Par
Cédric Nithard
Publié le
8 juil. 2025 à 16h33
Après leur assemblée générale, tenue le 23 juin dernier, définissant leur stratégie pour les municipales à Montpellier, les Écologistes, à l’instar de La France Insoumise, ont lancé un appel à un rassemblement à gauche pour « créer une alternative à Michaël Delafosse ». Un appel auquel les membres du groupe local de l’APRÈS, ont répondu favorablement dès le lendemain.
Un bras de fer à distance
Ils ne le diront pas, mais c’est une forme de bras de fer à distance auquel se livrent à Montpellier La France Insoumise et les Écologistes. Chacun de leur côté, les deux se sont accordés en interne sur la même stratégie pour les municipales. À savoir, réussir un rassemblement réunissant tous les déçus et opposants à gauche de la politique menée par Michaël Delafosse accusée d’être « antisociale, anti-écologique et antidémocratique ». La différence programmatique et les discours étant, pour l’heure, aussi épais qu’une feuille de papier à cigarette. Une feuille de la taille d’un CSR tout de même… mais on y reviendra.
Alors, à ce jeu, chacun sait qu’il doit rallier rapidement à son rassemblement le plus possible de partis, mouvements, associations et autres satellites en tout genre gravitant à gauche pour peser dans la balance des discussions. Les Écologistes viennent de prendre une longueur d’avance en actant le rapprochement avec la branche montpelliéraine de l’APRÉS. Un rapprochement opéré dès le lendemain de l’assemblée générale des Verts même s’il aurait été très étonnant que la formation créée par les députés exclus de La France Insoumise face un pas dans l’autre sens. « C’était quelque chose de logique car Jean-Louis Roumégas siège à l’Assemblée nationale dans le même groupe que les députés de l’APRÉS Clémentine Autain et Alexis Corbière. On a dit chiche pour participer à cette construction et comment on peut créer une alternative dans cette ville pour enfin répondre aux urgences » explique Boris Chenaud dont le mouvement, qui fêtera en juillet son premier anniversaire, compte aujourd’hui 200 signataires et adhérents dans l’Hérault dont un peu moins de la moitié à Montpellier.
« C’est une première étape dans la construction d’un véritable rassemblement. Ce ne sont pas les Écologistes qui ouvrent leur liste. Nous voulons construire ensemble un rassemblement avec les forces politiques et les citoyens qui souhaitent rejoindre le projet » souligne Jean-Louis Roumégas qui annonce les intentions d’Ensemble ! (Mouvement pour une alternative de gauche, écologiste et solidaire) d’y participer. Un comité de pilotage, constitué des composantes de la motion vainqueur de l’AG des écologistes et des partenaires du rassemblement, a été mis en place pour mener les discussions comme ce fut le cas ce week-end avec l’Assemblée des quartiers. « Nous devons continuer à discuter avec eux pour les convaincre de notre démarche, montrer que c’est sincère et que l’on veut vraiment coconstruire » appuie Boris Chenaud qui entend ainsi revenir à « un certain ADN de la gauche » évoquant « l’éducation populaire du Parti Communiste » avec l’espoir, en citant François Mitterrand, de « changer la vie ».
Adapter la ville et les quartiers populaires
Les deux partenaires étant sur la même longueur d’onde politique, place désormais à la construction du programme dont les grandes lignes ont été posées. « Nous voulons une ville vivable, conviviale, accueillante, à taille humaine qui est pensée par et pour ses habitants. La ville que propose ce mandat ne colle pas avec ce que l’on veut » expose Julia Mignacca qui prend en exemple la canicule : « Comme d’habitude sur les questions climatiques c’est toujours les plus précaires qui seront les plus touchées parce que les logements ne sont pas rénovés et que moins de moyens sont mis pour y faire face. Montpellier n’est pas prête à affronter cette vague du changement climatique. Il y a des mesures certes mais elles ne sont pas suffisantes. Il faut changer de logiciel d’où un projet de rupture écologique et sociale avec la majorité actuelle ». Jean-Louis Roumégas abonde : « Quand je vois le maire qui présente les jets d’eau de l’esplanade comme des moyens de lutter contre la canicule, je n’ai pas besoin d’expliquer longtemps que c’est très gadget ». Un aménagement qui n’est pas au goût non plus de Julia Mignacca pour qui « cela participe à cette ville à deux vitesses avec un centre-ville instagrammable comme le dit le maire mais dans les quartiers plus précaires il n’y aura pas ce type d’aménagement. Nous ne voulons plus cette ville à deux vitesses. Il faut prendre soin de l’ensemble des quartiers ».
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Estimant que depuis son départ de la majorité « il ne se passe plus rien dans aux Cévennes à part deux coups de peinture », Coralie Mantion complète : « Il faut aller au-delà d’un post sur les réseaux sociaux, il faut un vrai plan canicule en ouvrant gratuitement le soir les piscines, les musées, les bibliothèques… pour avoir accès à un point de fraîcheur. Il faut repenser le Lez et la Mosson pour avoir ponctuellement des accès à la baignade ». L’ancienne vice-présidente appelle ainsi à « préparer la ville au futur choc du dérèglement climatique » et esquisse « un plan massif de végétalisation en tendant vers 100% des rues végétalisées, 100% des cours d’école végétalisés, mettre massivement de l’argent dans la rénovation des écoles et des logements des ménages… ». Une thématique des quartiers populaires, avec des propos parfois très proches pour ne pas dire similaire, sur laquelle au moins Écologistes et Insoumis n’auront pas de mal à discuter.
