Par
Margot Nicodème
Publié le
4 juil. 2025 à 8h12
« Vous explosez le record d’agressions subies, et à chaque fois en transportant un appareil électronique. » Cette remarque teintée d’ironie de la part du procureur résume, finalement, l’audience qui a occupé le tribunal de Lille une partie de l’après-midi du 1er juillet 2025. Un homme de 39 ans comparaissait pour des faits d’escroquerie, anciens, mais surtout stupéfiants par leur caractère répétitif. Entre 2012 et 2016, le prévenu avait porté plainte 23 fois pour des vols avec violence, avec arme, à la tire, à la roulotte… avec à chaque fois, son téléphone, sa tablette ou son ordinateur étaient emportés par ses agresseurs. Lui ne manquait pas de se faire rembourser les montants de ces objets par l’assurance… quand l’enquête a montré qu’il en retournait certains, après les vols supposés, aux magasins qui les lui avaient vendus. Détails.
23 vols supposés en 4 ans, et 31 remboursements par les assurances : un homme jugé pour arnaque
C’est un père de quatre enfants aujourd’hui qui se présente devant le tribunal. À l’époque de la première arnaque qui lui est reprochée, il avait 25 ans. De 2012 à 2017, il a produit une série de « déclarations mensongères de sinistres », à savoir des vols d’objets électroniques de valeur. Le mode opératoire est resté inchangé, pendant toutes ces années : le prévenu se disait victime d’un vol, survenu dans la rue par la menace ou dans sa voiture, et déclarait le préjudice auprès de la Mutuelle assurance de l’éducation (MAE).
C’est dans ces circonstances qu’il s’est fait rembourser le montant d’un ordinateur MacBook de 2 470 €. Puis d’autres tablettes et téléphones, eux aussi supposément volés dans d’obscures circonstances : 680 €, 780 €, 717 €, 673 €, 237 €, puis encore près de 2 000 €… Au total, l’homme a déposé 23 plaintes en 4 ans et obtenu 31 remboursements de la part des assurances. L’équivalent de milliers d’euros.
Signe de son aplomb dans les procédures successives : il a parfois reporté des vols à peine séparés de 24 heures.
Le président projette l’historique de ses plaintes dans la salle d’audience. « Vous êtes victime d’un vol avec violences le 14 février 2013, puis d’un autre le 15 février 2013. Rebelote le 19 avril, puis le 20 avril », récite le magistrat au prévenu. Et d’analyser, là encore non sans ironie : « Vous êtes largement au-delà de la moyenne nationale en termes de vols… » Pour toute réponse, le père de famille s’emmêle dans ses explications.
L’assurance a des soupçons et engage un enquêteur privé : les découvertes sont sans appel
Il avance d’abord ne plus très bien se souvenir de ces larcins, en raison de leur ancienneté. Il marmonne que « c’était une période compliquée, j’ai eu beaucoup de problèmes… », mais il n’en démord pas : « à chaque fois que j’ai déposé plainte, c’est parce que quelque chose s’était passé ». C’est son assurance, la MAE, qui le percera finalement à jour.
Nourrissant des soupçons sur la véracité des agressions, la MAE a en effet engagé un enquêteur privé au sein d’un cabinet. Les investigations ont permis de révéler le subterfuge.
Le fameux MacBook de 2 470 € a été acheté par le prévenu à la Fnac le 22 juillet 2015. Le 23 juillet, il déclare son vol : la vitre arrière de sa voiture aurait été cassée, et l’ordinateur emporté. La date du 25 juillet change la donne : ce jour-là, il rend l’ordinateur soit disant subtilisé à la Fnac, et obtient un remboursement. L’assurance, dans l’ignorance, lui remboursera quelque temps plus tard le montant du préjudice.
Convoqué par les autorités pour s’expliquer sur cet imbroglio, en 2016, l’homme dit qu’il s’est tout bonnement trompé de facture. Il a donné la facture d’un ordinateur qu’il avait acheté à la Fnac, mais qui n’était pas celui volé.
Des responsables de magasins Carrefour, Fnac et Boulanger, où il a acheté de nombreux appareils, sont entendus dans le cadre de l’enquête. Tous rapportent que ce client en particulier a fait des achats, puis les a rapportés dans la foulée. Il aurait également falsifié des factures, quand l’affaire ne tournait pas à son avantage.
« Il ment comme un enfant »
L’avocat de la MAE, présent à l’audience, regrette que le prévenu n’ait pas profité de l’occasion pour « soulager » sa conscience. « Il ment comme un enfant. La maladresse n’est pas envisageable », tranche-t-il, et il réclame le remboursement du MacBook et des frais pour recruter l’enquêteur privé. Même incrédulité du côté du procureur, qui se demande comment le prévenu a pu financer tous ces achats importants, alors qu’il rencontrait des difficultés financières.
Il balaie l’hypothèse selon laquelle l’homme souffrait de TOC, qui l’aurait poussé à des achats compulsifs. Il requiert un an d’emprisonnement avec sursis probatoire, ainsi que le paiement de dommages et intérêts aux victimes. Le conseil du prévenu, enfin, a tenté de faire valoir les prescription des faits.
La décision sera connue le 2 septembre.
Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.