Idéalement, comment devraient fonctionner les trois
catégories de Grands Prix ? Si un pilote excellait dans une
classe, alors, il devrait être privilégié pour passer à la
suivante, jusqu’à atteindre la catégorie reine. Et pourtant, un
pilote est snobé par les équipes MotoGP depuis plusieurs années, si
bien que je crois que l’on peut appeler ça une
injustice.
Un profil parfait
Aujourd’hui, je vais me poser en défenseur d’Aron Canet,
deuxième du classement en Moto2. Il y a quelques semaines, il a
révélé qu’il avait reçu des offres intéressantes pour rejoindre le
championnat Superbike, et il regrettait qu’aucune formation
MotoGP ne l’ait contacté. Il n’est pas tout seul,
car moi aussi, je le regrette amèrement.
Canet
est unique. Photo : Fantic Racing
J’adore Aron Canet, d’abord pour sa personnalité. Tatoué de la
nuque aux pieds, il est un personnage fort dans le paddock,
facilement identifiable et qui aurait énormément plu aux sponsors à
autre époque. Je vous l’accorde, ce n’est pas un critère de
sélection suffisant pour monter en MotoGP. Mais alors, que
dire de son talent.
Canet est naturellement rapide sur une moto. Il a toujours été
fort depuis le début de sa carrière, ce qui est particulièrement
rare au plus haut niveau. Il y a peu, j’écrivais sur la difficulté
qu’incarnait le passage du Moto3 au Moto2, et que ceux qui étaient
bons de manière régulière dans les deux catégories se comptaient
sur les doigts de la main. Canet fait partie de
ceux-ci. Il a déjà terminé troisième et vice-champion du
monde en Moto3, ce qui n’est pas rien. Puis, après une année
d’apprentissage difficile en Moto2, il a montré qu’il savait
s’adapter aux 765cc. Sur châssis Boscoscuro ou Kalex, il performe,
avec une collection de deuxièmes places impressionnante et des
victoires depuis plus récemment. Cette régularité dans la
performance lui permit de terminer à la sixième place du classement
général en 2021 – sa deuxième saison en Moto2 –, troisième en 2022,
cinquième en 2023 et deuxième en 2024. Actuellement, il est
deuxième, à seulement quatre points de Manuel
Gonzalez.
Le fait qu’un pilote ayant réussi cette transition difficile ne
reçoive aucune offre de la part d’un team MotoGP est triste. Il est
tout là-haut depuis 2016, soit près de dix bonnes années
consécutives en mondial. N’a-t-il pas prouvé sa valeur à de
multiples reprises ? Que dire de sa science de la
course, de sa patiente, et de son évolution ? Je pense réellement
qu’il pourrait être très performant en MotoGP.
Des arguments qui ne tiennent pas la route
J’ai conscience qu’il n’est pas très apprécié du public, qui,
naturellement, essaye de trouver des arguments en sa défaveur. Mais
je vais en réfuter quelques-uns. Premièrement, son âge. Oui, il a
25 ans, ce qui est embêtant pour un passage en MotoGP à l’heure des
rookies toujours plus jeunes, comme Fermin Aldeguer et Pedro
Acosta. Premièrement, ce paramètre découle directement du
fait qu’il est snobé depuis plusieurs années, car cela fait
maintenant quelques saisons qu’une équipe MotoGP aurait dû lui
donner une chance. Deuxièmement, arrêtons cette
dictature de l’âge ! Johann Zarco avait 27 ans au moment de
son accession en MotoGP. Marco Bezzecchi, 24, « Diggia »,
24, Remy Gardner, 24. Ai Ogura, actuellement rookie, a 24 ans. Ce
n’est pas comme s’il avait déjà la trentaine bien tapée !
S’il passait en MotoGP à 26 ans, ça ne ferait pas de lui
une anomalie aux yeux de l’histoire. Il reste un jeune,
qu’on le veuille ou non.
Ensuite, un autre argument que j’entends souvent est le
suivant : « Il n’a pas réussi à décrocher de
titre de champion du monde ». Sauf que ça ne tient
pas la route. D’abord, il arrive parfois que les pilotes mettent du
temps à triompher en catégorie intermédiaire, et cela ne veut pas
dire qu’ils ne méritent pas un guidon en MotoGP. Alex Marquez,
actuel deuxième du championnat, a mis cinq ans à décrocher sa
couronne en Moto2. Et il était très bon dès son arrivée en
catégorie reine. Canet est dans sa sixième saison pleine, car la
première fut largement entachée par une blessure. Ce n’est
donc pas incohérent.
Peut-être est-ce une question de comportement, ou autre ? Photo :
Fantic Racing
Et puis, depuis quand les titres définissent tout ?
Fermin Aldeguer a signé en MotoGP sur la base d’une série
de quatre victoires consécutives fin 2023. Il n’a pas été
à la hauteur des attentes en 2024. Et pourtant, il est plutôt
performant sur la Desmosedici, non ? Que dire d’Alex Rins, qui
n’a jamais réussi à décrocher le titre en Moto3 comme en
Moto2 ? N’a-t-il pas fait un magnifique pilote MotoGP ?
Et Fabio Quartararo, alors ? Rien que l’on ne
puisse voir de nos yeux de spectateurs n’interdit sa montée.
Une injustice ?
Pour qu’il y ait injustice, il fait qu’il y ait comparaison,
des gens qui « méritent » moins leur place
qu’Aron Canet, en somme. Même si j’ai compris que le
mérite n’avait aucune signification dans la vie depuis bien
longtemps, j’avoue que je ne vois pas pourquoi des équipes mal
loties l’ignorent encore et encore.
Ne vous inquiétez pas, je vais me mouiller, et, comme
d’habitude, les propos qui vont suivre n’engagent que moi. Par
exemple, je ne comprends pas pourquoi Trackhouse Aprilia s’entête
avec Raul Fernandez après toutes ces années. Je ne
dis pas qu’Aron Canet serait meilleur dans ces conditions, mais
simplement qu’il mérite d’essayer. La question se pose également
avec Miguel Oliveira et Alex
Rins, deux de mes pilotes préférés, mais qui, de toute
évidence, sont sur la redescente. Que dire de Joan
Mir, qui ne fait que décevoir depuis le début de la saison
2022 ? J’aimerais tellement voir Canet au moins tenter, à sa
place. Cela injecterait du sang neuf dans le programme Honda, et je
ne vois pas comment ça pourrait être pire – lissé sur plusieurs
années.
Je suis curieux d’avoir votre avis par rapport à la situation
Canet. Car s’il vient à remporter le titre mondial Moto2 2025,
comment va-t-on faire ? Le Moto2 va-t-il se
transformer en Formule 2, où le champion n’est même pas
assuré de passer à l’étape supérieure ? Dites-le-moi
en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur,
et pas de l’entièreté de la rédaction.
Canet
était déjà très puissant en 2014, en FIM CEV ! Photo : Fantic
Photo de couverture : Fantic Racing