L’épine dans les discussions
Ce ne sera pas le seul puisqu’ils partagent également une autre volonté. « Un des gros reproches que nous faisons à la municipalité actuelle, c’est son manque d’écoute, son incapacité à gouverner avec les gens » juge Jean-Louis Roumégas qui prend en exemple le cas des 4 boulevards ou le projet urbain à la Mosson. « J’estime qu’il y a un défaut de méthode. On ne peut pas continuer à construire la ville sans réunir les gens, leur demander ce dont ils ont besoin… Ici, on plaque les choses et après on fait une réunion » et de « reprocher à la municipalité actuelle de ne pas être capable de sortir de l’entre-soi pour parler avec les vrais gens dans les quartiers ». Les Écologistes et leurs partenaires souhaitent ainsi passer pour chaque projet par des assemblées citoyennes, entendent revoir le fonctionnement des conseils de quartiers et imaginent un redécoupage de la ville en une vingtaine de quartiers. Le député appelle également à « instaurer une autre culture des élus. Ils ne sont pas là pour imposer leurs vues, même si on a bien sûr des principes, mais pour animer le débat et écouter les gens ».
Un point fermera toutefois toute discussion. « Le CSR sera un sujet sur lequel nous ne transigerons pas » pointe Jean-Louis Roumégas rappelant que les Écologistes avait fait pencher Georges Frêche vers le choix de la méthanisation et du compostage plutôt que de l’incinération. « Nous sommes à l’initiative d’Ametyst, sans aucun complexe et on l’assume. Sauf que ce projet a été dévoyé » défend le député avant de passer à l’attaque : « La position de René Revol nous pose vraiment problème. Nous avons un vice-président (ndlr : François Vasquez) qui a quitté la majorité à cause de cette question, ce n’est pas pour faire un accord avec quelqu’un qui a repris le dossier et est allé en soutien de Michaël Delafosse ». Et si Jean-Louis Roumégas juge que le CSR est « une épine dans le pied » des Insoumis montpelliérains, Julia Mignacca est moins sévère. « On peut se féliciter que dans leur lancement de campagne, ils ont commencé à remettre en question ce point là. C’est à eux de faire ce chemin » juge-t-elle même si les quatre co-chefs de file ont plutôt eu l’air d’apporter du crédit à René Revol. La question restant « un gros problème » pour Boris Chenaud, ce dernier ne ferme toutefois pas la porte. « Au plan national et local nous faisons des choses en commun avec LFI et nous continuerons. Ils ont un petit souci en interne avec le CSR, à eux de le régler. Nous, nous avançons car nous avons un projet ambitieux de coconstruction avec la population. Les choses ne sont pas figées et nous ne sommes pas sectaires vis-a-vis de LFI. Nous ne sommes pour purger personne de la discussion » comme pour écarter toute tension.
« Arriver en tête au premier tour »
Alors si la question du CSR, sur fond de guerre Vasquez/Revol, est particulièrement problématique pour espérer un rapprochement, en en restant uniquement au programme, d’autre idées comme la mise en place d’un service public de l’énergie, d’une sécurité sociale alimentaire, révision du projet d’urbanisme, lutte pour la qualité de l’air, les alternatives à la voiture… participeront au rapprochement entre Écologistes et Insoumis. « On veut un rassemblement le plus large possible mais on veut que ce soit sur un projet clair. On continue à construire. Nous sommes dans cette démarche de discussion et d’ouverture avec les Montpelliérains » explique Jean-Louis Roumégas. Un programme et un rassemblement qui devront ensuite être validés par les militants écologistes cet automne lors d’une assemblée générale quand la question de la tête de liste, pour laquelle chacun des partenaires avancera ou soutiendra un candidat, sera ensuite validée par l’ensemble des forces qui composeront ce rassemblement.
Quant au risque de voir les démons du passé resurgir, Jean-Louis Roumégas se veut rassurant. « Je pense que nous avons changé d’époque. Celle où le Parti Socialiste était la force pivot à gauche est finie. À Montpellier, il y a eu un contretemps historique en 2020 mais on va faire en sorte de revenir au sens normal de la marche de l’histoire ». D’autant que, même si on l’a senti plus que sceptique quant à la sincérité politique du mouvement Cause Commune auquel Julia Mignacca souhaite tendre la main et affirmant que les histoires de la précédente campagne municipale sont soldées, pour Boris Chenaud son camp à toutes les cartes en main. « En 2020, ce n’est pas tant Michaël Delafosse qui a gagné que nous qui avons perdu. Ce qu’il a gagné, c’est un concours de circonstance. En 2026, on pense que l’on peut être suffisamment fort pour arriver en tête au premier tour et créer le rassemblement avec d’autres forces qui partagent la même alternative pour cette fois-ci gagner ». Où tout est histoire de confiance entre partenaires et de savoir bien jouer pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Mais ça tous les protagonistes l’ont bien en tête.
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