Nous sommes en 2025 après Jésus-Christ. Toute la planète cyclisme est dominée par un Slovène. Toute ? Non ! Une course d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur. Et la vie n’est pas facile pour les secteurs pavés retranchés d’Haveluy à Wallers, Arenberg, Orchies et Mons-en-Pévèle. Car, pour la première fois, ce dimanche, l’empereur Tadej Pogacar va faire le déplacement en personne sur Paris-Roubaix.

Fort de ses succès un peu partout sur le Vieux Continent, le champion du monde débarque en Gaule pour conquérir l’impensable Enfer du Nord, dernière grosse bataille (avec un autre camp fortifié près de Mediolanum en Italie) sur laquelle il n’avait pas encore osé déployer ses forces et où ne l’imaginait pas venir avant un bon bout de temps. Mais les grands conquérants aiment surprendre, c’est pour ça qu’ils sont redoutables.

Après le Tour de France, le Giro, le Tour des Flandres, le Tour de Lombardie ou Liège-Bastogne-Liège, Tadej Pogacar a donc décidé de se lancer un nouveau défi. Et pour cette nouvelle conquête, le Slovène arrive avec les légionnaires les plus fringants de son armée (Politt, Narvaez, Vermeersch, Wellens…), dont certains savent ce que c’est de battre le pavé pour arriver sur le vélodrome de Roubaix.

« Comprendre et aimer » Paris-Roubaix

Sauf que l’Enfer du Nord est peut-être la bataille la plus dure à gagner pour le leader Maximo de la Team Emirates, surtout parce qu’il n’a pas l’habitude de cette terre hostile. « C’est une course d’expérience, assure Alessandro Ballan, champion du monde en 2008, trois fois troisième dans le Nord. Au début c’était un enfer, six crashs en trois ans, je détestais cette course, mais j’ai fini par la comprendre et à l’aimer. »

Et ce n’est pas ses deux petites participations chez les espoirs il y a 10 ans et les quelques reconnaissances effectuées cette saison qui devraient changer la donne. « Le plus important, c’est la connaissance du terrain, assure Evaldas Siskevicius, 9e en 2019. Moi, je l’ai fait en juniors, en espoirs, mais c’est en arrivant chez les pros que tu prends vraiment de l’expérience. Tu connais quasiment chaque pavé, comment il est, où il faut placer les roues. Sur les pavés de Roubaix, on réapprend en quelque sorte à conduire un vélo. Mais il faut faire pour apprendre et comprendre. »

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Apprendre et comprendre qu’il faut, dès le premier secteur pavé à Troisville, être sur les dents et se positionner en première partie du peloton. Apprendre et comprendre que la trouée d’Arenberg se fait tout devant. Drivé par un illustre ancien combattant comme Fabio Baldato dans la voiture, le Slovène n’est pas le moins bon pour retenir les leçons.

« Si ça va au sprint, ils sont plus forts que lui »

Encore faut-il suivre les habitués des tranchés, les assoiffés de sang comme Mathieu Van der Poel, Mads Pedersen, Wout Van Aert ou Filippo Ganna, dont l’arrivée dans le Nord provoque des petits papillons dans le ventre. « Là où Pogacar est très fort, c’est pour développer sa puissance dans les bosses ou les monts. Il arrive à faire très mal, comme sur le Ronde, assure Alessandro Ballan. Paris-Roubaix, c’est presque tout plat et décrocher des gars comme ça sur le plat ou les pavés… Si ça va au sprint, ils sont plus forts que lui. »

Même si certains le pensent capable d’attaquer sur la rocaille brute, mollets aiguisés comme des Laguioles à 120 km de l’arrivée, le physique du Slovène pourrait lui jouer des tours. « Il faut avoir une musculation assez importante sur Roubaix et il lui en manque un peu, estime Siskevicius. Il faut avoir de la puissance, de la souplesse. Sur les pavés, il faut mettre de la force pure. Et les Ganna, Kung ou Van der Poel vont être clairement plus avantagés. »

Les grosses cuisses auront aussi l’obsession de faire de Paris-Roubaix leur chasse gardée, au risque de ne plus avoir nul endroit où récolter une couronne de laurier sans y voir l’ombre de Tadej Pogacar venir les menacer. Sans oublier qu’enchaîner le Tour des Flandres puis Paris-Roubaix pour un profane peut vous donner envie de ranger la machine jusqu’à la fin des temps.

Le matériel peut réduire les différences

Il n’en demeure pas moins que même si le terrain est peu propice à faire de Roubaix un nouveau protectorat slovène dès cette année, Pogacar Ier devrait quand même marquer de son empreinte cette campagne. Notamment grâce à l’aide d’un armement dernière génération qui vous ferait passer les pavés pour de la moquette : des pneus Tubeless grands comme des chenilles de tank, ou presque.

« Je pense qu’on va aller sur du 32 ou du 34 mm ce week-end à Roubaix, avec des vélos qui sont tout aussi confortables et tout aussi dynamiques qu’un vélo de route, explique Steve Chainel, ancien coureur, désormais consultant sur Eurosport. Avant pour les poids plumes qui étaient sur du 28 ou sur du 30, ça rebondissait, tu ne pouvais pas vraiment être rapide sur les pavés. C’est tout à l’avantage de Pogacar d’avoir justement une possibilité de jouer aussi avec ce matériel-là. »

TOUT SAVOIR SUR PARIS-ROUBAIX

Un matériel qui pourrait être encore plus développé encore. Le spécialiste des Flandriennes Sep Vanmarcke a assuré avoir fait des reconnaissances avec des pneus de 38 mm, alors que Pirelli a développé un modèle de 40 mm. Et nul doute que lors de ses reconnaissances, Pogacar a déjà dû choisir les meilleures options. En le voyant déjà battre des records sur trois secteurs pavés à l’entraînement, certes avec l’aide de motos, on peut être sûr que le plan de bataille est déjà prêt. Panoramix, à toi de jouer. Enfin, sans potion magique, ça serait mieux.