« La voix est ferme et claire », écrivait-on, en avril 2022, dans Ouest-France, à l’occasion de la Journée nationale de souvenir des victimes et des héros de la déportation. À 99 ans, le regard vif, André Gaillard, modeste et pudique, nous confiait être là, aux côtés de son épouse, « pour [ses] amis restés là-bas ».

L’ancien médecin, professeur de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale au CHU de Nantes, ne fera plus entendre sa voix pour témoigner de sa déportation à Dachau, en Allemagne. Dans le convoi du 2 juillet 1944, appelé le Train de la mort, dans lequel sont décédés 519 des 2 152 hommes entassés dans les wagons à bestiaux.

André Gaillard s’est éteint à l’âge de 102 ans, lundi 30 juin 2025, à Nantes. Suivant le souhait de cet homme, père, grand-père et arrière-grand-père, une cérémonie d’adieu aura lieu dans l’intimité familiale.

« La déshumanisation totale »

La vie de jeune adulte a pris un tournant, à la fin de l’année 1943. L’étudiant originaire du Poitou, ancien pensionnaire dans un lycéen nantais, a passé une année à étudier la théologie au séminaire de Saint-Sulpice, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). 21 ans, c’est l’âge où comme tant d’autres, il reçoit l’ordre de partir « en vertu du Service de travail obligatoire (STO), en Allemagne ».

André Gaillard s’y refuse. Un acte de résistance face à une décision du gouvernement pétainiste et des Allemands qui imposaient la loi. Il devient clandestin et part se réfugier dans un collège religieux de Seine-et-Marne, à Avon, où l’oriente un professeur. Le directeur l’accueille comme surveillant à la rentrée de janvier 1944, en toute conscience, de la même façon qu’il a ouvert la porte à trois enfants juifs.

Quelques jours plus tard, le matin du 15, de bonne heure, la Gestapo cerne l’établissement scolaire. C’est de cette histoire que s’est inspiré le cinéaste français, Louis Malle, dans le film Au revoir les enfants, en 1987.

André Gaillard est arrêté pour des raisons politiques, avec le directeur du collège, les trois enfants juifs dénoncés par des Français, et plusieurs personnes qui leur avaient fourni des faux papiers. Après six mois d’emprisonnement à Fontainebleau, direction le camp de concentration nazi de Dachau. « La déshumanisation totale. » Il fera partie des premiers libérés, le 1er avril 1945.

Dans le film Les derniers témoins

Son expérience douloureuse, André Gaillard l’a racontée devant des publics d’élèves, par le biais de l’association Les Relais de la mémoire, dont il était membre. Cette tranche de vie gravée dans sa mémoire est également relatée dans un documentaire écrit et réalisé par Étienne Gasche et Jean-François Lainé, Les derniers témoins.

À Nantes, où il s’est installé en 1957, le praticien hospitalier, auteur d’une centaine d’articles médicaux, n’a jamais totalement oublié son intérêt pour la théologie. De ses réflexions et de ses études, l’homme ayant reçu une éducation catholique prégnante en a tiré plusieurs ouvrages critiques à l’égard de la doctrine chrétienne.