On a pu tester la Nintendo Switch 2 pendant un mois. Prix, catalogue, hardware : on fait le point sur la console.
Sortie le 5 juin, la Nintendo Switch 2 fait couler pas mal d’encre. Ce qui a longtemps été évoqué comme une « Switch Pro » est bien devenu la suite officielle du constructeur japonais, à tel point que son prix exorbitant de 470€ questionne par rapport à ses innovations. Pourtant, lors de sa présentation à la presse, on avait été plutôt convaincu par la machine et sa prise en main, tout en ayant eu une réserve sur l’opération séduction très calibrée et contrôlée de Nintendo.
Mais alors, un mois après son lancement, que penser de la console, qui nous a été envoyée par Nintendo à l’occasion de ce test (une transparence qui nous semble nécessaire, surtout quand la question tarifaire est aussi importante à prendre en compte) ?
MAIS. IL. Y. A. LA. VACHE. DANS. MARIO. KART !!!Des différences pas si mineures
Au premier démarrage de la Switch 2, on s’étonnerait presque de la consanguinité aussi affirmée de la machine avec sa grande sœur. Une fois votre compte entré dans la console, il est possible de faire un transfert total des données de la Switch 1 vers la 2 en les mettant côte à côte. On ne parle pas seulement des jeux, mais bien de tous les paramètres (les Wi-Fi utilisés, ce genre de choses), réinstallés au travers d’un système d’exploitation qui n’a pas vraiment changé.
En même temps, difficile d’en vouloir à Nintendo sur ce souhait de continuité, qui s’avère même plutôt plaisant. Que vous soyez un joueur occasionnel qui a envie de retrouver vite ses repères ou un gamer invétéré qui veut replonger rapidement dans sa bibliothèque de jeux, cette familiarité a ses bons côtés. D’autant que d’un point de vue hardware, la Switch 2 affiche un fossé moins discret qu’il y paraît.
En dehors de la taille de la console et de son écran, bien plus agréable (même si on regrettera l’absence d’OLED), le fonctionnement du hardware de la Switch 2 renverrait presque l’ancien modèle à un brouillon mal dégrossi. Les Joy-Con sont enfin plaisants à utiliser (surtout les joysticks), le système d’aimants pour les accrocher corrige le problème du « slide » de la Switch 1, et il ne faut plus se contenter de ce mini bout de plastique qui dépasse pour la poser sur une table. On a droit à une vraie béquille, accompagnée d’une nouvelle prise USB-C sur le dessus de la machine (pour pouvoir la recharger tout en continuant à jouer de cette façon).
À vrai dire, la Switch 2 rappelle surtout que le premier modèle était un concept aussi novateur que perfectible, qui a eu pour grand mérite son accessibilité et le fait de nourrir l’imagination de toute l’industrie. Et si, au fond, Nintendo visait en priorité cette nouvelle concurrence, celle des Steam Deck et autres Asus ROG Ally ?
Certes, ces derniers sont incomparables en termes de puissance, mais la firme de Kyoto a décidé de se retrousser les manches, afin de proposer un catalogue de jeux qui semblait jusque-là inaccessible, agrémenté de ses exclusivités qui la rendent indispensable à tout mordu de Mario ou de Zelda. Pas sûr que Cyberpunk 2077 soit « l’expérience ultime » sur Switch 2 (on l’avait vu tourner au Grand palais, et ça ramait souvent), mais les 24 pilotes en plein chaos dans Mario Kart World prouvent que la bécane en a sous le capot, et qu’elle peut désormais centraliser une somme d’expériences, surtout pour ceux qui ne savent plus où donner de la tête.
Une killer app qui fait le caféUn lancement faiblard ?
On n’est pas vraiment au niveau d’un mini-PC, et pourtant, la nouveauté la plus passionnante de la Switch 2, c’est bien son fameux mode souris. Loin d’être gadget (même si aucune nouveauté ne lui rend justice jusqu’à présent), il est surtout d’une précision redoutable, et s’active par simple détection de la position de la manette sur la tranche. On avait testé Metroid Prime 4 de cette façon, et le résultat était tout bonnement bluffant. L’air de rien, jouer à Civilization VII sur console avec ce dispositif s’avère soudainement beaucoup plus viable.
