Si l’idée n’est pas nouvelle, elle a aujourd’hui les faveurs du gouvernement : Yannick Neuder, ministre de la Santé, a indiqué sur LCP qu’un patient qui relèverait du dispositif de l’ALD et qui serait « en rémission complète » devrait voir son affiliation « suspendue ». But de l’opération : réduire le déficit de l’Assurance maladie, estimé à 16 milliards d’euros cette année, mais qui pourrait monter à 41 milliards en 2035. Et ce, alors que le dispositif ALD représente déjà deux tiers des dépenses annuelles de la CPAM et pourrait en représenter les trois quarts d’ici 2035.

2 Qu’est-ce que ça changerait ?

Être pris en charge au titre de l’affection de longue durée, c’est voir ses dépenses de santé prises en charge à 100 % du plafond fixé par la Sécurité sociale pour sa pathologie (cancer, maladies cardiovasculaires, diabète, Alzheimer…). Ce statut n’est pas accordé à vie au patient, mais est réévalué tous les cinq ans. Différentes configurations de prise en charge sont possibles, que l’on soit considéré en ALD ou en fin de dispositif, avec une possibilité de revenir dans le système en cas de récidive ou d’apparition de séquelles tardives graves.

Le projet de l’Assurance maladie entend conserver cette possibilité de retourner dans le système en présence d’une rechute. Mais il vise à graduer davantage la prise en charge des soins, en sortant le patient plus rapidement du système du 100 % remboursé s’il est considéré comme guéri, en rémission ou s’il n’a plus d’handicap visible lié à son affection.

Outre cette mesure, l’Assurance maladie voudrait retarder l’entrée des malades dans le dispositif ALD en créant un statut de « risque chronique » et définir « une liste de soins spécifiques et opposables » offrant le droit à un remboursement total pour chaque pathologie longue.

3 Qu’en pensent les médecins ?

Ils sont très vigilants sur le projet, rappelant que même avec une ALD, les patients se retrouvent déjà à payer de leur poche un certain nombre de frais liés à leur pathologie (dépassements d’honoraires, franchises…). Catherine Simonin, membre de la Ligue contre le cancer, indique qu’une suspension en cas de guérison ou rémission pourrait s’étudier quand, par exemple, après « un diagnostic de cancer, il y a une intervention chirurgicale et il n’y a pas de traitement derrière ». « S’il y a juste un besoin de suivi d’une consultation par an pour les voir, oui, ça peut être discuté. »

Pour le reste, une « définition de la rémission complète est purement théorique et arbitraire », rappelle le Pr Olivier Cussenot, de l’Association nationale des malades du cancer de la prostate. « Il y a des patients qui, même après 20 ans de rémission, peuvent récidiver ». « Les gens qui sont en rémission ont souvent des traitements, des médications : pour le cancer du sein, il y a une hormone-thérapie qui est donnée au minimum pendant cinq ans », illustre René Ducroux, président d’Atoutcancer.

Le centre de lutte contre le cancer Gustave-Roussy rappelle que 63,5 % des personnes pourtant guéries d’un cancer souffrent toujours de « lourdes séquelles » qui « dégradent durablement leur qualité de vie », entre « douleurs, fatigue, troubles chroniques des fonctions motrices, troubles urinaires et gastriques ».

Une sortie trop rapide de l’ALD serait aussi préjudiciable à l’accompagnement psychologique. « Les gens qui ont eu un cancer ont peur de la récidive et ont besoin d’un suivi », rebondit René Ducroux. Olivier Cussenot abonde : « La problématique d’un cancer de la prostate, c’est un impact sur la qualité de vie, avec d’éventuels troubles de la fonction érectile ou d’incontinence urinaire ».