Deux petits jours et puis s’en va. Aux Chutes-Lavie, à Marseille (4e), la maternelle les Platanes ferme ses portes ce vendredi 4 juillet, après le dernier jour de classe. En cause, un effectif d’élèves trop maigre pour l’an prochain. Mais pour les habitants et parents d’élèves, l’école abritée dans la Cité jardin des Chutes-Lavie est la victime directe de l’installation d’un portique.

Posé durant le Covid par la copropriété, il complique l’accès à cette résidence où se mêlent logements sociaux et maisons individuelles, et empoisonne la vie des riverains qui doivent multiplier les détours pour rejoindre le cœur du quartier. Les uns refusent « les promeneurs indésirables » quand les autres dénoncent « une privatisation de la voie publique » et « une cité qui se calfeutre » derrière des murs.

« Avant, on était un quartier ouvert »

Nichée dans un chalet spacieux, l’école construite en 1929 a vu pousser cinq générations de Marseillais. De l’installation de la garderie à la création de deux classes de maternelle après la Seconde guerre mondiale, en passant par l’inauguration du théâtre en 1989, Simone, doyenne de la cité à 99 ans, a tout vu.

« Je suis née, j’ai grandi et je suis restée aux Chutes-Lavie. Mes filles, ma petite fille et mes arrière-petits-enfants ont occupé le même petit bureau que moi », soupire-t-elle. L’installation de ce portique, décidé par les habitants eux-mêmes puisque c’est la copropriété de la cité qui l’a votée, a précipité la fermeture de la maternelle, confie Simone, amère. Avant, on était dans un quartier ouvert, il y avait plusieurs chemins entre nous et les quartiers voisins. C’est fini… Les gens préfèrent mettre des murs pour dissuader les indésirables. »

Une « privatisation déguisée de l’espace public »

Ce portique de la discorde a d’autres répercussions. « Sur les trois entrées de la cité, deux sont désormais fermées, expose Nathalie, qui vit rue de la Pépinière, face à un accès condamné. Les plus âgés passaient par là pour aller faire leurs courses dans le noyau villageois, les élèves d’Alexandre-Dumas empruntaient ce passage comme un raccourci vers le collège. Aujourd’hui, il faut faire un détour de 2 km pour monter le pentu boulevard Guigou, sur des trottoirs étroits… »

Regroupés en collectif, les riverains font tourner une pétition "pour l'ouverture piétonne du portail de la Pépinière" regroupant une centaine de signataires.Regroupés en collectif, les riverains font tourner une pétition « pour l’ouverture piétonne du portail de la Pépinière » regroupant une centaine de signataires. / Photo P.K.

En plus de priver les habitants d’un raccourci vers les commerces, l’accès au Centre municipal d’animation (CMA) et à son jardin récemment rénové par la Ville (pour près de 90 000 €) semble désormais réservé aux résidents de la cité. De quoi faire monter la gronde des riverains regroupés en collectif, qui font tourner une pétition « pour l’ouverture piétonne du portail de la Pépinière » regroupant une centaine de signataires.

« S’ils veulent fermer aux voitures et aux scooters, pas de problème. Mais ce doit être ouvert pour les piétons 24h/24, appuie Kamel, installé ici depuis 1989. On ne peut pas accepter cette privatisation déguisée de l’espace public et d’une voie piétonne ancestrale. »

Habitat Marseille Provence (HMP) qui gère les logements sociaux de la cité et conserve la majorité des voix (52 %) lors des assemblées générales, décrit pour sa part « un ensemble de voies privées » et se dit dans son bon droit pour décider de sa clôture. « Cette décision relève de l’assemblée générale, poursuit le bailleur. La cité a subi des cambriolages, du deal et même de la prostitution. La fermeture était l’unique moyen de garantir le calme. » Tout en promettant « une ouverture à tous » du portail « de 7 h 30 à 10 h et de 16 h à 22 h » (nous avons constaté le contraire sur place), HMP indique qu’un vote des copropriétaires, le 1er juillet, a acté la fermeture du dernier accès à la cité.

« En raison des deux équipements qu’elle possède dans la résidence, la Ville a un droit de vote et s’est opposée à cette mesure, pointe-t-on à la mairie des 4e-5e. Nous avons aussi soulevé l’irrégularité de la fermeture à la Pépinière, décidée sans assemblée générale. Les services de l’urbanisme en ont informé la copropriété, sans réponse. Nous comprenons la requête du collectif et restons favorables à l’ouverture aux piétons. Les activités de nos équipements municipaux ne peuvent pas être réservées aux résidents de la cité. »