Néanmoins, la stratégie de Nintendo ne s’intéresse pas vraiment à cette niche, et semble dans un premier temps tournée vers les conquis d’avance, ceux qui n’ont pas besoin de ressentir un fossé technologique. Il est présent, pour peu que l’on compte les FPS comme on compte les moutons pour dormir, mais sans être flagrant non plus. Entendons-nous bien, Mario Kart World est la killer app attendue. Le jeu est artistiquement somptueux et, une fois habitué au changement de dynamique du gameplay et des courses, difficile de ne pas vouloir se mettre à faire des tricks partout avec son kart et à se perdre dans son monde ouvert au level-design inspiré.
Promis, ça marche vraiment bien
Mais il est bien seul, et n’utilise pas toutes les fonctionnalités de la machine pour montrer son potentiel. La Switch 2, c’est avant tout une console de confort, qui fera plaisir à ceux qui voudront relancer Super Smash Bros. Ultimate avec une fluidité encore accrue (c’est notre cas), ou enfin profiter de Zelda : Breath of the Wild et Tears of the Kingdom sans aliasing dégueulasse et chutes de framerate intenses. Pas de chance, dans le cas des dernières aventures de Link, ces mises à jour sont au prix de 10€. La pratique est loin d’être exclusive à Nintendo, mais elle commence à piquer, surtout quand, en parallèle, les expériences inédites de jeu manquent au lancement de la console.
La Switch 2 incite pour le moment à se lover dans ses expériences passées, ou encore à ressortir la carte bleue pour un abonnement premium au online qui permet d’accéder en exclusivité à un émulateur GameCube. C’est peut-être, dans notre cas, la vraie « tristesse » de ce mois de jeu, où l’on a pris finalement plus de plaisir et de temps à se replonger dans FZero GX (l’un des meilleurs jeux de course au monde), Soulcalibur 2 (l’un des meilleurs jeux de baston du monde) et Zelda : The Wind Waker (l’un des meilleurs Zelda), que dans les nouveautés rares de la machine.
Mon précieuxLe biff, la moula, le caramel
Et c’est au fond, le problème majeur dont il faut parler. Oui, n’importe quel constructeur essaie d’imposer un écosystème, où chaque accessoire ou chaque jeu est censé paraître essentiel aux yeux des joueurs. Mais là, la Switch 2 permet à Nintendo de passer un cap embarrassant (et pas seulement en augmentant le prix de ses plus gros jeux).
Vous voulez profiter du Gamechat à son plein potentiel ? Alors il faudra se procurer la caméra à 60€ (bien que d’autres webcams USB-C fonctionnent a priori). Vous voulez la manette pro ou la manette GameCube en plus ? Comptez entre 70 et 90€. Vous prenez surtout vos jeux en dématérialisé ? Il faudra plus que jamais investir dans une carte SD (et seuls certains modèles sont compatibles). Vous attendiez un petit jeu gratuit pour découvrir les fonctionnalités de la console à la Astro’s Playroom ? Pas de bol, il faudra se contenter de ce cahier de vacances fait « jeu vidéo » (les guillemets sont importants) qu’est Nintendo Switch 2 Welcome Tour, et pour lequel il faudra encore repasser à la caisse (10€ tout de même).
Pour le prix d’un kebab et demi, autant prendre un kebab et demi
Cette petite goutte d’eau qui fait déborder le vase est en soi loin d’être anodine. Au-delà du désintérêt ludique total de ce faux guide technique rempli d’une poignée de mini-jeux chiants comme la mort, il est assez indécent de voir Nintendo se gaver de la sorte sur le moindre à-côté, alors qu’un geste commercial aurait été plus que bienvenu au vu de la pauvreté du catalogue à son lancement.
Plutôt que de s’ouvrir à une nouvelle frange potentielle de public, le constructeur sait qu’il peut se reposer sur ceux acquis à sa cause, et qui n’auront aucun problème à payer, encore et encore. Tristement, cette approche dessert la réelle plus-value technique de la Switch 2, qui se fait sentir et promet le meilleur pour ses futurs blockbusters une fois dans les mains (on pense à The Duskbloods, ou au potentiel d’un nouveau Mario 3D).
Mais ce serait omettre que la console est loin d’être irréprochable (sa batterie qui tombe en rade au bout de 2h-2h30…), et qu’elle sort dans un contexte de crise économique généralisée, où il devient compliqué d’accepter un tel décalage entre une stratégie commerciale et la réalité de nos vies quotidiennes, qui rend nos divertissements plus inaccessibles que jamais.