Un panneau dos d’âne a également été installé à côté — ce que les internautes n’ont pas manqué de relever dans l’idée de prouver la « vraie » nature du fameux autopont.

Un autopont non-définitif

Au-delà de la polémique, cette grosse protubérance est-elle destinée à rester? Non, prévient-on. « Il est évident, qu’à terme, la route sera refaite correctement. Les travaux à venir vont être considérables, coûteux (plusieurs centaines de milliers d’euros) et très complexes à cause du réseau d’eau et de la proximité avec la voie ferrée. Mais l’ouvrage, bien que terminé, n’est pas définitif. »

Certains tentent d’interpeller le maire en avançant leurs propres solutions: « Il aurait fallu prolonger la voirie d’au moins 30mètres de chaque côté de l’aménagement pour qu’on ne le considère pas comme un dos-d’âne. » D’autres suggèrent d’ajouter des signaux lumineux au sol pour mieux signaler la structure la nuit. Des remarques que le premier magistrat n’écarte pas totalement: « L’urgence, c’était d’abord de rouvrir la route à une circulation fluide avant la haute saison. Le reste viendra en temps voulu. »

En attendant, pour « les véhicules qui seraient trop bas – s’il y en a – [ils] passeront par la départementale », tranche-t-il. Un point c’est tout.

1. Pov signifie « point de vue ».