L’affaire prend de l’ampleur. Trois signalements, reprenant des révélations de presse sur une possible minoration des patrimoines des ministres Rachida Dati et Éric Lombard que ces derniers contestent, ont été adressés au parquet de Paris, a-t-on appris lundi de sources proches du dossier, confirmant une information de Libération.

La première a été déposée par un ancien maire adjoint de Grenoble, qui a saisi le parquet de Paris en vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale. Raymond Avrillier, militant écologiste, assure dans son courrier que les informations de Libération « n’ont pu échapper aux autorités de la HATVP et du Parquet de Paris ».

Le militant signale aussi un article du Canard enchaîné paru en juin accusant le ministre de l’Économie d’avoir « sous-évalué » son patrimoine, et notamment la valeur d’une maison dans le Morbihan ou d’un appartement. Bercy avait récusé les affirmations du journal satirique.

Deux signalements d’un élu parisien

Le sénateur socialiste et élu de Paris Rémi Féraud, a lui aussi adressé le 26 juin deux signalements signalement au parquet, réclamant « l’ouverture d’une enquête préliminaire », selon un courrier consulté par Libération. Le conseiller et ancien maire du Xe arrondissement, candidat à la primaire du PS pour succéder à Anne Hidalgo, alerte sur « des faits d’omission de déclaration et de faux en écriture privée ».

Le second signalement évoque cette fois une enquête de L’Obs et de Complément d’enquête (France 2) d’après laquelle Dati aurait perçu 299 000 euros d’« honoraires » non-déclarés de GDF Suez en 2010-2011 quand elle était eurodéputée et avocate. « Madame Dati a donné toutes ses explications et n’a jamais été l’avocate de GDF Suez », avaient indiqué début juin ses avocats, Mes Olivier Baratelli et Olivier Pardo.

Dix-neuf pièces de joaillerie

L’un des avocats de Rachida Dati n’a pas répondu dans l’immédiat. Contacté, le ministère de la Culture n’a pas souhaité commenter. Contacté sur l’issue donnée à ces signalements, le parquet de Paris n’était pas en mesure de répondre dans l’immédiat.

Mercredi 9 avril, le journal Libération a publié une enquête intitulée « les bijoux cachés de Rachida Dati » dans lequel le quotidien affirme que la ministre de la Culture aurait fourni des déclarations de patrimoine erronées, en omettant d’y faire figurer 19 pièces de joaillerie pour un montant total de 420 000 euros détenues depuis 2017.

La HATVP, créée en 2013 après le scandale Cahuzac, contrôle le patrimoine et les déclarations d’intérêts de près de 15 000 responsables publics, ministres, élus et hauts fonctionnaires. Elle peut saisir la justice si elle décèle une intention frauduleuse ou une omission substantielle.

Selon le quotidien, la dernière déclaration de Rachida Dati, publiée par la HATVP en juin 2024, fait état d’un patrimoine de « quelque 5,6 millions d’euros sous forme de biens immobiliers en France et au Maroc, comptes courants, assurances vie ou produits d’épargne ». Mais aucune mention de bijoux, alors que les responsables politiques sont tenus de les déclarer lorsque leur valeur individuelle dépasse les 10 000 euros.

« Elle doit régulariser (sa situation) si c’était vrai », estimait le 13 avril dernier la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas. La ministre de la Culture assurait en réponse n’avoir « rien à régulariser » dans sa déclaration de patrimoine, confirmant avoir déposé une plainte en mettant en cause le journaliste Laurent Léger auteur de cet article. Selon elle, c’est un « intime d’Anne Hidalgo, la maire de Paris à laquelle elle s’oppose régulièrement dans la capitale.

Par ailleurs, Rachida Dati est visée par une information judiciaire dans un autre dossier de corruption, aux côtés de l’ex-patron de Renault/Nissan Carlos Ghosn. Le parquet national financier (PNF) a demandé qu’elle soit jugée pour corruption et trafic d’influence dans un réquisitoire dont l’intéressée a demandé la nullité en mars.