Auteur d’un essai et, malgré un carton jaune, héroïque en défense avec encore deux grattages sur ce match, le Toulonnais veut profiter de ce genre de rendez-vous XXL pour montrer qu’il reste un candidat majeur à son poste.
Comment ressort-on d’un tel match ?
Fier, quand même. C’est la première chose. Fier d’avoir représenté la France, d’avoir pu faire un tel résultat, d’avoir rivalisé et d’avoir senti qu’on était malgré tout proche de battre les All Blacks.
Existe-t-il aussi une certaine frustration ?
Bien sûr. Après, on peut refaire le match et ils ont aussi un paquet d’opportunités. Mais il est certain qu’il y avait la place pour l’emporter. On est tous conscients qu’on est capable de les battre, tout simplement. Il nous reste deux tests matchs et l’objectif est toujours le même : gagner. On aurait pu le faire sur ce premier match, on n’était pas loin.
Vous partiez pourtant dans l’inconnue. Y avait-il un peu de peur avant ce match ?
Non. On en a parlé toute la semaine et on va dire que la presse néo-zélandaise n’a pas été très tendre avec nous. Elle met forcément son équipe sur un piédestal, notamment avec le groupe qu’on a envoyé. Mais je crois qu’on lui a plutôt bien répondu. On joue tous dans le meilleur championnat du monde, on a aussi des choses à faire valoir. Tous les mecs, avec un énorme engagement, ont porté fièrement le maillot du XV de France. En trois semaines, trouver ces connexions et faire un match comme celui-ci, ça reste assez exceptionnel.
Avez-vous vite senti que vous rivalisiez ?
Oui, dès le début du match. On est resté sur notre plan de jeu, on a rivalisé sur les ballons hauts, les rucks, la défense. On sentait de bonnes énergies et donc qu’il y avait quelque chose à faire. Ces dix premières minutes nous ont mis directement dans le match, on est allé chez eux, on a mis des points, on a marqué des essais. On a compris qu’on avait les armes.
Et vous avez réussi à éviter l’emballement néo-zélandais quand vous avez encaissé des essais…
On n’a jamais été dépassé au score, avec au maximum huit points de retard. On s’est accroché et on a toujours trouvé des solutions pour aller chez eux et renverser la pression. Il fallait rester froid, ne pas s’emballer sur le jeu et donc ne pas faire n’importe quoi. En défense aussi, on est resté soudés et on a pu les repousser, notamment devant.
Le carton jaune ? Ils jouent bien le coup, c’est mérité
Personnellement, avec entre autres votre essai ou votre carton jaune, êtes-vous passé par tous les états ?
Il y a eu beaucoup d’émotions. Mais j’ai essayé de garder la tête sur les épaules et de me concentrer sur ma tâche dans le combat, en défense ou encore sur les ballons hauts. Sur le carton jaune, c’est dur mais ils jouent bien le coup. C’est mérité. Derrière, on n’a pas pris de points.
Cela paraissait un peu sévère tout de même…
Si ça passe… Je savais que c’était un avant à l’intérieur et je ne suis pas arrivé à le laisser seul. Will Jordan, je sais de quoi il est capable, donc j’ai voulu rester un peu avec mon soutien. Mais si la passe… (il coupe) Voilà, j’étais pris, donc j’ai mis la main de façon un peu désespérée pour ne pas laisser l’espace. Et ça a fait carton. Le principal, c’est qu’on n’a pas pris de points derrière.
Et vous avez aussi gratté ce ballon très chaud devant votre ligne d’en-but en deuxième mi-temps…
Je suis dans mon registre (sourire). On n’a pas eu beaucoup de ballons à exploiter sur les ailes. Il fallait se reposer sur notre défense, et eux ont beaucoup joué dans les couloirs. C’était compliqué de les contenir, de les garder à distance de l’en-but. Mais ça passait aussi par des efforts comme celui-ci. C’est ce qui me caractérise, et j’essaie d’apporter dans ce secteur. Malgré tout, on a pris un essai derrière…
Quelle sensation cela procure-t-il de marquer un essai en Nouvelle-Zélande ?
