Estimant que l’efficacité de l’hélicoptère de reconnaissance et d’attaque allait être « extrêmement limitée » sur le champ de bataille compte tenu de la prédominance des drones et de la densité des moyens de défense sol-air, comme c’est le cas en Ukraine, l’US Army a mis un terme à son programme FARA [Future Attack Reconnaissance Aircraft] et décidé de retirer du service ses AH-64D, et donc de dissoudre onze escadrons répartis entre le 6th Cavalry Regiment et le 17th Cavalry Regiment.
« Combattre un adversaire qui déploie des capacités valant 1 000 dollars avec des capacités qui coûtent un million de dollars ne peut pas être une stratégie gagnante », a récemment fait valoir le général Joseph Ryan, le chef d’état-major adjoint de l’US Army pour les opérations, les plans et la formation. Ce dernier a aussi exprimé des doutes sur l’apport de l’AH-64E Apache/Guardian, alors que cet appareil a la capacité de mettre en œuvre des drones.
L’US Army commet-elle une erreur ? L’avenir le dira. En tout cas, la British Army et l’armée de Terre pensent, au contraire, que l’hélicoptère de reconnaissance et d’attaque a encore un avenir et qu’il suffit de développer des concepts opérationnels innovants pour adapter leur emploi aux nouvelles réalités du terrain.
Ainsi, l’Aviation légère de l’armée de Terre parie sur la « dronisation de l’aérocombat », l’hélicoptère et le drone aérien pouvant être complémentaires.
D’où ses travaux sur la notion d’Engins lancés par Aéronefs [ELA] ainsi que sur le développement d’un drone tactique d’aérocombat [DTA] capable d’agir en ailier d’un hélicoptère « habité ». Un tel appareil permettrait de « préserver l’effet de masse et d’augmenter la liberté d’action du chef en fonction du niveau de risque ou de complexité de l’enjeu opérationnel », avait expliqué la revue « Combats futurs », publiée par le Commandement du combat futur [CCF] de l’armée de Terre.
S’agissant des ELA, le 3e Régiment d’hélicoptères de combat [RHC] a déjà exploré la possibilité de mettre en œuvre un drone de type FPV [pilotage immersif] depuis un hélicoptère Gazelle. Un tel appareil peut être utilisé comme une munition téléopérée [MTO] et/ou comme capteur déporté pour reconnaître une zone d’opérations sans s’exposer à des risques inutiles.
Le dernier numéro d’Aérocombat, la revue de l’ALAT, est revenu sur cette expérimentation. Celle-ci a donc consisté à « évaluer la capacité d’opérer un drone FPV simulant une MTO depuis une Gazelle en stationnaire jusqu’à une distance de 5,5 km [supérieure à la portée d’un missile HOT] pour atteindre un carré de 1,2 mètre de côté, afin d’estimer les difficultés de mise en œuvre et de caractériser la plus-value opérationnelle. L’idée, à terme, est de dépasser les 10 km de portée », a-t-elle détaillé.
Cette expérimentation ayant tenu ses promesses, il s’agit maintenant de passer à la seconde étape, c’est-à-dire de déployer ce drone FPV depuis l’hélicoptère afin de « gagner en rapidité d’exécution ».
Outre les ELA et le DTA, l’armée de Terre a un troisième projet dans ses cartons : celui de développer un drone à voilure fixe, capable de simuler la surface équivalent radar d’une hélicoptère de reconnaissance et d’attaque pour leurrer les systèmes de détection de l’ennemi et lui imposer des « dilemmes tactiques » en cachant les « réelles intentions d’une unité de l’ALAT déployée ». En clair, alors qu’on ne cesse de parler de « transparence du champ de bataille », l’idée est, au contraire, d’épaissir le « brouillard de la guerre ».
Selon Aérocombat, le développement de cette nouvelle capacité au sein du 3e RHC va bon train. « Ce concept a été expérimenté au préalable par de multiples exercices sur simulateur, reproduisant un scénario intégrant une menace sol-air complète directement inspirée du retour d’expérience de pilotes ukrainiens. Un premier prototype a rapidement vu le jour, construit pour l’occasion par du personnel civil régimentaire, passionné d’aéromodélisme et pleinement intégré à l’expérimentation ».
Les premiers essais en vol ont été prometteurs. « Le domaine de vol de ce drone leurre, conçu sur le papier, est désormais presque validé », après des tests effectués sur le polygone de guerre électronique pour mesurer la signature électromagnétique et/ou thermique du prototype », avance la revue de l’ALAT.
Le 3e RHC travaille avec le Direction générale de l’armement [DGA] pour « greffer sur ce drone un module permettant de reproduire une surface équivalente radar du même ordre qu’une patrouille d’hélicoptères », explique Aérocombat. Cet appareil pourrait avoir une seconde fonction, l’ajout d’une caméra permettant de « conjuguer la déception avec du renseignement ».
Cette dronisation de l’aérocombat va avoir des conséquences sur l’organisation des régiments d’hélicoptères de combat, avec la création d’escadrilles mixtes [c’est-à-dire composées d’hélicoptères et de drones, de pilotes et de télépilotes]. La première unité de ce type pourrait voir le jour en 2026, au sein du 3e RHC.