L’Union européenne (UE) n’a jamais brillé par son indépendance stratégique vis-à-vis des États-Unis, ni par son courage politique à l’égard des proches alliés de l’Occident, fussent-ils éminemment blâmables, ni par sa résistance aux injonctions de l’Otan. Depuis plusieurs années – l’élargissement à l’Est aidant –, la tendance à l’alignement systématique sur Washington, à l’impunité absolue garantie à Israël, à la militarisation accélérée de l’Europe n’a fait que s’accentuer. La riposte à l’agression russe contre l’Ukraine, devenue l’axe stratégique quasi unique de l’UE, a servi de justification et d’amplificateur à ces dérives.
Aujourd’hui, un cap sans précédent vient d’être franchi dans cette régression, l’Europe renonçant ouvertement à sa raison d’être d’actrice autonome dans les relations internationales. Trois repères d’une gravité inédite viennent d’illustrer quasi simultanément ce point de bascule.
Une soumission aussi humiliante reflète un rapport de vassaux à leur suzerain, sinon de valets à leur maître.
Le premier est le stupéfiant « accueil » réservé le 25 juin dernier par le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, au président américain. Avec le consentement des 32 États membres de l’alliance militaire transatlantique – dont 23 des 27 pays de l’Union européenne – l’ex-premier ministre des Pays-Bas a usé à l’égard de Trump d’une flagornerie d’une indécence jamais vue en Europe, jusqu’à l’appeler « Daddy », tel un enfant s’adressant à son papa. Une soumission aussi humiliante reflète non une relation d’alliés à allié, mais un rapport de vassaux à leur suzerain, sinon de valets à leur maître. C’est une abdication publique de toute souveraineté au sein de « l’espace euro-atlantique ».
Le deuxième moment charnière qui vient de confirmer cette descente aux enfers de l’action extérieure de l’UE est le blocage, officiellement constaté le 27 juin dernier, du projet de suspension de l’accord d’association qui lie l’Union européenne à Israël. Déjà aura-t-il fallu au Service européen pour l’action extérieure plus d’un mois d’investigations pour savoir si Israël violait ou non les droits de l’homme. Le rapport issu de cette enquête ayant (quand même) conclu que oui, il revenait aux 27 gouvernements de décider ou non la suspension de l’accord d’association (qui exige expressément, en son article 2, le respect des droits humains).
Les 56 000 morts de Gaza, les 400 Palestiniens tués de sang-froid par les soldats israéliens ces derniers jours lors des distributions d’aide alimentaire, toutes les formes de la barbarie illustrant le génocide en cours – et même les révélations bouleversantes de militaires israéliens régulièrement publiées dans Haaretz sur les ordres reçus de tuer des innocents – n’auront pas suffi pour convaincre une « majorité qualifiée » de gouvernements européens qu’il était temps d’en finir avec la totale impunité accordée jusqu’ici à ce pouvoir hors la loi. Cela s’appelle de la collusion avec des criminels.
Enfin, il y a la folle décision collective prise sans barguigner par les États membres de l’Otan (à la notable exception du chef du gouvernement espagnol), le 25 juin, de rehausser de 150 %, en l’espace d’une décennie, la part des richesses créées consacrée aux dépenses d’armement, comme prix de l’allégeance à Trump (et à ses marchands d’armes). Les congratulations adressées à ce propos par le secrétaire général de l’Otan à Trump laissent pantois : « L’Europe va payer un prix ÉNORME pour sa défense. Et ce sera votre victoire. » Soumission, collusion, militarisation : l’Europe s’enfonce.
Être le journal de la paix, notre défi quotidien
Depuis Jaurès, la défense de la paix est dans notre ADN.
- Qui informe encore aujourd’hui sur les actions des pacifistes pour le désarmement ?
- Combien de médias rappellent que les combats de décolonisation ont encore cours, et qu’ils doivent être soutenus ?
- Combien valorisent les solidarités internationales, et s’engagent sans ambiguïté aux côtés des exilés ?
Nos valeurs n’ont pas de frontières.
Aidez-nous à soutenir le droit à l’autodétermination et l’option de la paix.
Je veux en savoir plus !