Les récifs coralliens, témoins des bouleversements climatiques passés, pourraient bien nous alerter sur ceux à venir
Et si les récifs coralliens fossiles étaient les boîtes noires du climat passé ? Une équipe de chercheurs a lu dans les strates calcaires des Seychelles un avertissement sans appel : la mer peut monter vite, très vite. Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour notre futur.
Des coraux fossiles qui parlent… et ce qu’ils disent est glaçant
Certains lisent l’avenir dans le marc de café. D’autres dans les modèles climatiques. Mais parfois, ce sont les archives géologiques elles-mêmes qui crient l’alerte. C’est le cas des coraux fossilisés des Seychelles. Selon une étude publiée dans Science Advances, ils montrent que le niveau de la mer a déjà connu des hausses soudaines et brutales, à une époque où la Terre connaissait un réchauffement naturel. Et cette découverte donne un sérieux coup de froid sur nos certitudes climatiques.
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Andrea Dutton, auteure principale de l’étude, analyse un récif fossile sur granit à La Digue, révélateur d’un passé climatique instable – © Belinda Dechnik, Université de Sydney
En analysant des récifs coralliens anciens situés au-dessus du niveau actuel de la mer, une équipe internationale a pu dater trois épisodes de montée rapide du niveau marin survenus entre 123 000 et 122 000 ans. Autrement dit, en pleine période interglaciaire. Le plus inquiétant ? Ces hausses n’étaient pas progressives : elles se sont produites en seulement quelques siècles, à un rythme qui surpasse largement les prévisions actuelles. Par conséquent, elles pourraient nous offrir un aperçu réaliste du pire scénario.
Un message d’alerte pour notre époque… et pour l’Antarctique
Ces données fossiles révèlent une vérité dérangeante : les calottes glaciaires peuvent s’effondrer plus vite qu’on ne le pensait. Et surtout, elles n’avaient pas besoin d’un réchauffement planétaire parfaitement symétrique. À l’époque, les deux hémisphères ne se réchauffaient pas au même rythme. Aujourd’hui, ils s’emballent ensemble. En d’autres termes, le contexte actuel pourrait accentuer encore ces dynamiques.
Pire encore, les chercheurs ont identifié un moment où une calotte glaciaire résiduelle en Amérique du Nord s’est désintégrée. Jusqu’ici, on pensait qu’elle avait un rôle mineur. Or, elle aurait pu masquer une contribution massive de l’Antarctique à la montée des océans. Cela signifie donc que l’Antarctique pourrait être bien plus sensible au réchauffement que prévu.
Le verdict ? Si rien ne change, l’élévation moyenne du niveau de la mer pourrait dépasser les 10 mètres dans les siècles à venir. C’est colossal. Mais, et c’est essentiel, ce scénario n’est pas une fatalité. Ainsi, plus nous réduirons vite nos émissions, plus nous pourrons freiner cette mécanique. Les coraux n’ont pas de voix, mais leur message est limpide : l’avenir se joue maintenant.
Quand les archives naturelles lancent l’alerte
Les modèles ont leurs limites. Pourtant, la mémoire des coraux fossiles, elle, ne ment pas. Ce que nous disent les récifs noyés des Seychelles, c’est qu’un basculement peut survenir sans préavis. En effet, le climat n’avance pas toujours lentement. Et nos marges d’erreur, face à un système aussi sensible, sont minces. Ce n’est pas du catastrophisme, c’est une donnée brute, enregistrée dans le calcaire. Par conséquent, à nous de choisir ce que nous en faisons.
D’autant plus que les chercheurs ont identifié un épisode troublant : l’effondrement d’une calotte glaciaire résiduelle en Amérique du Nord a coïncidé avec l’une des plus fortes élévations du niveau de la mer observées dans les archives fossiles. Jusque-là considérée comme secondaire, cette calotte pourrait en réalité avoir masqué un impact bien plus massif de l’Antarctique. Ce retournement de perspective pousse désormais les scientifiques à considérer l’Antarctique comme un maillon extrêmement sensible du système climatique mondial.
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Un glacier bleu intense fend le désert blanc antarctique, sur fond de montagnes enneigées et de nuages rasant les sommets.
En somme, tout indique que la hausse future du niveau de la mer pourrait non seulement être plus rapide, mais aussi beaucoup plus élevée que les modèles actuels ne le laissent entendre. Pourtant, ce constat ne doit pas paralyser. Car plus nous agissons vite sur nos émissions, plus nous avons de chances de contenir l’emballement. Ce n’est pas une prédiction, c’est un choix à faire – maintenant.