Par

Chloé LENTIER

Publié le

30 juin 2025 à 17h37

Un record de pollution, des années de silence et maintenant, un recours en justice. Le mercredi 25 juin 2025, sept associations environnementales ont déposé une plainte pénale contre l’usine BASF de Saint-Aubin-lès-Elbeuf (Seine-Maritime), pour « atteinte à l’environnement et mise en danger d’autrui ».

Le collectif d’associations accuse le site industriel d’avoir rejeté pendant plus de 25 ans un polluant chimique dangereux dans la Seine : le TFA, un PFAS surnommé « polluant éternel », utilisé pour la fabrication du Fipronil. En parallèle, elles ont demandé au préfet de Seine-Maritime d’interdire immédiatement à l’exploitant tout rejet de TFA.

Des rejets massifs et persistants

Ces derniers mois, des analyses menées dans le cadre d’un arrêté ministériel de juin 2023 ont révélé des niveaux extrêmement élevés de PFAS, et notamment de TFA, dans les eaux usées de l’usine BASF. Les chiffres font mal aux yeux : jusqu’à 176 kg de TFA déversés en une seule journée dans la Seine (21 mai 2024) et 28 000 µg/L de TFA, soit 87 kg, rejetés en sortie de station d’épuration deux jours plus tard (23 mai 2024), selon les données officielles de la Dreal Normandie, un service de la préfecture.

L’usine BASF, qui produit le Fipronil (un insecticide interdit à l’usage agricole en Europe), rejette quotidiennement dans le fleuve ce résidu hautement persistant, classé parmi les substances préoccupantes à l’échelle européenne.

« Cela fait 25 ans que l’on nie les produits, donc on peut imaginer qu’il y a des pollutions historiques qui se sont accumulées ».

Marie-Laure Baron, présidente du Codef

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« Les données ont révélé que l’usine BASF de Saint-Aubin-lès-Elbeuf est la première émettrice de PFAS au niveau national », rappelle Marie-Laure Baron, présidente du Comité de défense de l’environnement de Freneuse et de la Boucle de Seine (Codef). 

Une lettre ouverte en janvier 2025

En janvier 2025, les associations avaient publié une lettre ouverte, pour demander au préfet de Seine-Maritime des mesures urgentes : étude de l’impact sanitaire, inventaire des pollutions sur l’environnement, transparence sur les rejets… Six mois plus tard, aucune réponse. Un silence qui a fini de convaincre les militants de porter l’affaire devant la justice.

« Aujourd’hui, on passe à l’étape supérieure, résume Marie-Laure Baron. On demande que ce soit BASF qui prennent en charge cette étude d’impact complète, sur la pollution mais aussi sur les effets pour les personnes. C’est une question de santé publique. »

Et la législation ?

À ce jour, le TFA n’est toujours pas classé parmi les substances réglementées au niveau européen, malgré des signaux de plus en plus inquiétants. Issu de la dégradation du Fipronil (insecticide dont l’usage agricole est interdit en Europe en raison de sa toxicité élevée en particulier pour les organismes aquatiques), il est particulièrement persistant et mobile, capable de contaminer durablement les nappes et les cours d’eau.

Fin 2023, l’Allemagne a demandé qu’il soit reconnu comme substance reprotoxique probable, et en 2024, des chercheurs ont alerté sur le fait que le TFA remplissait les critères d’une « menace pour les limites planétaires ». Des signaux pris au sérieux par Bruxelles, qui a interdit en mai 2025 un autre pesticide, le Flufénacet, car lui aussi se dégrade en TFA.

Les associations tirent la sonnette d’alarme

Derrière leur plainte, les associations ciblent plusieurs infractions : atteinte à la biodiversité, mise en danger d’autrui, pollution des eaux. Dans leur communiqué, elles rappellent que « les industriels doivent contrôler les risques auxquels ils exposent la population et la biodiversité, sans se limiter au respect de la réglementation, mais en palliant leurs éventuelles insuffisances ».

Outre le Codef, la plainte regroupe Les Amis de la Terre Normandie, France Nature Environnement Normandie, Comité de défense de l’environnement de Freneuse et Boucle de Seine, UFC-Que Choisir Rouen et Effet de Serre Toi-Même.

« Cette plainte, c’est aussi un message aux habitants : ils ont le droit de savoir ce qu’ils respirent, ce qu’ils boivent, ce que l’on rejette dans leur fleuve », insiste la présidente du Codef.

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