En 2022, des arrêtés préfectoraux d’évacuation pour risque d’effondrement avaient été émis à l’encontre des propriétaires de deux maisons emblématiques de Bonifacio : celle de l’actrice Marie-José Nat – qui appartient désormais à son fils, Aurélien Drach – et celle de la SCI Polykhors, place Manichella. Le 15 octobre dernier, le tribunal administratif de Bastia avait annulé ces arrêtés, y voyant une « atteinte disproportionnée au droit de propriété », estimant « qu’ordonner l’évacuation avec interdiction d’habiter deux immeubles sans en fixer la durée, présente le caractère d’une mesure permanente et définitive », et que ces arrêtés préfectoraux n’étaient « pas strictement proportionnés à leur nécessité ».
Vendredi 4 avril, la cour administrative d’appel de Marseille a cassé ce jugement et rétabli les arrêtés préfectoraux d’évacuation, avec effet exécutoire immédiat. Une décision difficilement compréhensible pour Me Benjamin Huglo, avocat des familles, qui annonce un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État, déposé quasiment dans la foulée de la notification du jugement. « Mes clients se retrouvent une fois de plus à ne pas pouvoir jouir de leurs biens, dont ils ont été privés pendant deux ans, période pendant laquelle les maisons, qui sont des résidences secondaires, se sont dégradées puisque leur entretien habituel n’a pu être réalisé. »
« C’est à tort que le tribunal administratif de Bastia a annulé les arrêtés en litige du 15 octobre 2024 »
Le jugement rendu par la cour administrative d’appel de Marseille estime pour sa part que « le préfet de la Corse-du-Sud est fondé à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Bastia a annulé les arrêtés en litige du 15 octobre 2024 ».
Ce même jugement précise également que « même en présence d’un des risques prévisibles énumérés aux articles L. 561-1 et L. 561-3 du Code de l’environnement et menaçant gravement des vies humaines, l’autorité administrative n’est pas tenue de mettre en œuvre les procédures d’expropriation ou d’acquisition amiable » des immeubles notamment lorsqu’une « mesure de police administrative est suffisante pour permettre de protéger la population ou éviter son exposition au risque ».
Un raisonnement qui ne tient pas aux yeux de Me Huglo en ce que, indique-t-il, il est « contraire à la jurisprudence du Conseil d’État de 2009, qui précise qu’on ne peut pas déposséder quelqu’un sans indemnité, un droit gagné à la Révolution ». « Mais après tout, pourquoi compenser si on peut simplement interdire ? », ironise-t-il. L’avocat estime qu’il s’agit par ce jugement d’une « annonce politique inquiétante de l’État sur le droit de la propriété en France. Il y a là un vrai sujet, au-delà du cas personnel de mes clients, qui touche toutes les personnes possédant un bien dans une zone soumise à des plans de prévention des risques. »