Cela va rester un souvenir incroyable. Et ça montre qu’on est capable, dans le jeu, de créer des choses, de trouver des espaces et d’aller au bout. On a construit nos essais, rien ne nous a été offert. Après, c’était énorme de marquer et de recoller au score dans ce match incroyable.
On vous a vu serrer très fort en défense. Était-ce une consigne ?
L’objectif était, non pas de délaisser les extérieurs, mais de rester dense au milieu du terrain. Ils ont des avants capables de ramasser le ballon, de partir au ras, de créer des opportunités autour des rucks. On voulait garder les avants serrés, en face, pour avoir des plaquages à deux. C’était une consigne, et c’était à nous, les trois-quarts, de rattraper si besoin ou de gérer ces espaces qu’on laissait.
Les Bleus ont tenu la dragée haute aux Néo-zélandais
Dave Lintott / Icon Sport
Vous aviez connu un problème physique en début de semaine qui avait tronqué votre préparation. Pouvez-vous nous raconter ?
C’était juste un blocage au niveau du dos, sur un exercice de musculation. J’avais envie de m’entraîner mais on m’a dit de ne pas le faire pour assurer le coup et être sûr que ça n’empire pas. On n’a pas pris de risque et ça a marché.
Entre votre blessure ou l’aspect sportif avec l’élimination en demi-finale, votre fin de saison a été frustrante avec Toulon. Cette tournée est-elle un bol d’air ?
Oui. Tant que j’aurai l’opportunité de venir en équipe de France, je ne lâcherai pas. Jamais. Et c’est pareil en club. Ce n’est pas mon genre. Je sais qu’il y a des moments durs. Une seule équipe gagne ou va au bout. Mais il faut continuer à tirer profit de toute expérience, à apprendre à chaque fois. Cette tournée permet à tout le monde d’exploiter son potentiel et d’évoluer dans son rugby. Je suis content d’être là.
En 2021, en Australie, ce genre de tournée vous avait réussi et avait accéléré votre carrière internationale. Est-ce encore une occasion de vous montrer ?
Bien sûr. Je suis aussi passé par le 7 et cela avait été un gros tremplin. Comme je le disais, à chaque fois, on apprend, on se confronte aux meilleurs. Je vous assure que je ne vais pas lâcher. Je sais qu’il y a des joueurs exceptionnels à mon poste, je n’ai aucun souci avec ça. Je n’ai pas le même profil, je sais que je ne vais pas à 38 km/h. Mais je serai toujours là, je ne lâcherai pas. Je me bats avec mes armes.
Et, en Nouvelle-Zélande, vous faites partie des plus expérimentés…
Ça fait bizarre. Je suis peut-être un peu moins stressé. Cette expérience me fait relativiser. Les All Blacks, je les ai battus trois fois. Donc je n’ai pas cette appréhension, je ne me dis pas : « IIs sont imbattables ou injouables. » Cela permet de m’apaiser et peut-être d’apaiser un peu les mecs autour de moi, de montrer que ça va bien se passer. C’est comme le Haka…
On a été pris de haut, donc on s’attend à quelque chose de pire encore sur l’engagement
Quoi ?
C’est un moment à passer et à vivre. Mais il faut rester concentré sur le match, savoir que ces All Blacks sont prenables. Et ce match va encore montrer à tout le monde qu’ils le sont.
Y a-t-il des choses à améliorer en vue de la semaine prochaine ?
Oui, beaucoup. Mais je pense qu’on a quand même une base plutôt très solide. Il y aura évidemment des ajustements à faire dans notre jeu, peut-être aussi sur la défense pour essayer de leur laisser un peu moins d’espace. Mais je crois qu’on est dans les clous.
Fabien Galthié disait que les Néo-Zélandais allaient aussi s’améliorer sur les deux derniers tests…
On ne va pas se mentir, le prochain sera encore plus dur. Ils ont une telle pression, l’attente de tout un pays sur les épaules. On a été pris de haut, donc on s’attend à quelque chose de pire encore sur l’engagement. À nous de ne pas nous reposer sur cette performance. Il faudra la rééditer. On va se préparer en conséquence, mais je suis bien conscient qu’on est loin d’être arrivés et que la tendance peut s’inverser dès le deuxième test. Ils seront encore plus prêts la semaine prochaine. On a été prévenus avant le premier test, on le sera encore davantage avant le deuxième.